Être RP est un métier peu connu et pourtant très demandé. Les RP, pour « Relations Presse », c’est ceux qui communiquent autour des jeux, qui envoient les news en avant-première à tous les journalistes du milieu, qui font tout leur possible pour défendre les jeux dont ils ont la charge. C’est aussi un métier un peu critiqué par certains joueurs qui ne voient qu’en ces hommes et ces femmes des gens prêts à tout pour vendre leurs produits. Olivier Vermeille, RP chez Zallag, nous parle de son métier sans aucune langue de bois. L’occasion de montrer une autre facette, plus humaine, de cette vocation originale.
Bonjour Olivier ! C’est assez rare que les personnes des Relations Presse veuillent bien nous parler de leur vision du milieu et c’est donc avec beaucoup de plaisir que nous te posons quelques questions. Pour commencer, peux-tu te présenter en quelques mots, toi et ton travail chez Zallag ?
Je m’appelle Olivier Vermeille et je suis joueur de jeux vidéo depuis ma plus tendre enfance (j’ai commencé sur Amstrad CPC avant de passer au PC puis aux consoles). Chez Zallag je m’occupe du marketing et des RP (relations presse). Je souhaite quand même prévenir que mes propos dans cette interview me sont propres et ne représentent pas forcément ceux de la « profession ». Ayant toujours travaillé dans de petites structures (chez Nobilis puis chez Zallag) ma vision n’est pas forcément la même qu’une personne d’Ubi Soft d’EA ou d’Activision
Est-ce qu’il n’est pas trop dur de faire ce travail quand on aime le jeu vidéo, tout en passant pour le diable à chaque communiqué de presse auprès de certains joueurs et/ou journalistes ?
Je pense qu’il faut s’y faire et qu’on finit par s’habituer avec le temps :p ! Plus sérieusement, c’est vrai que le marketing passe souvent pour « le grand méchant loup » que ce soit dans le milieu du jeu vidéo ou dans d’autres secteurs d’ailleurs. Je pense que le marketing et les relations presse (qui sont étroitement liés dans une petite structure comme la nôtre) font partie intégrante du développement d’un jeu vidéo. Encore une fois nous sommes une toute petite structure et la communication y est sans doute plus facile qu’ailleurs, c’est pourquoi j’ai eu l’immense plaisir de pouvoir participer (à mon niveau bien entendu, c’est-à-dire en faisant des remarques ou en proposant des choses nouvelles sans jamais les imposer) au développement de nos jeux. Les regarder évoluer est vraiment quelque chose de fantastique (et pas seulement car je pouvais récupérer des screenshots montrables). J’ai même pu donner des idées ou proposer des choses qui se sont retrouvées intégrés dans le jeu. Un rêve de joueur.
Le syndrome des « gros jeux dont tout le monde parle », qui voit la plupart des grands médias ne parler que des mêmes jeux à longueur de temps (qu’ils soient bons ou mauvais), est-il compliqué à combattre lorsque l’on représente un éditeur aux projets moins importants financièrement ?
Je pense qu’il est tout à fait normal de parler des gros jeux, après tout ils sont extrêmement attendus par les joueurs et j’étais le premier à me jeter sur le teaser de Mass Effect 3 lorsqu’il est sorti ! Après, je prêche pour ma paroisse en disant ça mais mon souhait est qu’on ne parle pas que des gros jeux mais aussi des plus petits projets qui en ont cruellement besoin. On parlait de marketing tout à l’heure mais les indépendants comme nous n’ont justement pas des millions à investir en publicité et si la presse spécialisée ne parle pas du tout de nos jeux, les joueurs qui auraient pu être intéressés ne sauront même pas qu’ils existent et le retour sur investissement deviendra extrêmement problématique. Ok « retour sur investissement » ce n’est peut-être pas très glamour comme terme mais même si le jeu vidéo est une passion, les studios et les éditeurs sont aussi des entreprises dont le seul but est de pouvoir exister le plus longtemps possible.
Est-ce que la presse arrive à faire la différence et à ne pas « dénigrer » les jeux que tu représentes sans trop y avoir joué ?
Dans l’ensemble je suis très content des retours qu’on peut avoir dans la presse (que ce soit sur Internet ou dans les magazines papiers). La plupart des journalistes (ou bloggeurs) avec qui je discute comprennent la difficulté de sortir un jeu indé au milieu des AAA. Après, tous ne mettent pas 100% à nos jeux (tous les goûts sont dans la nature et chaque testeur à sa propre sensibilité de gamer) mais qu’ils les intègrent à leur planning et les testent comme n’importe quel autre jeu, c’est déjà énorme pour nous. Ce serait mentir de dire que tous les sites sans exceptions acceptent de parler de nos jeux ou nous répondent tous simplement. Mais ça fait partie du jeu (avec ou sans jeu de mot, à vous de voir ), comme je le disais plus haut par rapport à la passion et au business, les gros sites de jeux vidéo sont aussi des entreprises et auront une tendance (inconsciente ou non) à privilégier les gros éditeurs qui leur achètent beaucoup de publicité (et donc les font vivre). Ça ne veut pas dire qu’il seront gentil avec leurs jeux mais au moins que les barrières seront moins nombreuses pour qu’une news, un aperçu ou un test apparaisse dans leurs colonnes.
Question très vaste : de ton point de vue, que penses-tu justement de la presse vidéoludique actuelle ?
Vaste question en effet . Comme beaucoup j’ai commencé en lisant les magazines de la grande époque (Tilt, Joystick, Joypad, Player One, Console+…) puis je suis passé au web. Ma première expérience dans le milieu du jeu vidéo était justement pour un site web : jeuxvideo.com où j’ai effectué un stage il y a quelques années. Pour ce qui est de mon avis sur la presse actuelle, je trouve qu’en tant que joueurs on a jamais été aussi gâtés qu’aujourd’hui. Je me souviens encore devoir attendre le numéro spécial de l’été de nos magazines préférés pour lire la bave aux lèvres toutes les dernières infos en direct de l’E3. Aujourd’hui on peut suivre les conférences vraiment en direct, les sites font des coverages vidéos hallucinants, on a l’impression d’y être ! Le revers de la médaille c’est que tout va beaucoup, beaucoup plus vite désormais. Il y a vraiment énormément d’infos (une news en chasse une autre en quelques minutes) et dans ces conditions il n’est pas évident de sortir du lot (sur cette dernière partie je parle plus en tant que RP qu’en tant que lecteur vous l’aurez compris !)
A contrario, ne penses-tu pas que cette image du méchant RP est due à de véritables abus de tes confrères par le passé ? On pense par exemple à certaines affaires de valises de billets. Prenons exemple sur la sortie de Driver 3 et de cette affaire de magazines achetés pour donner de très bonnes notes aux jeux (qui était alors assez exécrable). Finalement, est-ce que ce genre d’affaire n’ont pas fait des RP de parfaits bouc-émissaire ?
Je ne connais pas vraiment l’affaire à laquelle tu fais référence mais je suis assez fataliste sur ce genre d’histoires. Des « scandales » il y en a toujours eu et il y en aura toujours ; peu importe le milieu où l’on se trouve et malheureusement le jeu vidéo n’y échappe pas. D’autant plus que c’est devenu une industrie gigantesque, la pression est donc d’autant plus forte à tous les niveaux. Personnellement ce n’est absolument pas ma façon de travailler si ça peut te rassurer.
Honnêtement, quel est le jeu que tu as représenté dont tu as été le plus fier ? Et pourquoi ?
Celui dont je suis le plus fier c’est sans hésitation Trine sur PSN. Un jeu d’action/plateforme/puzzle fabuleux qu’avait déniché David Costarigot (co-fondateur de Zallag) en Finlande et qui a été élu « Meilleur jeu en téléchargement » à l’E3 2009. J’ai adoré Trine en tant que joueur d’abord, sa musique, ses décors enchanteurs, sa gestion de la physique et son multi-joueurs à 3 en local, c’était un vrai bonheur à jouer. En tant que Chef de Produit/RP c’était aussi fascinant car après l’E3, le jeu est devenu extrêmement attendu par la presse du monde entier. Je recevais énormément de mails de journalistes et bloggeurs qui souhaitaient avoir des infos et avaient hâte de tester le jeu. Inutile de préciser que c’est beaucoup plus facile de travailler dans ces conditions . C’est quelque chose d’assez rare cependant, la plupart du temps, les journalistes ne viennent pas d’eux même et c’est à nous de les contacter pour essayer de les intéresser à nos titres !
Un autre jeu sur lequel j’ai adoré travailler c’est SHIFT extended lui aussi sorti sur PSN (décidemment !). Un jeu Minis (donc compatible PSP/PS3) de plateforme/réflexion à la mécanique absolument géniale. En fait il n’y a aucun scrolling, ce qui peut paraître étrange pour un jeu de plateforme en 2011. Les graphismes sont presque entièrement en noir et blanc ce qui rend le jeu immédiatement reconnaissable ! La mécanique dont je parlais c’est le fait de pouvoir « shifter » et donc retourner entièrement un niveau pour trouver la sortie. C’est très déstabilisant au début puis, étrangement, on s’habitue et on « shift » dans sa tête avant même de le faire à l’écran pour trouver des nouveaux passages. Un jeu très addictif et 100% indé !
Et le plus mauvais ?
Par correction je ne peux malheureusement pas répondre à cette question, j’espère que vous comprendrez 😉 Une chose est sûre, ce n’est jamais plaisant de promouvoir un jeu que l’on considère comme « mauvais » d’autant plus si on n’a pas participé du tout au projet et qu’on est mis devant le fait accompli. Ca fait aussi partie du métier mais j’ai pu remarquer qu’un jeu « mauvais » ne l’est pas forcément pour tout le monde. Je ne sais pas si ça vous est déjà arrivé quand vous étiez plus jeune de vous éclater sur certains jeux qui étaient considérés comme mauvais même à l’époque ? En ce qui me concerne, la réponse est oui ! Je me souviens encore avoir passé des heures et des heures sur le jeu Dragon Ball Final Bout sur PlayStation tout en sachant pertinemment qu’il s’était pris un 1/10 dans Joypad ! Comme quoi, tout le monde a droit à une chance !
Quand on interroge un « testeur de jeux vidéo », une question revient toujours en fin d’interview. Je vais te poser la même question : que dirais-tu à un jeune qui voudrait travailler dans le jeu vidéo comme tu le fais, mais qui ne sait pas vers ou se diriger d’un point de vue des études ?
Tout dépend du métier vers lequel il/elle souhaite se diriger. Le secteur du jeu vidéo est vraiment en train de grandir à tous les niveaux et on voit apparaître énormément de nouvelles filières qui se spécialisent dans cette voie. C’est une excellente chose et il y a aujourd’hui beaucoup d’écoles de grande qualité spécialisées dans le jeu vidéo (Gamagora, ENJMIN, SupInfoGame..). Après cela concerne surtout l’aspect créatif, je ne connais pas assez les différentes filières mais il ne me semble pas qu’une filière « marketing jeu vidéo » existe. J’ai entendu parler d’un master de Lyon3 qui était tourné vers le multimédia et le transmédia par exemple qui peut être très intéressant. Si c’est plus dans cette voie que notre « jeune » souhaite se diriger alors les filières plus traditionnelles comme les écoles de commerce semblent plus indiqués. Personnellement j’ai fait une fac d’anglais puis une école de management/commerce spécialisée sur les marchés asiatiques. Je pense qu’il n’y pas vraiment de « profil type », le secteur étant encore jeune.
Aussi, quels sont les bons conseils que tu lui donnerais et les qualités selon toi requises pour être un bon RP ?
Difficile de parler uniquement du côté RP car j’ai toujours mélangé le boulot de « chef produit marketing » et « RP » que ce soit dans mon ancien poste ou aujourd’hui. Je pense qu’il faut d’abord être passionné par les jeux vidéo (ou au moins intéressé). Non seulement parce qu’à mon avis, il est indispensable de bien connaître de quoi on parle pour le « vendre » (dans le sens « intéresser ») à d’autres personnes mais aussi car les principaux interlocuteurs d’un RP sont justement des passionnés aux-même : les journalistes et les bloggeurs spécialisés. Une autre qualité c’est évidemment l’anglais. Aujourd’hui il est impossible de travailler dans ce milieu en tant qu’attaché de presse si on ne parle pas anglais ! Toute autre langue est évidemment un plus. Il faut aussi aimer parler et ne pas avoir peur de contacter les journalistes individuellement. C’est long mais c’est là qu’on a les meilleurs résultats. Enfin la rigueur et l’organisation ne sont pas de trop, il y a souvent énormément de choses à gérer en simultané et il faut savoir jongler avec ses plannings 😉
Enfin, question plus personnelle… Quels sont tes jeux du moment, ceux auxquels tu ne décroches pas et qui te laissent penser que malgré tout ce qu’on entend par-ci, par-là, le jeu vidéo n’est clairement pas prêt de tourner en rond ?
Comme beaucoup j’ai ma « pile de jeu » qui m’attend et qui ne cesse de grossir, dur dur de faire un choix parmi tous les excellents jeux qui sortent à un rythme effrayant. C’est pourquoi j’ai souvent du retard dans mes expériences ludiques. Les dernières claques ce sont « BioShock » (comment ne pas être émerveillé devant un tel jeu ?!), « Mass Effect » (j’ai acheté le 2 juste après avoir fini le 1 tellement il m’avait bluffé) et « Assassin’s Creed 2 » auquel je joue actuellement. J’ai refait le premier épisode (que j’avais adoré) juste avant de commencer celui-là qui va encore plus loin dans l’immersion, le gameplay et l’histoire. J’adore qu’on me raconte des histoires dans les jeux vidéo et je me rends compte que tous les jeux cités ont en commun une narration très travaillée.
Merci beaucoup pour cette interview !
Merci à toi de parler des « petits » du jeu vidéo . N’hésitez pas à nous suivre sur notre page Facebook. On écrit aussi énormément d’articles sur nos différents blogs pour parler de nos jeux mais pas seulement, il y a aussi des petites BD qu’on réalise en interne, des articles sur des jeux rétro qui nous ont marqués et tout un tas d’autres surprises ! C’est par ici que ça se passe.