Chronique
L’expérience In Memoriam
Développeur
Lexis Numérique
Éditeur
Ubisoft (en France)
Date de Sortie
17 octobre 2003
Prix de lancement
60 €
Testé sur
PC
Cet article est bien personnel, car je vais parler d’une expérience qui n’est que la mienne. Tout d’abord, il faut savoir que lorsque ça fait peur, je suis bon client. Je ne rechigne jamais à l’idée de regarder un film ou lire une histoire qui va me faire peur ou simplement me faire sentir mal à l’aise. Je suis le genre de personne à plonger directement dans les histoires que l’on me raconte, je suis Altair lorsque je joue à Assassin’s Creed, je suis ému quand un personnage que j’aimais meurt dans un film… Bref, vous avez compris l’idée.
En démarrant In Memoriam, je suis CuberToy, tout juste contacté par l’agence SKL qui me demande de les aider à résoudre une enquête dans le but de retrouver Jack et Karen. Ils me font parvenir une copie du CD d’une personne, kidnappeur présumé qui se fait appeler “Le Phoenix”, contenant des glyphes étranges et des énigmes plus tordues les unes que les autres. Pour résoudre les énigmes et donc avancer dans le jeu, In Memoriam propose quelque chose d’assez étonnant et d’unique (ou du moins, de très rare). Vous êtes réellement l’enquêteur. Ce n’est pas un jeu “d’aventure” ou l’on clique sur des illustrations de lieux pour trouver un écrou et enfin pouvoir ouvrir la porte. Vous devez utiliser Internet pour rechercher (des vrais faux sites étant été mis en ligne pour l’occasion), regarder des vidéos, écouter des sons… Bref, faire qu’un enquêteur ferrait dans de pareilles conditions. Pour vous immerger un peu plus dans tout cela, vous recevez des mails (et même des SMS dans Le dernier rituel) de différents protagonistes, dont le phoenix. Ce que le monde appelle aujourd’hui le Transmedia. Je ne vais pas me lancer dans une définition compliquée, grosso modo, le Transmedia c’est utiliser différent médias (ici le son, l’image, internet, le film de fiction, etc…) pour servir un seul but, dans In Memoriam, on utilise tout cela afin de progresser dans l’histoire et dans notre enquête (et j’espère ne pas trop me tromper sur la définition, si c’est le cas, venez me taper dessus).
Je dois faire une première confession, la première fois que j’y ai joué, enfin plutôt vécu In Memoriam, j’ai très vite arrêté. J’avais une quinzaine d’années et très vite, au montage de la vieille vidéo super 8 (les connaisseurs se rappelleront, les autres devront aller essayer) j’étais tellement mal à l’aise que je me suis arrêté. On m’aurait simplement montré la vidéo, elle n’aurait eu aucun impact sur moi, mais là, j’étais en train de la monter moi-même, de la visionner en boucle avec cette musique en arrière-plan (pour ceux qui n’ont jamais entendu les fonds sonores d’In Memoriam, vous ne pouvez surement pas comprendre). Inconsciemment, je n’avais jamais repris le jeu, mais mon dossier “In Memoriam” était resté dans mon service de messagerie et ce n’est qu’il y a peu de temps que je me suis dit que je me devais de continuer.
J’ai alors recommencé. Étrangement, comme si je tenais à me torturer davantage, c’est un jeu auquel je jouais la nuit, dans le noir, le casque sur les oreilles. Bien sûr, j’étais tout autant mal à l’aise que lorsque j’avais quinze ans, mais cette fois, j’avais un peu plus d’expérience. J’ai alors tout refait du début à la fin en quelques jours, écumant post-it sur post-it, bloc note Windows, et marques page. Je prenais plaisir à passer une énigme compliquée, à trouver des réponses sur internet et à me prendre complètement au jeu. Il nous fait nous investir personnellement dans le scénario, faisant partie intégrante de l’intrigue c’est le joueur et non un personnage joué qui enquête. Une fois fini, j’ai enchainé avec son Add-On “La treizième victime”. Il est certainement un peu plus court, mais on sentait que naissait chez les développeurs une vraie maitrise de l’objet, ils affirmaient les compétences acquises avec In Memoriam et le montrait avec un ce jeu qui me semblait en tout point maitrisé. Une fois fini, j’ai entamé In Memoriam 2, le dernier rituel.
Au jour de l’écriture de cet article, je ne l’ai toujours pas fini. La raison est simple, je n’ai pas envie de le finir. Oh bien sûr il n’est pas moins bon, je le trouve même encore meilleur (bien que le service de SMS ne semble plus fonctionner), mais le finir correspondrait à arrêter l’expérience là sans savoir si un jour elle reprendra. Alors oui In Memoriam, j’en parle ainsi, car je considère les trois opus comme un tout, n’est très certainement pas parfait. Mais c’est un jeu qui vous fait réellement ressentir des choses, on ne vous dit pas que vous êtes l’enquêteur, on ne vous demande pas de vous identifier à tel ou tel personnage puisque vous restez vous pendant tout le jeu. Si vous bloquez sur une énigme, vous allez très certainement y réfléchir longtemps, même quand vous ne serez plus devant votre ordinateur et c’est quelque chose que très peu de jeu arrive à faire. In Memoriam est une expérience unique (ou quasi unique, mais je ne connais personnellement aucun jeu s’en rapprochant). Je ne dis pas que c’est ce qu’il se fait de mieux dans le jeu vidéo, attention, je dis simplement que c’est une expérience différente de tout ce que vous avez pu connaitre. De plus, il est intemporel. Son gameplay ne peut pas vieillir, ses graphismes non plus. J’aime In Memoriam et cet article est ma déclaration. Il m’est impossible de comprendre pourquoi personne d’autre n’a tenté de faire quelque chose du même type depuis. Pour moi, les créateurs de jeu vidéo n’ont rien compris s’ils pensent que l’émotion, la vraie, peut passer au travers de personnage animé par motion capture et base tout son jeu là-dessus (s’y reconnaitra qui voudra). L’émotion est quelque chose que le joueur ressent, un perso à faible nombre de polygone peut provoquer une émotion s’il y est amené. Voir la larme couler au bord de la joue n’est qu’un accessoire forçant la réaction. Tout type de jeu doit exister, chacun d’entre eux apporte son expérience bien différente. In Memoriam est unique en son genre pour le moment, et c’est ce qui fait que je lui consacre cet article. Il est la plus grosse claque videoludique que j’ai pu connaitre jusqu’à aujourd’hui.
Pour conclure cet article, s’apparentant plus à du blogging très certainement, je vous somme d’aller faire un tour sur le blog d’Eric Viennot. Il est le créateur d’In Memoriam et ses textes sont bien souvent passionnants, parfois touchants (il y a par exemple un article ou il rapporte les échanges qu’il a eu avec son fils concernant l’adaptation au gameplay au travers de Zelda qui m’a sincèrement bouleversé) et il y définira certainement mieux que moi ce qu’est le transmedia. Si dans le monde du jeu vidéo des tas de noms compte, Viennot en fait certainement partie. On sent une réelle passion, une envie d’apporter des expériences nouvelles et de les partager.
“Je suis là, tout près de toi. Je t’observe. Tu pourrais presque sentir mon souffle sur ta peau…
À bientôt Poussin. À bientôt CuberToy
Le Phoenix”
… Tu me manques parfois.
7 réflexions au sujet de “L’expérience In Memoriam”
Je suis plutôt d’accord avec l’article, même si j’avoue de pas m’y être investie correctement.
Je compte bien, un de ces jours, me le faire (ou du moins l’entamer bien comme il faut), pour mieux comprendre.
J’ai fait récemment le premier, et je suis d’accord en tout points. Mais j’ai trouvé la reconstitution de la petite chanson de Karen encore plus malsain…
(Quand tu te réveilles et que tu trouves ce message du Phoenix dans tes mails, t’as beau savoir que tout est fiction, ça vaut bien deux cafés quand même…)
Oh la vache le temps passé sur cette chanson… pis c’est pareil, le truc qui te fais vraiment te sentir mal c’est le fait de devoir consciemment réécouter plusieurs fois etc…
Im Memoriam le Dernier Rituel est peut-être le jeu le plus glauque auquel j’ai jamais joué. Je l’ai trouvé extraordinaire par sa mise en forme, mais purée il me fallait de l’air frais régulièrement pour continuer. Excellent article.
In Memoriam ressemble a un ARG, jeu en réalité alternée (il y a d’ailleurs discutions pour savoir si In Memoriam est un ARG) Les meilleurs des ARGs sont anglosaxons, The Beast, Perplex city etc
Mais le meilleur reste à venir, Twelve, le prochain projet de fiction totale d’Eric Viennot arrive bientôt …
Et non ce n’est pas une grosse pub déguisée c’est juste qu’In Memoriam, ça commence à dater et que la relève n’arrive toujours pas (du moins en France …) les ARGs sympas sont toujours (presque toujours) US
Merci pour cette info, je l’ignorais (je pensais que Monsieur Viennot bossait sur Brooklyn Stories dont on ne sait rien..)
Juste pour m’avoir fait découvrir le blog et le personnage de Mr Viennot (tout deux extrêmement intéressants)… Merci CuberToy ^^
En revanche, je te remercie moins pour le dommage collatéral découlant de cette découverte, à savoir l’heure indécente à laquelle je me couche après avoir lu une dizaine d’articles du blog 🙂