Sinto n’est autre que le compositeur de la bande-son du jeu Winter Voices, de Beyond the Pillars. Avec des sonorités très sombres, touchantes, offrant à ce RPG original davantage de noirceur et une ambiance unique, Sinto sublime l’univers de Winter Voices. Cette interview est l’occasion d’en savoir un peu plus sur son parcours, ses projets et ses gouts musicaux… Ensuite, n’hésitez pas à en découvrir davantage sur son profil Facebook. Mieux encore, pourquoi ne pas écouter toutes ses créations musicales sur sa page SoundCloud ?
– Bonjour Batlhazar Benadon, aka Sinto, et merci de vous prêter au jeu de cette petite interview. Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes, pour nos lecteurs (et pour m’éviter de faire votre biographie comme si j’éditais une page Wikipedia) ?
Je m’appelle Balthazar Benadon, j’ai 26 ans, j’ai pris comme pseudo Sinto, mon deuxième prénom.
Je suis le compositeur de la musique de Winter Voices, j’ai sorti un EP intitulé Sound For The Unselected, disponible en free download sur ma page soundcloud. Auparavant, j’avais collaboré avec Béatrice Ardisson sur un certain nombre d’albums tribute, sous des noms variés, ainsi que des projets originaux. A l’heure actuelle, je continue de produire des titres pour Beyond The Pillars, et je suis musicien live pour deux groupes, Ask the Dust et Dead Sea Lions.
– Pour commencer, quel enfant étiez-vous ? On a toujours cette image du génie du solfège qui n’a pas besoin d’apprendre pour faire du piano comme un dieu. Bon, généralement, c’est aussi le souffre douleur de la classe. Étiez-vous plutôt le petit génie futur artiste ou un élève qui tentait tant bien que mal de passer l’étape du Collège sans heurts ?
Hmm, aussi loin que je me souvienne, j’étais un gamin complètement dans la lune, je dessinais énormément, je ne jouais pas au foot, et je n’étais pas un génie, encore moins du solfège, vu que je n’en ai jamais fait. Par contre, j’ai eu très tôt l’ambition de créer, quelle que soit la manière.
– Tous les jours, la question des études est posées par beaucoup de collégiens ou lycéens concernant leur envie de faire de la musique un métier. Que diriez vous à un adolescent persuadé d’être le nouveau Nobuo Uematsu pour le mettre sur le « droit chemin » lui permettant de vivre plus ou moins de son potentiel talent ?
Je le mettrais devant un miroir et je lui rappellerais que pour l’instant, il pourrait surtout devenir la nouvelle égérie Biactol, donc humilité avant tout.
Plus sérieusement, je pense qu’on en vient à la musique, et à l’art en général parce qu’on le veut, que l’on en a besoin, qu’on serait malheureux sans ça. Alors je lui dirais de créer, avec une gratte, un piano, un ordinateur, autant qu’il le peut et le mieux possible, de le faire écouter, de garder du recul et encore une fois, de rester humble, c’est une qualité qui manque cruellement dans ce milieu là.
– Vous êtes le compositeur de Winter Voices, un jeu dont nous reparlerons très souvent sur Game Side Story mais qui a d’énormes qualités mais aussi quelques défauts très importants. Malgré cela, les musiques sont à mon sens le seul élément du jeu qui soit réellement parfait de bout en bout, sans aucune « fausse note » si-je puis dire. Quelles ont été vos inspirations pour ces thèmes sombres et particulièrement envoutants ?
Déjà, merci du compliment.
A l’époque des premiers morceaux, j’écoutais énormément Nine Inch Nails, Björk, Fever Ray, Amon Tobin, Emilie Simon, pour ne citer qu’eux. Des artistes qui arrivaient à générer des univers intenses, visuels, tout en gardant un songwriting cohérent, et pas seulement une collection de bruits évocateurs. J’en ai gardé quelques idées de mélodies, d’arrangements, puis, j’ai essayé de trouver des sons qui pourraient décrire la tristesse, l’anxiété, le froid, le malaise, ce genre de joyeusetés, et le résultat est devenu une sorte de collage de tous ces éléments. Enfin, les intentions visuelles de Emmanuel Malin et de Annick Leclerc étaient tellement abouties qu’elles appelaient une ambition sonore qui ne demandait qu’à être suivie.
– L’aventure Winter Voices est-elle terminée pour vous ou l’équipe de développement vous a t-elle d’ores et déjà redemandé pour quelques pistes supplémentaires ?
Par pas mal d’aspects, l’aventure Winter Voices a été « assez compliquée », mais il semble qu’il y ait une attente pour de nouveaux morceaux assez forte. C’est très précieux vous savez, de savoir que des gens écoutent et apprécient mon travail, alors ne serait-ce que pour cette raison, je continuerai, autant que possible.
– Une OST est elle prévue en version « dure » et si oui, pour quand ? (Depuis la création de cette interview, quelques morceaux sont en ligne)
C’est un projet, sans date précise à l’heure où je vous parle. J’aimerais vraiment que ça arrive, mais la priorité, c’est de terminer le jeu.
Quoi qu’il arrive, à un moment ou un autre, on essaiera.
– A titre personnel, j’ai très envie de vous réécouter dans un tout autre univers. Quels sont vos projets en cours ou à venir ? Est-il et sera-t-il toujours question de jeu vidéo ou avez vous envie d’être « multi-taches » et de vous diversifier un maximum ?
Du moment que c’est de la musique, et que le projet permet des challenges intéressant, je suis preneur, jeu vidéo ou pas !
Là tout de suite, je travaille sur des morceaux plus axés chansons, pour mon propre compte, je joue en live avec deux groupes, Dead Sea Lions et Ask The Dust, très différents et tout les deux très chouettes. Enfin, un projet de film, et un autre de jeu vidéo desquels j’attends des news.
– D’ailleurs, en parlant de jeux vidéo, quelles musiques de jeux vous ont réellement marqués et quels sont vos compositeurs préférés ?
J’ai grandi avec le travail de Koji Kondo, difficile donc de passez à côté. Ces derniers temps, j’ai trouvé la BO de Bioshock vraiment bien foutue, angoissante et très évocatrice. J’avais aussi apprécié celle de Braid, ça te mettait les larmes aux yeux, tu étais ému, c’était chouette. Mais ma préférée est sans doute la bande son de Red Dead Redemption, une classe incroyable, moderne, elle colle parfaitement à l’ambiance Far West, Ennio Morriconesque, sans jamais tomber dans le cliché. Vraiment bien.
– Quels jeux trainent actuellement dans les lecteurs de vos consoles ou de votre PC ?
Minecraft ! Je devrais faire attention d’ailleurs, ma sociabilité en a pris un coup. Sinon, le dernier Dead Space, et j’attends L.A. Noire avec impatience. Je suis assez casual dans la plupart de mes choix, tout en jouant pas mal. Ca devrait faire hurler pas mal de monde, mais je considère ce média comme l’aboutissement logique de quasiment toutes les disciplines artistiques, j’y porte donc beaucoup d’attention.
– En vous lisant (et en vous écoutant d’une certaine façon), on sent comme une envie d’être libre, de ne pas se situer dans un carcan musical. Ce coté « globe-trotter de la musique » est volontaire de votre part ou est davantage ancré dans votre personnalité ? (ou une totale lubie de ma part)
Un peu des deux. A l’époque des disques à 15 euros et des radios toutes puissantes, refuser ou revendiquer tel ou tel style devenait limite un acte militant, parce qu’on avait pas accès à autre chose qu’à la quarantaine d’artistes qui monopolisaient les ondes. Aujourd’hui, c’est différent, la musique est quasiment gratuite, disponible en deux clics de souris, dès lors, je ne vois pas vraiment l’intérêt de s’enfermer dans un genre quelconque .
J’essaie de me nourrir de tout ce que je trouve bon, que ce soit la grosse prod US du moment, ou d’un obscur groupe de hip hop symphonique atonal, je m’en fous un peu, tant que c’est bien. Par contre, le jour où j’aurai un projet dont l’ambition est de passer en radio, effectivement, il faudra peut être rentrer dans une charte imposée, ce qui peut être passionnant d’ailleurs, mais tant que ce n’est pas le cas, je me contente de suivre mes envies.
– Vous avez travaillé avec Béatrice Ardisson sur plusieurs créations, principalement sur un disque dont j’apprecie beaucoup la prise de risque : Dylan Mania. Pouvez-vous nous parler de cette collaboration assez prestigieuse ?
Mon frère Timothée et moi même avons travaillé pendant plusieurs années aux côtés de Béatrice Ardisson, on se connaît donc pas mal, et on est très copains avec ses enfants. Il s’est trouvé qu’elle avait besoin d’une reprise de Subterranean Homesick Blues, on a donc monté un groupe avec Gaston, Ninon et moi même au chant, Timothée à la guitare. On a essayé de faire quelque chose de frais, sans retouches, de garder la candeur des premières prises. Puis, on l’a terminée en studio avec François Chevalier au mix, et Medi et de Medi & the Medecine Show à la batterie. On l’a interprété une fois, au Divan du Monde, et c’était chouette, très familial. J’en ai gardé un bon souvenir.
– Enfin, je vais me faire insulter par ma femme si je ne vous pose pas le question alors je m’exécute. Dans une précédente interview, vous citez Josh Homme le leader de Queens of the Stone Age. Êtes vous fan et si oui, pouvez vous m’affirmer qu’il n’y a rien de mal à écouter QotSA et à aimer Muse en même temps ? Il en va de ma crédibilité !
J’adore Queens of the Stone Age, et je ne peux pas piffrer Muse, désolé 🙂
– Merci beaucoup pour votre disponibilité et pour toutes les moqueries que je vais recevoir par mail après la réponse à cette dernière question…