Entre Sonic Adventure et les récents Unleashed et Colors, l’emblématique hérisson de Sega a fait une traversée du désert terriblement violente pour son image. Entre jeux ratés et franchement navrants, la franchise Sonic était pratiquement devenue une vaste blague annuelle, excepté sans doute sur consoles portables. Et puis, le vingtième anniversaire arriva…
Iizuka aux commandes !
La Sonic Team voulait faire les choses en grand, avec classe, pour satisfaire tous les fans (nostalgiques comme les plus jeunes) de ce hérisson bleu qui parle à tous, même à ceux qui n’y connaissent absolument rien en jeu vidéo. Pour cela, ils ont demandé à l’un de leurs producteurs phares, Takashi Iizuka, de s’occuper du projet. Les craintes sont alors au rendez-vous : le monsieur, aussi talentueux qu’il soit (et il l’est, à n’en pas douter) n’est pas l’instigateur des deux premiers grands et mythiques opus de la franchise.
Ayant commencé son travail à la Sonic Team avec Sonic 3 & Knuckles, il est surtout le créateur d’un Sonic avec beaucoup de scénario, de mise en scène et davantage d’action brute entre deux courses folles. Il est celui qui a vu naitre tous les nouveaux personnages de Sonic Adventure et sa suite, de chaque nouvel opus, et est donc le papa du Sonic « pour adolescent » qu’on a tous aimé et qui se fait finalement détester aujourd’hui pour son look « cool » face à son aspect mignon qu’il avait bien davantage dans ses premières aventures Master System et Megadrive.
Tout cela rendit les fans un peu frileux à l’annonce de cet opus « spécial anniversaire ». Mais c’était oublier que monsieur Iizuka fut dans les remerciements d’un bon paquet de titres assez misérables : Sonc the Hedgehog, Sonic & the Secret Rings, Sonic Riders ou encore l’inssuportable Sonic & The Black Knights. On comprend alors nettement pourquoi il est revenu chez la Sonic Team pour mettre son grain de sel dans les projets et débarquer avec Sonic Colors en 2010. Bien décidé à rendre à Sonic ses lettres de noblesse, celles qu’il mérite, il signe donc ce Sonic Generations avec toute la bonne volonté du monde.
Craintes fanatiques
Le jeu sentait bon la nostalgie lors de ces nombreuses annonces et c’est donc sans mal que les fans en sont tombés amoureux. Pourtant, une question demeurait : quid du gameplay semi-rapide / semi-labyrinthique des premiers Sonic ? La démo jouable est alors sortie, proposant les deux premiers niveaux du jeu complet et ce fut le drame : Il suffit de laisser le stick directionnel vers la droite ou le haut de l’écran et de participer à quelques simples QTE pour finir les niveaux ? Encore une fois, beaucoup sont venus crier leur haine de ce nouveau titre sur les réseaux sociaux. La bonne nouvelle, c’est qu’ils ont eu complètement tort de faire cela.
Sonic Generations possède un concept assez simple : réunir l’ancien Sonic 2D et le nouveau Sonic « cool » que l’on connait depuis Sonic Adventure, dans une seule épopée scénarisée et doublée par les voix françaises du dessin-animé Sonic-X. On a alors le droit à une dizaine de mondes, chacun tiré d’un jeu en particulier et revisité en deux niveaux distincts : l’un en vue 2,5D (pour l’aspect rétro) et l’autre en 3D (plus moderne). À chaque niveau son Sonic et sa manière de jouer. Sauf que comme précisé plus tôt, les deux premiers niveaux du jeu (la Green Hill Zone de Sonic 1) ne sont pas très concluants et servent tellement de tutorial qu’ils perdent beaucoup en intérêt.
Trop rapides, sans level-design très inspiré et terriblement faciles, ils sont tous deux un très mauvais moyen de mettre en valeur les nombreuses qualités de Sonic Generations. Car oui, on en vient rapidement à la même conclusion : après deux ou trois mondes, on découvre avec une joie incommensurable que ce Sonic festif est un véritable régal autant pour les nouveaux venus que les vieux de la vieille.
Rapide, mais intelligent ?
La Green Hill Zone de Sonic the Hedgehog, Chemical Plant de Sonic the Hedgehog 2, Sky Sanctuary de Sonic & Knuckles, Speed Highway de Sonic Adventure, City Escape de Sonic Adventure 2, Seaside Hill de Sonic Heroes, Rooftop Run de Sonic Unleashed, Crisis City de Sonic the Hedhehog (la version Next-Gen) et Planet Wisp de Sonic Colours sont donc au rendez-vous. Chaque monde possède deux niveaux : un en 2D vue de côté, l’autre en vue 3D à la troisième personne. Les gameplays changent, les graphismes aussi, mais surtout, les musiques sont totalement retravaillées en fonction et sont un véritable plaisir de redécouverte pour les fans. Certains sont toujours aussi efficaces aujourd’hui, un vrai régal !
Point de vue Gameplay, la Sonic Team ne fait rien à moitié. En 2D, vous possédez un Sonic sans trop de pouvoirs. Une inertie un peu bizarre, énervante les premières minutes, vient confirmer le manque de ressources d’un petit hérisson qui a définitivement bien grandi depuis. On peut donc tuer les ennemis en leur sautant en boule dessus et presser le bouton X (ou comme à l’époque, faire Bas puis une touche à répétition) pour charger et fuser comme un véritable boulet de canon. Les niveaux sont donc créés en fonction de ce manque d’options : il s’agit surtout d’un jeu de plateforme assez quelconque où il faut sauter sur les ennemis pour rebondir et atteindre des hauteurs aux trésors insoupçonnés. On a les indécrottables loopings, précipices, piques surgissant du sol sans prévenir et autres dangereux projectiles des robots du Dr.Robotnik. C’est comme à l’époque, en furieusement plus beau. Le moteur de jeu fait des miracles et on en prend plein les yeux, surtout à cette distance 2D.
Vue à la troisième personne, un Sonic au design bien plus ado : impossible de ne pas penser à Sonic Adventure quand on se plonge dans des mondes façon 3D. On revisite alors les anciens mondes, on redécouvre ceux basés sur les récents jeux, avec une vue forçant à un gameplay beaucoup plus bourrin et substantifiquement moins intelligent encore que… Il faut foncer avec talent ! La touche de Turbo est là pour cela, avec une vitesse éclair ahurissante et une transformation sourde d’une musique qui gagne clairement en classe pendant ces quelques secondes de jouissances vidéoludique. Sonic fonce à vive allure, le jeu propose un framerate d’exception et on n’en perd ainsi pas une seule miette. Efficace, surtout que ces moments ne sont pas aussi bêtes que l’on pourrait le penser : il faut souvent être vigilant et savoir s’arrêter à temps pour bien rebondir sur les robots, visualiser où se trouvent les bonnes plateformes ou atterrir et ainsi ne pas se retrouver dans le vide. Assurément le pire ennemi du joueur dans Sonic Generations.
Toujours ce problème de prise en main…
C’est à croire qu’ils ne s’y feront jamais. Les jeux de la Sonic Team pêchent toujours par une prise en main délicate, la faute à une vitesse de personnage impressionnante, mais qu’il est impossible de bien guider lors des moments nécessitant un peu de finesse et de justesse, et cela, depuis le premier Sonic Adventure. Si en 2D seule une certaine rigidité d’action qu’on ne reconnait pas est au rendez-vous pour titiller (gentiment) le fan de la première heure, la 3D enchaîne les petites erreurs classiques des jeux Sonic. Au choix, vous prendrez bien un peu de sortie de décors involontaire, de personnage qui ne se fixe pas comme prévu à la rampe visée ou encore d’un ciblage qui ne se fait pas tout le temps sur le bon ennemi ? Avouez que cela vous rappelle des souvenirs.
Face aux autres titres 3D du hérisson, ces petits bugs sont très rares dans Sonic Generations mais ils existent tout de même. Le jeu n’est pas précis, pêche violemment d’un manque de rigueur dans son gameplay et sa prise en main. On fait alors avec ce qu’on a et on sent clairement que la Sonic Team était consciente de ce problème lors du développement, puisqu’alors tout est fait pour rendre service aux joueurs : les gâchettes de la manette qui servent à passer de droite à gauche en pleine course, par exemple. Au final, ça fonctionne : on fait avec les bugs, on apprend vite à les éviter (un peu de précision de saut, que diable !) et nos énervements répétés sur les développeurs s’estompent vite face à une aventure terriblement clichée, mais tout de même efficace.
Un vrai Shonen !
Rendez-vous compte : tous les amis et ennemis de Sonic ont été kidnappés par une force mystérieuse qui semble mélanger deux époques en une seule. Il va alors falloir traverser les niveaux pour découvrir des Chaos Emerald et tous les réunir afin d’affronter la menace dans un duel final détonnant. La force de l’amitié est plus forte que tout, vous devriez le savoir si vous lisez du manga ! Aseptisé, clairement destiné aux plus jeunes, le scénario de Sonic Generations amusera les vieux briscards avec ses clichés et ses rebondissements scénaristiques prévisibles (mais jamais décevants). C’est kitsch, à n’en pas douter, mais cela ne gêne jamais le joueur qui découvre au passage une VF pas trop mauvaise (surtout face à l’insupportable version américaine) malgré quelques fausses notes (Cream, pour ne citer qu’elle).
Vos amis auront un autre intérêt : celui de vous proposer de nombreux défis (avec chacun son propre pouvoir, mais ne spoilons pas ces jolies découvertes). Tous ces défis sont représentés par des portes. Au dessus de chaque porte d’un défi effectué apparait une cloche, qui laisse trainer une note de musique aux trésors débloqués souvent adorables (illustration ou musique à la clé, sans mauvais jeu de mots). On retrouve tout ce contenu bonus dans une salle dédiée, elle-même insérée au coeur de la sélection des niveaux construite comme une parcelle du jeu. On y gambade en switchant d’un Sonic rétro au Sonic d’aujourd’hui, chacun ayant ses propres défis à accomplir.
Comme pour les niveaux, une note est attribuée en fin de défi permettant d’engranger toujours plus de points. Ceux-ci sont alors transformés en argent, permettant d’acheter des compétences. Un peu inutiles pour les habitués du genre, ces compétences permettent d’ajouter quelques pouvoirs à notre héros : commencer un niveau avec quelques anneaux, permettre d’échapper à une mort avec une ultime chance de terminer le niveau, augmenter la vitesse, etc. C’est aussi ainsi que l’on débloque Sonic the Hedgehog version Megadrive sur les versions Xbox 360 et PlayStation 3. Honnêtement, je ne m’en suis pas servi beaucoup et je suis persuadé que beaucoup en feront autant. Néanmoins, ce serait vraiment malhonnête de venir se plaindre de ce contenu additionnel que sont les compétences.
Un bel anniversaire ?
Le jeu est beau, la bande-son est terriblement réussie, le scénario est très drôle et jamais contraignant, seuls quelques bugs viennent gêner la progression sans jamais remettre violemment en cause l’accessibilité de ce titre. Seuls les boss, tous sans exception, sont très décevants. Que ce soit les machines de Robotnik ne possédant pas la difficulté et la saveur d’antan, ou les affrontements entre Sonic et ses rivaux de toujours, on reste clairement sur sa faim. C’est trop facile, assez ennuyant et vite rébarbatif. Et c’est sans parler du dernier boss, calamiteux, possédant un gros manque de rythme et un gameplay vraiment peu satisfaisant. Finalement, nous avons là le seul gros point noir du jeu.
Reste à parler de la durée de vie, très particulière, car il ne faudra pas espérer passer plus d’une demi-dizaine d’heures sur le scénario principal. L’histoire se fini en effet assez vite et cela pourrait furieusement en décevoir certains. Un conseil donc : prenez votre temps, finissez les défis de chaque Sonic dès leur apparition avant de vous plonger dans un nouveau niveau. Vous pourrez certes toujours les faire en fin de partie, mais cela aura une bien moindre saveur. En globalité, pour terminer Sonic Generations à 100%, on approche déjà plus de la vingtaine d’heures.
Comment expliquer ce manque de durée de vie ? Par des niveaux tout bonnement passionnants (excepté les deux premiers encore une fois) qui réservent énormément de surprises aux fans, de moments cultes mêmes revisités, d’utilisation de pouvoirs déjà vus dans d’autres épisodes (Sonic Colours). Pour éviter d’ennuyer, la Sonic Team propose un level-design détonnant, mais forcément de courte durée. Les épreuves ne sont pas longues, mais le plaisir est constant.
En cette fin d’année, être invité à l’anniversaire de Sonic est donc un vrai honneur avec, enfin, un titre à la hauteur de la popularité de la mascotte. Ce n’est pas non plus le jeu du siècle, mais cela fait du bien de voir qu’une recette que l’on croyait encore récemment totalement épuisée peut encore fonctionner avec beaucoup d’efficacité. Comment ? Avec un peu de talent, mais surtout, une volonté franche de bien faire les choses et de proposer un produit de qualité, pour marquer le coup. Espérons que désormais, ce soit l’anniversaire du hérisson à chacun de ces nouveaux titres. Avons-nous raison d’y croire ? Réponse au prochain jeu !