Entity est un netlabel de musique électronique (très) expérimentale qui ne fait rien comme les autres. En 2008, le label belge propose un concept qui va révolutionner ses méthodes de diffusion : se servir du jeu vidéo comme d’un catalyseur addictif pour promouvoir ses artistes. Fin 2011 est sortie leur dernière création, Hyper Space Invaders Zero. Mais quoi de plus approprié en ce début d’année 2012 que de revenir sur leur tout premier objet vidéoludique: Tetroid 2012, un Tetris-like halluciné.
Le Tetris de vos cauchemars
2008 fut une année prolifique pour les jeux musicaux expérimentaux: Audiosurf, Auditorium,Lumines… Tous ces jeux ont la particularité de proposer une influence forte de la musique sur le déroulement de la partie. Mais si l’influence se fait alors directement sur le gameplay, dans Tetroid 2012, c’est la perception visuelle du joueur qui se voit considérablement modifiée par la bande son. En effet, l’intérêt principal du jeu tient dans la dégradation de l’image, générée en temps réel par la rythmique du morceau lu.
Écran dédoublé, ondulation, twirl, noise constant… même le background, constitué de formes géométriques dont les mouvements sont calés sur le tempo, simule un trip sous acide. Tous ces effets visuels psychédéliques viennent perturber le joueur dans sa partie. La lutte contre ces hallucinations constitue le principal obstacle générateur de plaisir de l’expérience. Un véritable cauchemars qu’on aime vivre et revivre.
Si l’altération visuelle de l’espace de jeu et la déconcentration qu’elle entraîne fonctionnent très bien, le choix d’une influence indirecte de la musique sur le système détourne notre attention de l’expérience sonore. Théoriquement, l’idée de placer la rencontre entre la musique et le jeu, non pas dans le gameplay, mais dans ce qui réunit le joueur et le système, l’interface, semble géniale. En pratique, la valorisation de la musique reste faible. Les effets visuels sont si nombreux et constants, qu’on oublie parfois qu’ils sont générés par la rythmique. Même les variations graphiques entre les différentes ambiances musicales proposées en début de partie sont dérisoires. Le concept innovant, proposé par Entity, ne se retrouve pas réellement dans l’expérience de jeu effective. Au final, Tetroid 2012 propose une excellente bande-son, collant parfaitement avec l’expérience proposée, mais dont les singularités sont à peine perceptible.
3 en 1
Le gameplay principal de Tetroid 2012 est, bien entendu, celui de Tetris. Par le déplacement et la rotation de tetrominos, le joueur doit constituer des lignes qui disparaissent après complétion. Le jeu d’Entity propose une découpe par niveau. Le passage d’un level se fait par la destruction d’un nombre de ligne donné, nombre croissant à mesure que les levels sont complétés. Deux modes à débloquer sont proposés dont la variété tient dans la quantité de niveaux qui les constituent. Le seul intérêt de ces modes tient donc dans le nivelage de la difficulté. En terme de game design, la véritable spécificité de Tetroid 2012 se trouve dans l’association de deux autres gameplays, totalement différents et pourtant familiers.
Le premier est un casse-brique classique. Chaque niveau achevé incrémente une jauge circulaire, à droite de l’écran. Lorsqu’elle est pleine, le joueur peut, par la pression du bouton « spécial », renverser l’espace de jeu. La structure de blocs construite passe alors au sommet de l’écran et peut être détruite à la manière des briques d’Arkanoid. Le second gameplay proposé est très proche de celui de Mr. Driller, le jeu de Namco. Le
principe est simple, un petit personnage creuse dans des blocs colorés pour atteindre la base du niveau le plus rapidement possible. Ce second jeu bonus n’est pas déclenché par le joueur. Il s’invite dans votre partie de Tetris, lorsque la construction s’approche du sommet fatal.
Si ces deux gameplays permettent d’alléger la répétitivité de celui de Tetris, il ne s’agit pas de minijeux associés sans cohérence au système principal, tels qu’on en trouve dans les RPGs pour forcer des verrous et autres serrures. Véritable reward, ces deux bonus permettent d’alléger la structure sans risquer le game over. Il sera même impossible de finir le jeu sans ces aides. En cela, Tetroid 2012 imbrique parfaitement ces classiques du jeu d’arcade dans un jeu global, cohérent. Néanmoins, si ces gameplays exotiques apporte un second souffle aux mécaniques trop connues de Tetris, ils ne suffisent pas à ranimer l’intérêt pour ce jeu surexploité. Les phases de Mr. Driller apparaissent très rarement et ne servent pas réellement l’objectif de jeu. Un gameplay quasianecdotique dont on pourrait se passer si le jeu n’était pas si lent.
C’est finalement les phases de casse-brique qui présentent le plus de challenge. Ce gameplay plus nerveux que le principal donne tout son sens à l’altération rythmique de l’image qui constitue alors une véritable difficulté. Le concept de modification de la perception semble bien mieux s’adapter à un gameplay caféiné qu’à la tisane que nous propose Tetris. Malgré tout, Tetroid 2012 reste le meilleur Tetris-like de ces dernières années et offrira à ses joueurs quelques sessions de jeu sympathiques.