Italie, Gênes, Global Game Jam 2012 : Sous le nom de Team Focaccia s’est dissimulé un duo de développeurs indépendants italien et leur ami Paolo Tajé. Ce binôme, c’est Santa Ragione, les créateurs de l’excellent Fotonica. Mais produire l’un des meilleurs jeux de l’année 2011 n’a apparemment pas étancher la soif de créativité de ces indés pleins d’idées. Santa Ragione remet ça avec Mirror Moon, une expérience exploratoire poétique dans un décors lunaire… développée en 48h !
L’appétit de l’inconnu
Mirror Moon est un First Person Puzzle qui n’a de commun avec Fotonica que l’abstraction, le minimalisme, et la puissance du concept. Seul sur une lune rouge, déserte, le joueur n’a pas le moindre indice sur ce qui l’a conduit jusqu’ici. Quelques constructions aux formes géométriques simples habitent cet espace vierge, signes d’une civilisation technologiquement avancée. Au loin, on aperçoit une lune jumelle éclipsant le soleil.
Pas plus de détails sur le background, Mirror Moon ne dévoile pas les arcanes de l’Histoire de ce mystérieux système solaire. Le joueur n’a pas, non plus, d’objectif initial. Une phrase discrète, en bas à gauche de l’écran nous indique les inputs de déplacements. Abandonné à cet environnement épuré, poussé par l’inconnu, on explore les 360° de la surface de ce mystérieux corps céleste, façon Mario Galaxy en première personne. Mais le jeu de la Team Focaccia n’est pas qu’une expérience exploratoire vide de sens, une errance sans but sur une planète inhabitée. L’exploration sert ici la découverte des mécaniques de jeu déployées et comme le Petit Prince sur son caillou on s’émerveille de chaque nouveauté.
Jeu de miroir
Le First Person Puzzle est un genre plutôt exigeant qui demande une idée simple et puissante sur laquelle centrer des énigmes. Les portails de Portal, l’extrusion de Q.U.B.E., les illusions d’optique et l’espace non-euclidien d’Antichamber, l’effet de parallaxe et les dimensions multiples de Parallax ou encore les modifications de textures d’Antimatière, autant de jeu d’énigmes en vue subjective qui reposent sur une idée centrale riche. Comme tous les bons jeux du genre, Mirror Moon possède un principe fondateur innovant : la symétrie.
L’aventure est un enchainement de features servant toutes un gameplay commun basé sur les propriétés du miroir. La découverte de ces mécaniques faisant partie du plaisir de l’expérience, les détailler serait mal venu. D’une manière générale, l’intérêt ludique de Mirror Moon tient dans des dualités relatives à la perception: vision subjective et objective, point de vue et localisation, environnements diurnes et nocturnes… On s’amuse avec ces variations de perception à travers les différents types d’interaction disponibles. Si le nombre de mécaniques proposées ne permet pas à l’expérience de dépasser la vingtaine de minutes, il suffit néanmoins à démontrer tout le potentiel du concept.
La forme au service du fond
La planète sur laquelle Mirror Moon nous propose d’évoluer n’appartient de toute évidence pas à notre système solaire. Mais bien loin d’Arrakis ou Tatooine, ici un désert rouge, une skybox étoilée et quelques formes primitives suffisent à peindre un magnifique paysage lunaire aux tons pastels. Quelques constructions et technologies constituées de formes géométriques abstraites occupent cet espace vierge. Le minimalisme graphique volontaire porté par ces objets facétisés et la quadrichromie est renforcé par une musique ambiante discrète et des FXs quasi-inaudibles.
Le jeu nous offre une identité esthétique originale et marquée, à la poésie parfaitement maîtrisée. Mais l’univers graphique propose bien plus qu’une expérience contemplative. Si les jeux de lumières et de couleurs mis en place sont minimalistes, ils n’en sont pas moins riches de sens. Les oppositions noir et blanc, rouge et bleu, négatif et positif, jour et de nuit soutiennent la dualité fondatrice du game concept. Finalement, comme la direction créative, la direction artistique est d’un minimalisme travaillé et pertinent. Chaque élément sert une identité globale à la fois graphique et ludique d’une finesse rarement atteinte.
Serait-ce une démo?
Absence initiale d’objectif, errance, gameplay d’orientation/exploration, Mirror Moon réussit le pari risqué d’offrir une aventure uniquement motivée par le mystère et l’inconnu. Cette expérience maîtrisée associée au plaisir de la découverte des nouvelles mécaniques qui approfondissent notre compréhension du système et à une D.A. sublime forme le triple combo gagnant qu’est Mirror Moon. La démonstration du potentiel du concept, à travers l’ambiance globale, la découverte des mécaniques d’orientation et de modifications de l’environnement et l’esthétique léchée, est sans équivoque.
Elle est si convaincante qu’il devient évident que le jeu a bien plus à offrir que les vingt minutes de jeu proposées. Par un travail sur les différentes combinaisons entre les mécaniques mises en place et l’ajout de nouvelles features conçues dans cette optique, Mirror Moon a le potentiel pour devenir le First Person Puzzle de l’année 2012. La Team Focaccia semble avoir développé une démo très prometteuse dont on attend la version gold avec impatience…