Au départ, il y avait de l’admiration. Forcément, il suffisait de poser ses yeux sur ces illustrations pour se dire que la PS3 tenait en Journey sa plus belle exclusivité. Développé par thatgamecompany, créateur couverture de l’attachement de Sony au « beau » jeu et déjà à l’ouvrage pour la création de l’attachant Flow et du magnifique Flower , Journey s’imposait dès ses premiers pas dehors par son esthétique tout simplement bluffante et son aura bien mystérieuse. Couleurs rares dans le monde du jeu vidéo, concept artistiquement flou et aimant à fantasmes branlo-intello comme trop rarement, ce qui n’était pas encore concrètement un jeu semblait aligner plus de promesses qu’un candidat à la présidentielle. Alors oui, il y avait de l’admiration parce que ça claquait mais aussi parce que ce truc sentait grand et bon comme du Fumito Ueda, la date de sortie en plus.
Et Journey fut. Potentiel immédiat pour Sony qui ne s’y est pas trompé en le bombardant de marketing à en dégouter les plus hipsters amateurs de jeux indés. Le Playstation Plus (aussi utile que le Google du même nom) n’ayant en sus rien de moins que l’exclusivité temporaire de la sortie.
Quand finalement le jeu finit par être achetable pour tous, j’avoue que le prix de 13€ me freina un peu. Ça faisait cher l’expérience de quelques heures après tout et puis j’ai vite retrouvé mes esprits. Il suffit de parcourir le rayon jeu vidéo d’un supermarché pour le constater. Journey n’a que peu de prétendants en terme artistiques et quitte à filer du blé, autant récompenser ceux pour qui le gris pan pan boum boum n’est pas une option et qui savent se démener pour faire vraiment beau.
Et Journey est beau. Sacrément beau. Fichtrement et démentiellement beau. Dès les premiers pas, pas d’interface, juste un bouton pour commencer le voyage. Travelling rapide sur un désert aux grains de sables éclatants. Sort alors une créature vêtue d’un rouge qui n’aurait pas mieux pu contraster avec le désert environnant. Trop de mystères pour ne pas avoir envie de s’y perdre, pas assez de liberté de mouvement pour se perdre réellement. Vous êtes donc lui/elle, cette créature habillée vivement et dotée d’une écharpe qui en s’étendant augmente aussi votre possibilité de voler au gré du vent et de ces virevoltants objets rouges, aussi (qui se ressemble…), disséminés sous différentes formes et servant de véritables tremplins. Bref, tout ce qui est rouge vole. Le genre de règle que Journey n’explique pas mais qu’il montre et qui se comprend tout simplement. Autre règle : vous devez aller en haut de cette montagne. L’objectif est évident, devant vous.
Et Journey est toujours aussi beau. On se pince pour y croire. Le sable est un délice de sensations alors on le teste. On glisse, on tente de « sortir » mais le mur virtuel est un vent qui toujours vous ramène à votre voyage. Poétique jusque là. Et il n’y a pas que le désert, Journey vous fait également traverser d’autres environnements sans que jamais le niveau artistique et ressenti ne baisse. Au final, votre serviteur se trouve un peu sans mots pour décrire tout ça en dehors de « c’est le plus beau jeu que j’aie vu de ma vie ». Et oui, ça l’est.
Et Journey les emporta tous. Non content d’être à se pâmer, Journey a décidé en plus d’apporter son petit coup de pied dans les dents de l’histoire des jeux vidéo. Véritable transgression du mode online traditionnel, Journey vous enverra aléatoirement des compagnons de voyage connectés en même temps que vous. N’étant pas au courant, j’ai d’abord cru que le jeu m’envoyait des bots pour m’aider avant de m’apercevoir pendant les crédits que ceux-ci me donnaient les pseudos de ceux qui m’avaient accompagné. Contenir l’expérience multi-joueurs en forçant l’anonymat des joueurs et en les empêchant de communiquer autrement que par un son unique leur permettant d’alimenter autant de pseudos conversations que leurs écharpes respectives est juste à classer parmi ces idées qui auraient pu être complètement folles si elles n’avaient été géniales.
Et Journey ce sont avant tout des rencontres. Avec soi-même d’abord car il est possible de faire l’aventure seul. Mais « Bonjour Nemo, moi c’est Nemo » trouve sa limite assez vite après le 1er voyage. C’est là qu’intervient tout l’excitation de rencontrer des joueurs dont on sait par avance qu’on ne sait rien et qu’on en apprendra pas grand-chose de plus. Et pourtant ça marche car le joueur expérimenté se voit par la longueur de son écharpe (qui remplace la barbe) et le débutant par son absence de poils formant ce fameux sésame vers le vol. Maitre-élève, compagnons de route, ignorants, partageurs de fun, si peu peut ici beaucoup et le spectacle reste fascinant.
Et Journey entra dans l’histoire. Au travers de cinématiques muettes, Journey narre quelques détails supplémentaires sur son environnement et la nature de sa quête. Mais à sa manière, tout en métaphores et en symboles comme si chacun devait y apposer son interprétation propre, ses émotions. Là aussi, ça marche très fort puisque le questionnement est bien présent et l’on peut difficilement ne pas ressortir ému, émerveillé et troublé de ce périple.
Et Journey entra dans l’Histoire des jeux vidéo. Plus beau jeu qu’il m’ait été donné de voir à cette date, doté de concepts novateurs et fantastiquement cohérents, Journey aura su me toucher en plein cœur et réussi à me retourner la tête. Un voyage fantastique et indispensable au CV de toute personne intéressée par un jeu vidéo recherché autant artistiquement qu’intellectuellement. Une démonstration brillante, touchante, éclatante. Un seul mot pour eux : Merci. Un seul mot pour vous : Plongez !
Retrouvez la prose de Nemo sur son blog, Nemotaku.Fr !
Meilleur moment vidéo ludique de l’année, un voyage, des sensations, une ambiance, TOUT vaut le détour, et sans aucun dialogue, interface envahissante !!
CHAPEAU !!!!
Jolie prose! Bravo au testeur!
Journey est véritablement un chef-d’oeuvre. Envoûtant, intriguant, il ne laisse pas indifférent en tout cas. Personnellement j’ai adoré. Le fait de rester muet et de ne pouvoir communiquer avec ses diverses rencontres que par quelques gazouillis et quelques pirouettes est absolument génial! A acheter les yeux fermés!
Merci msieur ! 🙂
C’est une demoiselle 🙂
En plus de toutes ses qualités, c’est vraiment le mode online du jeu qui lui confère toute sa beauté. La relation à l’autre réduite à son minimum est une idée géniale : elle est grandement cohérente (le jeu dans sa globalité est construit sur le principe du minimalisme), novatrice, et finalement follement intéressante. C’est parce qu’on n’a pas de réel moyen de communiquer qu’on s’implique et cherche à créer une relation avec l’autre. En le suivant, et tentant de lui faire comprendre qu’on veut lui montrer quelque chose, etc… et ça fonctionne. On voyage ensemble, on découvre ensemble, tout en restant forcément dans l’ambiance silencieuse et magique du jeu.
Oui, Journey est Beau.