Beenox a réalisé un excellent jeu Spider-Man (Shattered Dimensions) et un autre titre moins convaincant, mais toujours plein de belles idées originales. Aujourd’hui, ils tentent de revenir au monde ouvert… Avec succès ?
La suite du film
Je vais vous spoiler, mais en même temps le jeu en fera autant dès le lancement d’une partie. En effet, celui-ci se déroule juste après l’histoire du film, au demeurant sympathique pour les juniors, mais truffés de faux raccords, accablé d’une histoire sans aucune logique et coupé à tors et à travers par Sony pour être mixé en une trilogie déjà orchestrée. Bref, c’est le jeu d’un film raté qui va malgré tout empocher des millions de dollars. La routine…
Déjà il est nécessaire de clarifier une chose : si Sony a décidé d’appeler son film Amazing Spider-Man, il reste totalement en dehors du comics original et est surtout une adaptation libre d’Ultimate Spider-Man, un reboot plus adolescent qui transforme tous les méchants connus en mutants et ou Oscorp est le cliché de la multinationale méchante ou les parents de Peter Parker on découvert d’horribles secrets. Dans le film, on fait la connaissance de Curt Connors alias Le Lézard. Celui-ci travaille pour Oscorp et va tenter de trouver un moyen de « muter » l’humain pour lui donner quelques pouvoirs. À titre personnel, il va surtout tenter de retrouver l’usage de son bras droit, amputé. Mais tout cela dégénère et il devient rapidement un Lézard humanoïde destructeur et qui ne désire qu’une chose : transformer le reste de la ville en la même espèce. La bête a pris le dessus sur l’homme. Bien entendu, notre héroïque araignée va venir à la rescousse du docteur après avoir affronté son double maléfique, puis il l’enfermera à l’asile. C’est là que commence notre histoire.
Écrit par Seamus Kevin Fahey, déjà connu pour quelques scénarios de qualités dans des séries télévisées à grand succès, le scénario n’est pas exceptionnel, mais à ce mérite incroyable d’être beaucoup mieux construit et passionnant que celui du film ! Une première à vrai dire, qui prouve que ce média qu’est le jeu vidéo n’a pas fini de nous étonner. Je ne dirais rien, histoire de vous laisser la surprise, mais Beenox reprend sa maitrise de la mise en scène pour nous proposer des événements réellement haletants. Dommage que la version française vienne tout gâcher. Préférez donc y jouer en version originale, quitte à devoir prendre des cours d’anglais.
Mais le gameplay dans tout cela ?
Le monde libre est de retour, comme ce fut le cas dans les grands succès passés que furent l’adaptation de Spider-Man 2 (de Sam Raimi) ou l’excellent Ultimate Spider-Man sortis tous deux sur PlayStation 2, Xbox et Gamecube. Malheureusement, la ville manque cruellement de dynamique. On y collecte 700 pages de comics tout au long de la progression, on participe à des quêtes annexes plus ou moins variées, mais tout cela est limité entre chaque mission du scénario principal.
Je m’explique : vous venez de terminer un bout de l’histoire. Vous vous retrouvez alors en ville, ou vous pouvez vous rendre au prochain point de « mission » ou bien participer à plusieurs annexes. Une attaque à main armée à déjouer, une course-poursuite demandant de salir le pare-brise de vilains pour les arrêter dans leur folle traversée de la ville, quelques missions « X-Treme » qui vous demandent de participer à des courses de checkpoints, d’autres vous demandant de tenir l’objectif de la caméra sur les cabrioles de Spidey pendant quelques secondes… C’est amusant la première fois, ça l’est déjà moins la seconde et au bout de la douzaine d’heures de jeu proposée, ça devient insupportable. Les missions ne se renouvellent jamais !
Il y a malgré tout quelques annexes plus importantes. Les reportages photo par exemple sont une bonne idée, vous demandant de photographier quelques objets ou actions dans un lieu défini. Malheureusement, c’est très simple et souvent très mal réalisé. Car si graphiquement Amazing Spider-Man est plus qu’accrocheur lors des voltiges entre les buildings, il l’est beaucoup moins une fois qu’on s’approche du sol. Autre annexe : des laboratoires où il est nécessaire d’éliminer les gardes et d’activer des terminaux. Là aussi, c’est rébarbatif, maladroit et pas très beau (comme tous les intérieurs du jeu).
Le problème c’est que des intérieurs, c’est ce qui nous est proposé dans 80% des missions du scénario principal et sincèrement, c’est assez déconcertant. Les premières heures de jeu sont passionnantes et promettent beaucoup, mais rapidement, on déchante. La faute à un level design un peu chiche en idées nouvelles et surtout, à des textures froides, vraiment pas intéressante. L’univers posé ne donne pas envie d’être traversé et sans Spider-Man et son univers autour, nul doute que beaucoup lacheraient la manette.
Ne m’appelez pas Batman !
S’il y a bien quelque chose de très énervant quand vous devez tester un jeu bien après la grande presse écrite, c’est que vous y lisez des trucs effrayants. Par exemple, beaucoup reprochaient à ce Spider-Man de copier allègrement les Batman de RockSteady. Est-ce vrai ? Oui, mais c’est plutôt bien fait. On y retrouve le système de combat à base d’enchainements de boutons et de contre rapides, mais aussi différentes idées. Plutôt que d’assommer à terre l’ennemi, il faut ici l’asperger de toile pour s’en débarrasser définitivement. De la même façon, vous pouvez vous accrocher au mur et éliminer vos cibles rapidement et de façon discrète. Même chose en se faufilant derrière eux. Même les évolutions de votre personnage, via des points d’expériences qui augmentent une jauge de niveau, semblent vous proposer ensuite des améliorations sensiblement identiques à celle des jeux du chevalier noir. Bref, c’est une réalité : Amazing Spider-Man se calque beaucoup sur Batman. Mais au final, c’est pour nous proposer un gameplay tout aussi sympathique à jouer. Inutile donc de crier au scandale, puisque c’est pour le bien du jeu.
Pendant douze heures, vous allez donc enchainer les missions ennuyantes en intérieurs et le monde libre vite rébarbatif. C’est le gros point noir de ce Spider-Man : son rythme. Il est lent, pas toujours passionnant et seules quelques grandes scènes viennent relancer l’intérêt quand le joueur n’en peut plus de répéter les mêmes actions. Même les boss se battent, pour la plupart, de la même façon (malgré le contexte toujours différent). Aussi, on peut reprocher au jeu de ne proposer aucun charisme aux ennemis. Seule Black Cat sort du lot dans une mission annexe particulièrement passionnante.
Une bonne idée toutefois : un mouvement, le « Web Rush », permet d’enchainer plusieurs actions en pointant une direction avec la bonne gâchette pour que notre héros s’y rende immédiatement. On peut alors enchaîner les directions et le voir jouer de ses cabrioles automatiquement. Les amateurs de pur gameplay vont rager, puisque le tout rend le jeu très assisté mine de rien, mais cela reste très efficace. Aussi, il est possible de mettre le jeu au ralenti à tout moment (en une durée limitée) pour choisir une cible ou se « téléporter » instantanément. Pratique pour les fins stratèges qui iront chercher les bennes à ordures à balancer sur les ennemis, ou ceux qui voudraient tout simplement étudier le niveau pour en trouver les bonnes cachettes et les objets avec lesquels interagir.
Pas inoubliable, mais tout de même…
La plupart des gens vous diront d’oublier ce titre et de vous concentrer sur ce qui se fait de mieux dans le genre. Pas moi. Il est clairement un jeu de commande, a cette épée de Damocles au dessus de la tête signée par les petits gars du marketing autour du film. Mais son monde libre promet beaucoup pour de potentiels prochains titres Spider-Man chez Beenox. On regrettera juste que depuis Shattered Dimensions, aucun des deux Spidey proposés par le studio Quebecois n’ait été aussi bon, prenant, amusant. L’humour est d’ailleurs particulièrement naze dans cet Amazing et la plupart des blagues tombent à plat. Dommage, car avec tout cela, difficile de retrouver l’homme-araignée qu’on aime lire.
Reste que les fans apprécieront la présence de plusieurs costumes originaux, que l’extension au film est très bien réalisée (même si on doute fortement que Sony intègre les événements plutôt colossaux de ce jeu dans sa trilogie à venir) et que plusieurs grands moments de bravoure viennent sauver le jeu de l’ennui. Si vous êtes un véritable addict à Spider-Man, ce titre vous occupera un bon moment en attendant le prochain. Mais pour l’instant, c’est clairement le moins bon de Beenox pour une franchise qu’on a adoré voir renaitre magnifiquement de ses cendres et pour laquelle on croise bien fort les doigts dans l’espoir qu’elle ne retombe pas dans les bas-fonds du jeu vidéo. Du nerf !
* Testé sur une version Xbox 360. La version PC est prévue pour le 10 aout 2012.