C’est lors d’un gentil petit rendez-vous parisien que nous avons eu la chance de poser quelques questions à Aurélien Regard, Directeur Artistique sur Hell Yeah !! et co-fondateur d’Arkedo avec Camille Guermonprez. L’occasion de lui parler d’indépendant, de plateformes différentes et même de Kickstarter !
Arkedo est un studio de développement indépendant, ayant expérimenté plusieurs business modèles, DS, XNA et maintenant XBLA. Quel enseignement le studio a tiré de ces différentes expériences, en quoi cela a-t-il influé sur Hell Yeah. ?
Le plus important, c’est que quelle que soit la manière dont on diffuse un jeu, c’est la visibilité du jeu qui sera la donnée la plus importante.
Si on va sur une plateforme de jeu ou le marché n’est pas gigantesque, mais que tu y as une forte visibilité, alors tu feras peut-être plus d’argent que sur une plateforme comme l’App Store qui génère beaucoup d’argent, mais ou l’on peut être noyé très facilement.
Tout n’est qu’une question de visibilité, on ne sait pas grand-chose, mais ce truc-là, on l’a bien compris. C’est que tout est question de visibilité…
J’avais entendu des développeurs qui parlaient justement du marché Windows Phone, par rapport au marché iOS.
On a fait un jeu sur Windhttps://www.gamesidestory.com/wp-admin/tools.phpows Phone ! Le marché sur Windows Phone est assez faible pour l’instant et on a fait un jeu pour le départ, pour le tenter, ça sera peut-être une super plateforme dans quelque temps, mais pour l’instant ça ne l’est pas… Prenons l’exemple du Wiiware. Nous, nous ne serions jamais allés sur le WiiWare, parce que c’est assez complexe, que la plateforme ne donne pas très envie, et cetera. Mais il y a sûrement des gens qui ont réussi à faire quelque chose tu vois.
Les premiers, comme Lost Winds par exemple ?
Exactement, mais c’est une question de timing et de mise en exposition soit par ton éditeur, soit par le constructeur. Et c’est vraiment ça qui nous restera, peu importe le support ou la plateforme du moment que tu penses que ton jeu est cool. Une fois que tu as un bon jeu, tu n’as fait que la moitié du job, le reste c’est d’arriver à rendre ton jeu visible.
J’imagine que c’est encore plus difficile sur la section indé de la Xbox 360.
Ha bah oui, en ce moment la section indépendante est tout simplement cachée, alors autant te dire que oui c’est difficile. En ce qui nous concerne et en ce qui concerne les petits jeux que nous avions faits sur la chaîne indie (Arkedo Series), ça fait très longtemps que l’on n’a pas regardé leurs chiffres, ils sont tellement cachés… Ceci étant, on a parlé avec des journalistes à Munich, lundi, qui nous disaient qu’ils avaient essayé la bêta du nouveau Dashboard et qui nous disaient que la chaîne indie était un peu remise en avant. C’est cool, c’est un peu tard, mais c’est cool…
Il y a eu sur cette section indépendante des événements comme les Indie Game Uprising, ou justement, les développeurs essayaient de se mettre en avant.
Oui, c’était vraiment de supers, supers initiatives et c’est vraiment ça qu’il fallait faire. Mais sur les jeux en question, il y en avait qui avait l’air vraiment sympa, d’autres pas tant que ça… Tu sais, en regardant le trailer de cet événement, on ne se disait pas « Oh la vache, je rate vraiment un truc. » On se disait « Oh, ok, ça a l’air ok » mais tu n’étais pas à bloc. Il aurait peut-être fallu des jeux un peu plus forts.
Tu vois Dust : An Elysian Tail ? Le jeu sorti récemment sur XBLA. Hé bien nous, lorsque nous faisions les Arkedo Series, nous avions entendu parlé de ce jeu, il faisait partie des jeux qui étaient annoncés comme sortants sur la section indépendante de la Xbox. Quand j’ai vu ça, je me suis dit « Ok, À un moment donné, il va y avoir de plus en plus de jeux vraiment carrés qui vont arriver sur ce support, et à force les gens vont s’en rendre compte et ça va finir par marcher. »
Et en fait, ils sont attirés, hors du Xbox Live Indie Games.
Exactement, Microsoft les a pris et les a mis dans le XBLA. Les jeux comme Dust nous laissaient penser que la plateforme allait devenir carrée, qu’il y aurait vraiment des jeux de qualité et que la section indépendante se ferait d’elle-même une réputation. Mais ça n’a pas été tant le cas que ça, les jeux ont été rapidement aspirés, soit par des éditeurs, soit par Microsoft directement et extraits de la chaîne indie.
Donc pour Microsoft c’est pas mal, ils n’ont rien perdu avec ça, et ils ont même récupéré de bons projets et pour la chaine indie en question, bah comme canal de distribution, c’est toujours aussi cool pour le développeur, seulement pour avoir un moyen facile de soumettre ton jeu au joueur mais c’est tout. Donc comme expérimentation c’est cool, mais comme business modèle c’est hardcore.
Donc, ce n’est pas une expérience que vous retenteriez ?
Ah, par plaisir si. Moi j’en serai capable. Les Arkedo Series c’était vraiment de l’expérimentation, on ne s’est pas dit, on va faire de l’argent avec, on s’est dit, on va se mettre à deux pendant un mois et on espère que ça donnera un truc cool. C’était presque pour se marrer, même si le but premier, c’était d’apprendre. Et dans cette optique là, je serai capable de retenter un truc comme ça, mais avec un gameplay un peu fou, un truc où on se dit, comme projet commercial ça va être compliqué, mais on aurait quand même envie de le faire et voilà. Peut-être pour un truc plus passionné et désintéressé, mais pour gagner de l’argent je ne suis pas sûr.
Et justement, je voulais te poser une question sur le financement en tant qu’indépendants, que pense tu des nouveaux modèles de financement comme le crowdfunding et Kickstarter ?
C’est cool, il y a un truc qui me fait très peur, mais aussi très envie avec Kickstarter. Comme on a très peu de recul dessus, on sait, maintenant que Kickstarter est un bon moyen de ramener de l’argent pour des projets passionnants avec des gens qui ont une vraie crédibilité, le projet d’Obsidian récemment, ou encore celui de Schaffer pour ne citer qu’eux. Mais on n’a pas encore le retour sur ce que ces projets vont donner, au moment où les gens qui ont financé les projets vont découvrir le résultat, il y aura, forcément, beaucoup de déçus et je me demande comment le modèle va résister au retour des gens sur les produits finaux.
C’est-à-dire que, ce sera tout à fait normal qu’il y ait au moins la moitié des gens qui ne soient pas satisfaits du jeu qu’ils ont financé, parce que c’est impossible de faire un projet qui plaira à tout le monde. Mais du coup, qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que les gens qui vont être déçus par le projet vont faire l’amalgame entre leur expérience avec ce projet particulier et leur expérience plus générale de Kickstarter et du Crowfunding. Des joueurs décideront de ne plus participer à des projets Kickstarter à cause de leur mauvaise expérience. Il va falloir un peu de recul pour découvrir s’il y a quelque chose qui peut s’installer dans le temps et pour ça, il va falloir attendre que les projets sortent.
J’avais assisté à une séance de question réponse avec Phill Fish pour Indie Game The Movie et il avait la même analyse, je me rends compte qu’il y a beaucoup de gens qui pensent que l’on se trouve en haut de la pente et qu’il y a un moment où l’on va toucher le pic puis retomber.
Je pense que c’est ce qui va se passer, après, je te dis ce que je pense, ce n’est pas comme si j’étais un super analyste, donc ça vaut ce que ça vaut, mais oui je pense que nous sommes en haut de Kickstarter en ce moment, même concernant Obsidian par exemple, je ne pense pas qu’ils auraient levé autant d’argent si le projet de Tim Schaffer était sorti. Mais ce n’est pas parce que nous sommes en haut et que ça va redescendre, que ça va disparaître, ou que ça va être nul ou je ne sais quoi. Ça va sûrement rester super Kickstarter, mais de manière un peu plus raisonnée.
Je pense que le changement va surtout s’opérer au niveau du public, pas au niveau des studios. Il y a quelques studios qui vont se dire, « tiens les gens cherchent telle chose dans le jeu, alors on doit l’incorporer dans le jeu. »
Et il auront tort parce qu’ils vont faire des jeux de merde comme ça. Et à l’inverse, les gens ont aussi besoin de ne pas acheter du rêve, l’intention derrière le financement d’un projet Kickstarter, doit être de vouloir aider des gens, des développeurs à créer le projet qui leur plaît et qui nous plaît. Et ça déjà c’est chouette, c’est mortel, d’avoir cette foi, de se dire, « Ce projet me plaît et pourtant il n’a pas trouvé d’éditeur, il faut que je le finance ! », c’est vraiment classe, mais à un moment, il va forcément y avoir la moitié des gens qui vont être déçus.
Alors, je voulais te demander ce qui s’était passé après l’annulation du projet 2 Fingers Heroes ?
Ah c’est marrant, il n’y a personne qui nous a demandé ça. Hé bien comment ça s’est passé, le projet n’est jamais parti en prod, donc ce n’est pas compliqué. Moi j’ai bossé un mois dessus, j’ai fait les maquettes, le Game Design et j’ai fait un petit .doc. D’ailleurs, le doc, je crois que l’on peut le trouver sur le net, il a fini par sortir, je ne sais même pas comment il s’est retrouvé sur le net, les images et les maquettes, c’est nous qui les avions mis en ligne, mais alors le doc de Game Design, aucune idée, enfin bref on s’en fout.
Le fait est, que ce truc-là, il n’est jamais vraiment parti en vrai prod, du coup il n’y avait pas de soucis, on ne l’a pas vécu de manière triste, on pensait simplement que Kinect ferait les doigts, ce qui n’est pas le cas au final. Hé bah, tant pis, ce n’est pas grave. Ceci étant, je ne sais pas si l’opportunité de refaire un truc comme ça se représentera, mais moi je n’ai pas dit mon dernier mot et si un jour on a un Kinect 3 super précis qui capterait les doigts alors pourquoi pas.
Pas un Kinect 2 ?
Peut être, sincèrement, on n’en sait rien, on a était tellement concentrés sur Hell Yeah que l’on ne sait rien à propos de la Wii U ou de Kinect 2, donc peut être que si on avait été un peu plus curieux on serait au courant, mais pour l’instant, ce n’est pas le cas. Il faudrait peut-être que l’on s’y intéresse d’ailleurs.
Mais si à un moment donné, tu peux être dans ton canapé à l’aise, sans avoir à faire du sport dans tous les sens alors pourquoi pas. Moi j’aime bien les jeux Kinect, j’aime beaucoup Kinect envers et contre tous, les jeux de danse de Kinect, ils me font marrer et il y a pleins de jeux qui me font marrer, les jeux de sport par exemple. ça marche plus ou moins bien, mais on se marre bien, tu es avec tes potes, tu t’amuse. Moi j’y joue beaucoup avec mes petites sœurs et ma copine, je trouve ça super, mais le fait est que pour l’instant, ce n’est pas assez précis pour faire des jeux très « Gamer » avec. Je n’ai pas encore essayé Fable The Journey, mais je me doute qu’il ne va pas renverser la tendance complètement et du coup, si à un moment donné on a cette opportunité de travailler avec une technologie qui fonctionne assez bien, même certaines technologies de détection des mains que l’on a vu sur certains laptops, alors pourquoi pas.
Ce serait marrant quand même, pour de petits jeux bien entendu, pas pour un jeu super long. Mais si tu peux être en mode détendu dans ton canapé et passer un bon moment, en faisant l’idiot avec les mains, ce serait quand même dommage de se priver de faire quelques blagues avec ça, parce que ça a l’air rigolo.
Oui c’est amusant de prendre un autre angle de vision.
Oui ça peut donner de nouvelles idées, c’est cool. Il faut essayer, tant que tu as l’opportunité, c’est dommage de ne pas essayer.
Comment s’est passé la collaboration avec Sega ?
Elle s’est passée de manière très très simple, dans le sens où, on a la propriété intellectuelle du jeu et donc évidement, on ne veut pas avoir l’air de se prétendre trop indé sur ce coup-là, parce que nous avons un éditeur derrière nous et même si le projet nous appartient et que l’on possède la propriété intellectuelle et qu’on a financé beaucoup de choses ect ect. On a le cul entre deux chaises avec ce projet là. On n’est pas tout à fait indie et on est assez loin du modèle normal avec un éditeur. Du coup, on était quand même en position très agréable avec Sega et la collaboration s’est passée très naturellement, nous pouvions faire exactement ce que nous voulions, du début à la fin et en y réfléchissant, c’est très rare d’avoir ce genre de relation avec un gros éditeur.
Et du coup on a mis toutes les conneries qu’on voulait et à partir de la c’était très très simple. Et Sega a eu cette intelligence aussi, parce que leur but, c’était de faire quelque chose d’un peu différent. Et il ne faut pas non plus oublié que Sega a une grande tradition de jeux un peu décalés. On peut parler par exemple de MadWorld ou de Bayonetta, donc ils ont été cool avec nous.
Et tu n’as pas eu d’angoisses lors de l’annonce des différents problèmes de Sega et de la fermeture de Sega France ?
Ah bah on a eu plus que des angoisses, oui bah oui, on est humain. Ça bouge beaucoup chez sega en ce moment, mais en ce qui nous concerne ils maintiennent un niveau de présence et de qualité qui nous convient. Si je signais un projet maintenant, je me poserais peut-être la question, mais pour nous ça n’a pas été le cas. Et non non, ils sont nickels avec nous pour l’instant.
Arkedo est une petite structure, si j’ai bien compris il n’y a que huit personnes dans le studio.
En gros six et on est monté à dix personnes quand on avait besoin de gens pour Hell Yeah.
Et donc ce que je voulais vous demander c’est si vous ressentiez le besoin de vous agrandir ?
Pas du tout !
Le studio Spiders par exemple, vient de sortir le jeu Of Orcs And Men. C’est un petit groupe, une vingtaine de personnes.
Un petit groupe, 20 personnes ?
Je veux dire que c’est un petit groupe par rapport au jeu qu’ils produisent qui est gigantesque, le jeu se retrouve face à des mastodontes sur Xbox 360, PS3 et PC.
Oui oui, c’est tout à fait vrai, c’est un petit studio, mais ils ne peuvent pas être moins que ça pour faire le jeu qu’ils font, déjà ça c’est énorme, c’est un exploit. Mais le fait est que nous, nous avons fait un jeu en 2d, plus petit, on n’a pas besoin d’être autant et moi j’avoue je suis assez contre le fric et j’aime bien encadrer tout ce qui concerne la création sur le jeu. Quand il faut commencer à partager, j’ai un petit peu de mal, dans le sens ou plus tu délègues des choses, plus tu dois les encadrer et donc on doit avoir des méthodes de management, des choses comme ça. Alors que nous, pour être honnête, on est un peu des branleurs et du coup, ce qu’on aurait gagné en organisation, on l’aurait perdu en spontanéité et on aurait dû perdre notre temps à faire des réunions, des trucs comme ça. Donc en étant peu nombreux, tout roule naturellement et l’on garde notre spontanéité.
Hell Yeah c’est vraiment ça, plein de blagues, plein de références qui sont vraiment juste des trucs le plus spontanés possible. Et plus on est nombreux, plus on perd en spontanéité. Donc oui c’est bien de rester petit.
Hell Yeah est vraiment beau et une bonne partie de la presse et des joueurs se sont focalisés sur les qualités graphiques du jeu qui sont indéniables et ce, peut-être aux dépens de certains autres aspects du jeu. Est-ce qu’il y a quelque chose dans Hell Yeah, un aspect dont tu es particulièrement fier, mais qui est trop méconnu ou ignoré des joueurs selon vous ?
Ce n’est pas tout fait ça, mais les gens vont découvrir qu’il y a plein de musiques mortelles dedans. Il y a une trentaine de morceaux et on va sûrement distribuer la B.O gratuitement lors de la sortie du jeu, même si l’on doit encore voir certains détails. Il y a plein de morceaux mortels et je le dis d’autant plus normalement que ce n’est pas moi qui les ai faits. Parce que c’est toujours un peu bizarre de parler des graphismes du jeu. En tout cas, les morceaux sont vraiment très bien et je pense que les gens vont être surpris de ça en fait, du nombre imposant de musiques et de leurs qualités.
La rédaction remercie Aurélien pour sa gentillesse et sa disponibilité !
Belle interview 🙂
Par contre, moi qui suit intéressé par le jeu depuis un moment je m’interroge vraiment sur son lancement. Sortir une semaine avant aux USA, les sites FR qui reprennent à la va vite les news US disent « il est sorti », sur le site Xbox tu trouves trois trailers qui se battent en duel, le mardi suivant (aujourd’hui) pareil, il a même un encart sur le site Xbox, sauf qu’à cette heure toujours pas de jeu. Ils ont du perdre du monde en route comme ça, surtout que la plupart des sites ont sorti leur test et l’accueil est un peu froid. Drôle de stratégie.
Ouai mais SEGA ils font jamais comme tout le monde…
« Tout n’est qu’une question de visibilité »
Amen.
« tiens les gens telle chose …
Il manque le mot « cherchent »
« Alors que nous, pour être honnête, on est un peu des branleurs et du coup, ce qu’on aurait gagné en organisation, on l’aurait perdu en spontanéité et on aurait dû perdre notre temps à faire des réunions, des trucs comme ça. »
Et d’ailleurs ils n’ont pas perdu de temps avec des réunions, de l’organisation (tellement has been) ils ont tout simplement préféré liquider la société juste après la sortie du jeu, virer tout le monde (heureusement peu nombreux), et peuvent maintenant se consacrer à pointer à Pole Emploi ce qui est vachement cool et terriblement dans la mouvance « indie ».