Les humains ont toujours le beau rôle quand il s’agit de les confronter aux puissants et verdâtres ogres des contes de Fantasy. Cette fois, Spiders et Cyanide se lient pour nous faire découvrir un monde bien plus original que ce qui nous est proposé habituellement… Un monde où cette fois, vous allez jouer dans le camp des gros hommes verts baraqués !
Arkaïl et Styx / Orc et Gobelin
L’un est un orc, puissant, membre d’élite des Bloodjaws craint dans le monde entier. Il est surnommé le Boucher de Bay Harbor et il n’a qu’une volonté : faire la gloire de son clan et en finir avec ces saletés d’humains qui viennent l’envahir à tout bout de champ. L’autre c’est Styx, un Gobelin étonnamment doué d’intelligence et de parole, passé maitre dans l’art de se faufiler et de tuer en silence ses proies mêmes les plus exposées. Ils vont se rencontrer en pleine guerre : les humains se battent sous le giron d’une seule religion voguant méchamment vers la croisade anti-orcs. Elle les chasse de leur territoire, les terres du Sud, puis en fait de véritables esclaves. Bref, c’est loin d’être un univers de rêve et vous êtes dans le camp le plus menacé.
Pas de gentils ni de méchants civils dans cette guerre, il est surtout question de manigances et d’un Empereur nommé Damoclès qui ne rigole pas quand il s’agit de dominer d’une poigne de fer l’Empire tout entier. Le scénario va pourtant bien au-delà de cela et votre quête vers la sauvegarde de votre peuple, la libération de vos frères Orcs et l’assassinat de l’Empereur deviendra bien plus complexe et passionnante au fil du temps. C’est d’ailleurs l’un des points forts du jeu : son ambiance, son scénario, son univers, tous sont très développés et les nombreuses cinématiques mettent tout cela en scène avec beaucoup d’intérêt. Des voix françaises de très grande qualité viennent poser une couche de vernis sur cet univers nouveau et passionnant.
Gameplay original, mais méchamment bancal
Le charisme des personnages domine le jeu dans les premières heures, pourtant un peu ennuyantes. Elles nous présentent tous les principaux défauts du titre, des défauts qu’il va garder jusqu’à la fin. Une narration très présente cache un gameplay soi-disant fin et intelligent, mais franchement pas révolutionnaire une fois pratiqué. Vous contrôlez Arkaïl et Styx, en passant de l’un à l’autre comme bon vous semble, dans une vue à la troisième personne très classique. Vous avancez dans des niveaux à couloirs particulièrement inintéressants, mettent en avant un Level-Design extrêmement répétitif et sans intérêt. Mêmes textures, aucune interaction avec le décor, de petites zones, des barrières invisibles… Cela fait franchement de la peine.
Niveau combat, c’est aussi très décevant. Dès qu’un ennemi décide de vous attaquer, vous pouvez activer une pause ralentissant à l’extrême l’action à l’écran. Celle-ci vous permet d’ouvrir un menu de trois volets d’actions diverses, proposant des attaques directes, défensives et quelques possibilités d’interactions avec votre allié. Vous devez alors cibler un ennemi à l’écran et remplir votre barre d’actions avec autant de coups que possible. Vous créez vous même vos combos, avec la promesse jamais tenue de combats dynamiques et passionnants. En l’état, on matraque surtout toujours la même attaque en fonction des ennemis et de leurs défenses, on interagit extrêmement peu avec son allié et on tourne en rond le temps de prendre un peu de vie lorsque le copain est mort et qu’on veut le ressusciter avec l’action adéquate. En clair, c’est carrément crétin et irréaliste, un peu comme l’intelligence artificielle des ennemis.
Discrétion pas toujours assurée…
Lors de vos déplacements, plutôt que de débarquer avec vos gros sabots d’orcs, vous pouvez utiliser Styx et son camouflage « optique ». Celui-ci lui permet de contourner les ennemis sur votre chemin pour les assassiner. C’est très pratique, surtout pour réduire les effectifs ennemis des combats à venir, mais c’est aussi très bancal : certaines fois, les ennemis vous voient sans raison, d’autres fois ils ne vous calculent même pas alors que vous venez de leur tourner autour. Sans parler du fait qu’une cible assassinée git au sol et que ces anciens potes n’hésiteront pas à lui marcher dessus. Super crédible ! Il n’empêche que cette idée de gameplay diversifie un peu l’action et reste très amusante, proposant un trip « infiltration » sympathique à certains moments du jeu.
Du côté d’Arkaïl on a aussi une spécificité : la rage. Celle-ci s’active au bout d’un moment, signifiée par une jauge qui se remplit au fil des coups encaissés. Une fois activée, vous ne pouvez plus du tout diriger votre personnage et lui donner des ordres : il frappera les ennemis aléatoirement, bien plus fort, mais n’hésitera pas non plus à venir frapper Styx et à la mettre à terre. Une compétence à double tranchant qui est très intéressante sur la papier mais a trop tendance à rendre le jeu très aléatoire. Il arrive par exemple trop souvent que Arkaïl s’enrage et ne fasse rien pour se défendre. Du coup, vous perdez la partie sans aucun moyen de changer cela. Pas franchement fairplay.
Des idées bancales, mais des idées quand même. C’est ainsi qu’on pourrait résumer Of Orcs and Men qui se morfond tout de même dans un carcan incompréhensible. Pourquoi cette décision de semi-stratégie ratée ? Pourquoi ne pas tout simplement proposer un bon jeu d’action bien bourrin ? Surtout que point de vue univers, on en aurait encore plus profité !
Un scénario passionnant comme tuteur
Le jeu pourrait se casser la figure dès le premier acte passé. Heureusement, les quatre autres suivants sont passionnants point de vue scénario. C’est d’ailleurs ce qui sauve le jeu du ratage total, en plus de sa modélisation très réussie des personnages (hors humains, vraiment horribles). Charismatiques, bien doublés, nos deux personnages sont franchement attachants et leur histoire ne manquera pas de vous toucher par moment. Au début totalement opposés, finalement de plus en plus amis, Arkaïl et Styx proposent une relation très clichée, mais bien construite qui ne fait pas de doute sur le talent des scénaristes à proposer des personnages profonds et intéressants. En cela, Of Orcs & Men tient sa plus grande qualité et c’est d’ailleurs sont plus grand intérêt pour tous les passionnés de Fantasy un peu original, sombre et très amusante. Car en plus d’être très bien joués, les compères ont des répliques savoureuses.
Dix heures de jeu pour le terminer une première fois : pas sûr que vous y retournerez ensuite. Point de vue recherche d’objets, c’est assez ridicule : une vingtaine de pièces d’équipement par type, quelques coffres à trouver qui proposent souvent un article moins intéressant que celui que vous avez déjà, une possibilité d’améliorer votre équipement qui n’a plus aucun intérêt dès le second acte… Non vraiment, Of Orcs & Men n’a d’intérêt que pour son scénario, ses personnages, son univers, mais aussi ses musiques. Orchestrées par le talentueux Olivier Derivière, elles subliment la mise en scène pourtant assez simple (mais très « poseurs ») et termine de nous convaincre de la nécessité de terminer le jeu pour tout connaitre de l’histoire. Au final, on ne le regrette pas. On voulait jouer à un bon jeu, on a surtout eu un très bon récit. Au prix fort, cela peut certes faire mal, mais difficile de nier cet amour pour l’univers. En espérant qu’une suite verra le jour et viendra corriger tous les défauts de ce premier opus défaillant !