Eryi’s Action est un de ces jeux dont les développeurs, en l’occurrence Xtal Sword, sont complètement tournés vers le Japon et dont le site est incompréhensible pour quiconque n’est pas initié à la langue et l’alphabet de ce pays. Mais bien heureusement, c’est aussi un de ces jeux qui a été porté dans le reste du monde par un de ces éditeurs spécialisés dans les jeux indépendants japonais, ici Nyu Media. Si l’on parle du jeu en lui-même, on peut le classer dans deux catégories : les jeux de plateforme 2D à ambiance rétro et les jeux à vocation hardcore. Alors, objectif réussi ou pas ?
Petite fée veut devenir plombier
Je ne sais pas vraiment ce qu’en pensent les développeurs, mais je serais fortement tenté de répondre « non » à cette question. Mais je vais faire durer le suspense, et d’abord vous expliquer le concept général du jeu. Eryi’s Action est un jeu de plateforme dans lequel vous contrôlez une jeune fée du nom de… Eryi, justement. Un jour où elle avait faim, elle décida de manger du melon. Mais voilà, elle ne réussit pas à mettre la main sur un morceau et tomba à la place sur un mot de la malfaisante troll Farta lui indiquant que son melon était délicieux. Le voyage d’Eryi dans le but de retrouver son melon commença donc. On ne peut pas dire que le scénario soit très développé (il tient en une petite image) ni très intéressant, mais il a le mérite d’être complètement débile et de faire rire quand on arrive dans le jeu. Autre chose qui marque dès qu’on commence à jouer : les graphismes. Le jeu dispose d’un chara-design et un level design faits dans l’optique de rendre le jeu le plus « mignon » possible, au moyen de couleurs dans tous les sens, de petites filles et d’animaux (après tout, les chats sont les choses les plus mignonnes du monde et dominent l’univers, donc pourquoi pas ?). Et on peut dire que ça marche plutôt bien : si certains trouveront peut-être ça trop flashy à leur goût, le jeu reste très agréable à l’oeil. Les différents bruitages et musiques du jeu ont été faits dans la même optique, rendant le jeu encore plus accrochant. Entre cette histoire aussi sérieuse que mes tweets, ces graphismes et musiques vraiment agréables et le fait d’incarner une petite fille d’une dizaine d’années (à vue de nez, je suis pas sûr, mais c’est pas la principale chose que j’ai cherché à savoir) on a envie de se plonger dans ce Eryi’s Action. Mais avant de vous dire pourquoi on est vite déçu, laissez-moi vous parler du gameplay.
Durant les premières secondes (minutes ?), le jeu ressemble beaucoup à un simple clone de Mario, de l’arrière-plan aux animations en passant par le sprite de saut du personnage et le level-design du premier niveau. On retrouvera certes beaucoup d’éléments tirés de la série au plombier rouge, mais Eryi’s Action va vite s’en éloigner, pour passer de simple jeu de plateforme 2D au jeu de plateforme 2D avec éléments de puzzle, comme beaucoup d’autres jeux indépendants avant lui. Vous devrez résoudre des énigmes afin d’arriver au bout de chacun des niveaux. Pour cela, vous avez trois possibilités d’actions : vous déplacer (en courant ou non, même si cela ne change pas grand chose à l’animation), sauter ou ramasser un objet que vous pouvez ensuite lancer. Cette dernière action sera la clé de la résolution de puzzles : elle vous servira à déplacer des champignons pour passer au dessus d’une falaise, à détruire des pièges ou encore à éliminer des ennemis en leur balançant tout ce que vous trouvez sur la tronche. Si certains puzzles sont énormément simples et d’autres aussi évidents que ma supériorité naturelle, il y en a quelques uns qui arrivent à étonner et à sortir du lot. Par exemple, il y a une énigme qui vous fera croire être arrivé à la fin du niveau avec un drapeau à la Mario, mais qui s’avérera être un piège nécessitant de détruire le drapeau pour passer. Ce qui nous amène enfin au point le plus important du jeu, à ce qui fait son identité : sa difficulté.
Petite fée veut aussi être frappée et torturée
Avant de commencer, je me dois de vous dire que je n’ai pas terminé le jeu à cause d’elle. Pourtant, j’ai toujours aimé les jeux de plateforme et les jeux difficiles. Mais j’aime un jeu difficile qui est réussi, c’est-à-dire un jeu qui n’est jamais frustrant, un jeu qui peut se finir grâce à des réflexes et un peu de pratique, un jeu qui est addictif malgré le fait qu’il vous torture. Et Eryi’s Action, s’il remplit peut-être une partie de ces conditions, ne les remplit sûrement pas toutes. Le jeu manque d’une logique, d’une cohérence : les pièges arrivent de nulle part et sont juste impossibles à éviter, pour certains. Vous pouvez vous balader tranquillement dans ce monde féerique quand tout d’un coup des pics sortiront du sol, sous vos pieds, pour vous transpercer tandis que vous n’aurez absolument aucun échappatoire, que vous n’aurez même pas le temps de sauter et ce même si vous êtes la personne aux meilleurs réflexes de l’univers. Il vous faudra donc vous prendre au moins une fois chaque piège dans la tronche de votre nouvelle petite fée favorite, voir des dizaines de fois par piège afin d’en comprendre le motif et de les éviter après avoir appris par cœur où, quand et comment ils apparaissent. Ce n’est pas ce que j’appelle un jeu à la difficulté bien construite, dans le but de fournir un challenge aux « meilleurs » joueurs (ou aux plus motivés, peu importe), c’est beaucoup plus proche de ces niveaux faits par des joueurs qui, en utilisant un éditeur de niveaux, ne pensent qu’à mettre des tas de pièges partout pour s’assurer que personne ne puisse terminer le niveau. Comme si les développeurs avaient fait leur platformer avec quelques éléments puzzles et puis qu’ils avaient pris des leçons de sadomasochisme avant d’intégrer des pièges un peu partout.
Vous l’aurez compris, Eryi’s Action est très frustrant, énormément frustrant même. Et d’après moi, la frustration est l’une des pires choses que l’on peut ressentir en jouant à un jeu. C’est ce qui nous fait regretter notre achat, ce qui nous fait casser notre clavier ou pad (voir des télés ou des écrans de PC pour les plus douées qui jouent à la Wiimote) et surtout, on ne tire aucun plaisir du jeu lorsqu’il nous frustre. J’ai toujours considéré un jeu frustrant comme un jeu raté, la difficulté de faire un jeu difficile étant justement de le rentre plaisant même pour les joueurs qui ne sont pas habitués à certaines méthodes impliquant fouets, menottes et autres cravaches. Néanmoins, il y a quelques bonnes idées dans le côté « hardcore » d’Eryi’s Action. Par exemple, le respawn est quasi instantané (seul un écran de quelques secondes indiquant votre nombre de vie sépare votre mort de votre renaissance), ce qui est un point très important vu que le respawn instantané permet de créer l’addiction en empêchant le joueur de quitter le jeu après une énième mort (sauf en cas de destruction matérielle où c’est peut-être moins efficace). Une autre idée que j’ai trouvé plutôt drôle est le fait que le jeu ne dispose pas de Game Over, à la place vous descendrez dans un nombre de vie négatif : je me suis ainsi retrouvé avec -300 vies aux alentours du troisième niveau (qui est un boss, car oui il y a des boss). Enfin, j’ai beaucoup aimé l’idée de pouvoir mourir sur la carte de choix de niveau, même si les pièges en question souffrent du même problème que les autres : le fait de ne pas pouvoir être évité par un être humain qui ne se dope pas.
En somme, je ne peux pas vraiment dire que je vous conseille de jouer à Eryi’s Action. Certes, le jeu est plutôt attractif aux premiers abords, que ce soit de par son aspect esthétique, son aspect musical ou même le genre du jeu (j’ai cru comprendre que les gens raffolaient des platformers-puzzle vu le succès de certains jeux que je ne citerais pas, même si ce n’est pas vraiment mon cas) voir ses revendications de jeu pour hardcore gamer (on sait tous qu’on joue à ce genre de jeux pour flatter son égo et savoir qui a la plus grosse). Mais voilà, Eryi’s Action est surtout un jeu frustrant, manquant de logique et qui ne laisse pas de place aux réflexes ou encore aux « skills », vous demandant de faire quarante fois chaque niveau pour connaître le déclenchement précis de chaque piège dans l’optique de finir le niveau. Quoique, je le conseille tout de même aux adeptes du sadomasochisme, ça coûte sûrement moins cher (je ne sais pas, je ne me suis pas renseigné sur les prix de ces pratiques, pas très journalisme total hein ?). On en arrive au moment où je devrais m’excuser auprès des développeurs pour ne pas avoir été très tendre avec leur jeu fait avec amour (et sadisme, surtout), mais vu tout ce que cette innocente petite fée et moi-même avons subi, je pense que c’est plutôt à eux de s’excuser et même de payer des dommages et intérêts.