Dire que Ron Gilbert est attendu au tournant, après quelques années d’absence, est un euphémisme. Le monsieur, cocréateur de Monkey Island avec Tim Schafer (Double Fine), tente de proposer un univers bien à lui à un public nouveau. Du point’n click revisité, en quelque sorte…
Le jeu des sept personnages
Un fermier, une scientifique, un chevalier, une voyageuse temporelle, des jumeaux (agissants comme un seul joueur), un moine et une exploratrice sont les personnages de ce titre au nom plutôt évocateur. Trois de ces sept protagonistes seront choisis par le joueur pour une aventure hors du commun, ou la Caverne est le guide de tous ces étranges personnages. A l’intérieur s’y trouve de l’humour et du drame, des énigmes et un voyage, mais surtout les pires désirs et les aspects les plus sombres de l’âme de nos antihéros qui vont devoir coopérer s’ils veulent se rendre à la fin de leur épopée. Aidée par vous, découvrant tout au long de l’aventure l’histoire personnelle de ces stéréotypes ambulants qui cachent malgré tout pas mal de choses sur leur véritable personnalité.
C’est très mystérieux, je vous l’accorde, mais The Cave est pourtant très simple à prendre en main. Il se joue comme un plateformer en 3D avec une vue en 2D, comme l’est Trine ou, pour prendre une référence bien plus ancienne, The Lost Vikings. Chacun des trois personnages que vous avez choisis avant de vous engouffrer dans la caverne sera lié à une flèche de votre pad. Vous passez de l’un à l’autre comme bon vous semble, ou qu’ils soient sur la carte. Vous explorer ensuite la Caverne exactement de la même façon que vous appréhendiez un Metroid ou un Castlevania : seul le passage d’un grand niveau à un autre se fait par un obstacle impossible à franchir sans les trois personnages histoire de finaliser une partie pour en débuter une autre sans se perdre dans les méandres d’un level-design très bien conçu.
Le but ? Survivre aux énigmes de la Caverne, où sept histoires sont donc à découvrir. Chaque personnage que vous pouvez incarner possède son « lieu » dans la caverne. Vous passerez devant ceux liés aux personnages que vous n’avez pas choisis, mais seuls les lieux qui vous importent se poseront comme véritables niveaux à franchir. En plus des trois lieux liés aux personnages, vous avez aussi quelques « entractes » du même acabit. Enfin, tout au long de cette épopée, vous y découvrirez d’étranges dessins sur certains murs bien cachés : ceux-ci vous débloquent de petits story-boards vous racontant la véritable histoire des acteurs de cette sinistre aventure.
Des choix, bons ou mauvais ?
Le jeu met vraiment l’accent sur ce principe de choix, de morale, tout au long d’une vie pas forcément dirigée vers les petits oiseaux chantants et le beau soleil couchant. Il vous demande aussi de choisir en début de partie, comme expliqué plus haut. Mais ensuite, c’est assez dirigiste : vous évoluez dans des niveaux de plateformes vraiment bien conçus, mais pas bien compliqués à affronter. Seules les énigmes vous donneront du fil à retordre (quoi que, nous y reviendrons) et c’est ici qu’on retrouve tout le sel des point & click de notre enfance. La caverne étant truffée d’objets en tout genre et d’énigmes nécessitant la bonne pièce de votre inventaire sur le bon élément du décor. La seule différence c’est qu’ici, vous n’avez pas d’autre inventaire que les simples bras de vos trois protagonistes, pour seulement trois objets à porter simultanément.
Du coup, on ne cesse de faire des aller-retour dans les niveaux pour aller chercher la clé à molette qui ouvrira le robinet d’eau, le seau d’eau qui permet de récupérer la dynamite au vol, la boite à biscuit que ce perroquet aime tant grignoter, tout en faisant des va-et-vient incessants et franchement lassants au bout d’un moment. Si bien qu’on en vient à avoir un objet dans les bras de chaque personnage dès que disponible et qu’en cas d’un trop-plein d’objets, on anticipe les allers et retours en posant les objets au sol le plus près possible de la zone de jeu la plus utilisée. Et sans ce genre de petit combine, croyez-moi, rebrousser chemin et se taper le retour est des plus démotivant ! Pour cela, remarquez, il y a bien le multijoueur uniquement local pour sauver un peu le rythme. Il faut l’avouer, c’est efficace, mais pas suffisant.
Mais ce n’est pas grave, l’humour est là pour sauver le tout. Bien que beaucoup moins présent que prévu, surtout pour un jeu signé Ron Gilbert et Double Fine, les situations humoristiques et surtout, les personnages à découvrir sont réellement bien sentis. Le perroquet dont je vous parlais plus tôt est assez hilarant et possède l’un des meilleurs dialogues du jeu avec… la caverne, qui parle et fait office de voix-off tout au long de l’histoire.
Un gameplay en demi-teinte
À la manette (car c’est sur une version 360 que cette critique est écrite) cela passe plutôt bien, avec un bouton pour sauter, un autre pour prendre/lâcher un objet et un dernier permettant l’utilisation de la compétence spéciale propre à chaque personnage. Le fermier peut nager indéfiniment dans l’eau, le chevalier peut se rendre invincible, les jumeaux peuvent valider une action et la faire durer plus longtemps à l’aide d’une « ombre » d’eux même, etc. Ces compétences ne sont pas excessivement utilisées dans le jeu, à tel point qu’on en vient à les oublier un peu jusqu’à se rendre dans un niveau propre à un personnage et être confronté à l’obligatoire nécessité de cette action spéciale.
Le reste se fait très simplement à base de sauts d’une plateforme à l’autre, d’échelles et de cordes à grimper et de bords qu’il et possible de rattraper. Tout cela se fait malheureusement via une physique très bizarre, offrant quelquefois de jolis moments de trouble où le personnage ne saute pas vraiment comme on le veut : trop rapidement, trop loin ou pas assez. On prend vite l’habitude et gérer son personnage ne se fait bientôt plus avec les heurts du débutant. Néanmoins, on ne peut pas en dire autant des quelques bugs décelés : personnage bloqué dans le décor, échelles qui ne veulent pas nous laisser sauter/prendre un objet, etc.
Heureusement, en cas de gros bug, il est possible de tuer son personnage et de le faire réapparaître, comme dans tout autre mort due à une longue chute ou à un obstacle mortel, sur l’un des passages « tranquille » le plus proche. On en vient d’ailleurs à la dernière critique qui peut être faite au jeu : il est très simple, même dans ses énigmes (qui coulent vraiment de source) et se termine facilement en trois petites heures. Après, il faudra recommencer le jeu deux fois pour terminer l’aventure avec tous les personnages proposés…
Verdict en profondeur(s)…
Mais est-ce que cela vaut réellement le cout ? Car au final, le récit n’est pas transcendant. La morale de l’histoire n’est pas incroyable d’originalité et est surtout très prévisible. Sans parler du concept de la caverne qu’on avait déjà saisi rien qu’avec le pitch du jeu, dans son premier trailer. Alors, cela fonctionne malgré tout très bien, on prendra plaisir à le faire une fois avec trois personnages, mais on s’excitera davantage moins avec la seconde partie et trois autres protagonistes. Quant à savoir l’utilité de nous obliger à en faire une troisième pour un seul héros restant, nous obligeant à refaire deux tiers déjà connus du jeu, cela reste un mystère.
Néanmoins, globalement, c’est très sympathique. Pas transcendant, pas de quoi crier au génie, mais dans la moyenne haute des jeux du genre et surtout, c’est excessivement amusant pour peu qu’on ne soit pas allergique aux allers et retours incessants. Le concept fonctionne très bien et on espère franchement que quitte à redonner ses heures de gloire au point & click tout en se forçant à sortir sur console, Ron Gilbert et Double Fine continueront de prendre ce chemin simplifié, mais très efficace dans leurs prochaines sorties. Pour un certain jeu kickstarté à quelques millions, par exemple ?
En bref, c’est mal fichu mais suffisamment bien écrit pour rester attrayant ?
Je pense que je vais me laisser tenter.
Exactement. Tu as le chic pour bien résumer les jeux, tu devrais en faire un site ! 🙂
L’ambiance mise en place par l’histoire des personnages et surtout le personnage très emblématique de « The Cave » est des plus plaisantes. Après, ça tire un peu en longueur du fait de tous ses défauts : les aller-retour, le fait qu’on ne puisse pas faire suivre ses persos non joués quand on le veut, les répétitions de niveaux, et les bugs quand même relativement fréquents. Dommage, ça aurait pu faire un très bon opus s’il n’y avait pas eu tous ces « petits » détails…