Impire

Quand Skywilly (notre aimé rédac-chef) est passé dans nos bureaux avec sa barbichette de prince pirate conquérant et ses petites lunettes de secrétaire coquine en demandant qui voulait tester Impire, j’ai bondi. Probablement en poussant au passage un petit glapissement semblable à celui d’un puceau de 37 ans enfin appelé à une nuit d’amour passionnée. On m’en a parlé comme la suite spirituelle de Dungeon Keeper, et c’est un de mes titres préférés. J’aurais dû me méfier. Parce que la dernière fois qu’on nous avait fait le coup, c’était avec Overlord. Un jeu qui n’était pas mauvais, juste décevant. Oups, je crois que j’ai spoilé ma chute.

Baal au centre

Báal-Abaddon vivait sa vie de brave démon des enfers, ennuyé par la monotonie de ses journées. Un sorcier incapable et mégalo du nom d’Oscar Van Fairweather décide de le conjurer dans notre monde pour se venger de tous ceux qui l’ont offensé d’une manière ou d’une autre. Problème étant, l’entité infernale a été réduite à l’état de poupée miniature au moment du transfert, pouvoirs à l’avenant. Au final, le magicien va tenter de conquérir toute la lande d’Ardania pendant que le démon va essayer de retrouver la pleine possession de ses moyens. Le scénario, sans briller par son originalité, est efficace, les personnages sont bien conçus et l’humour tape souvent juste. D’autres fois, l’excès de clichés et de jeux de mots à la noix peut être sérieusement exaspérant (dixit le testeur aux intertitres à deux balles, je sais). Les missions sont elles aussi plutôt bien pensées et par moment étonnamment matures. Attention néanmoins, le jeu est en anglais intégral sans sous-titres.

Impire ne manque vraiment pas de cœur et de fait, il laisse une première impression très positive. L’ambiance est vraiment très réussie. Mention spéciale aux dialogues et aux voix qui donnent vraiment le ton de cet univers presque parfaitement équilibré entre le noir et le barré. Les musiques sont par moment vraiment belles et les graphismes, sans êtres exceptionnels, font plus pour servir le jeu que le desservir. Par contre, les répliques à chaque fois qu’on clic sur une unité deviennent rapidement très, très répétitives. Et tant que je suis sur l’aspect technique, le jeu à eu de nombreux bugs et plantages de mon côté. Naturellement, votre expérience peut être différente, mais après un tour sur quelques forums, énormément de joueurs ont des pépins. Mais s’il n’y avait que ça…

Impire s’tâte building

Le premier niveau donne le ton de ce qui coince vraiment avec Impire. Rien que dans ce tutoriel, on vous explique (d’une manière assez confuse) une vingtaine de concept et de phases de jeu, certaines très complexes, que vous allez devoir maîtriser simultanément. Réglons tout de suite la question posée au début : non, ça n’est pas Dungeon Keeper 3. Déjà, parce que vous n’êtes pas libre de concevoir votre petit centre de douleur et de détresse comme vous le sentez. Vous avez simplement le droit de poser des salles entières en préfabriqués et des couloirs dans un cadre super étriqué. Pour ça, encore faut-il y arriver, vu que l’interface est au bord du labyrinthique. Construire un simple passage entre deux salles prend au minium 5 clics.

Par moment, Impire a des airs de mauvaise simulation allemande. Des menus, partout, qui opèrent sans aucune interconnexion. Vous voulez faire apparaitre un ouvrier ? Clic doit sur Ball, faire glisser votre souris, sélectionner créer un ouvrier. Pour une créature offensive ? Ouvrez le menu management. L’ajouter à une escouade ? Encore un autre menu. C’est lourd, surtout que le jeu vous demande en permanence d’être partout à la fois. Il n’est pas rare de devoir gérer simultanément un assaut dans le cœur de votre donjon, dans sa périphérie, sur la carte extérieur et le développement de votre petit cocon. Avec l’interface qui se met en travers de vos moindres gestes, c’est juste une plaie.

Mais ça ne serait pas aussi grave si vous aviez un peu d’aide de vos serviteurs. Or, vos créatures n’ont aucune intelligence propre. Et je ne dis pas « une IA améliorable », je dis bien strictement aucune. Votre donjon est envahi ? À vous de les envoyer. Une salle a été construite ? Vous devez commander un ouvrier pour qu’il en prenne charge vous-même. Votre escouade rentre d’une mission extérieure ? À vous de lui indiquer la cuisine où elle va se faire écrabouiller. Tout doit passer par le joueur, à chaque fois. En cas d’attaque, les magiciens et archers ne se mettant pas automatiquement en retrait, il est obligatoire de surveiller le conflit de très près pour ne pas perdre énormément de ressources très rapidement. Oh, ce qui me fait penser : même au départ, votre bestiaire est totalement déséquilibré. Et s’il est assez diversifié, vous n’allez pas vous servir de la moitié des choses qui vous seront proposées vu qu’elles ne servent à rien.

Les attaques de votre donjon, c’est à peu près toutes les cinq minutes, avec des échelles sortant de tout les coins. Et comme l’exploration de la map, les raids externes et la recherche de trésors sont absolument essentiels à la victoire d’un niveau et que la présence de Baal est nécessaire dans ces phases vu qu’il est le seul à pouvoir activer des mécanismes, vous ne pouvez pas vous concentrer là-dessus. Bref, vous devez tout micromanager à trois ou quatre endroits à la fois, en permanence.

Impire et passe

Il y a aussi un petit aspect RPG plutôt bien pensé, avec des points qui permettent de débloquer des bonus pour les salles et des créatures supplémentaires. Mais il n’arrive malheureusement pas à estomper ce qui est pour moi le plus gros défaut d’Impire : sa répétitivité. Au final, c’est toujours les mêmes paniques, les mêmes problèmes et les mêmes situations. Si c’est une mise en abîme scénaristique pour nous faire vivre l’ironie du destin de Baal, c’est réussi.

Sans même vouloir le comparer à son illustre ancêtre dans le domaine des Dungeon Builder, Impire trébuche donc sur le cœur de son gameplay. C’est tellement dommage. Comme dit, il déborde d’une âme et d’une envie de bien faire contagieuse, mais l’exécution rend ces efforts vains. Je croise les doigts de tout cœur pour que les gars de Cyanide Montréal puissent revenir à la charge pour un deuxième épisode qui améliorerait l’interface et romprait la monotonie. Peut-être même qu’à force de patchs et petits ajustements, cette version-là peut être corrigée. On pourrait tenir là un de ces jeux, certes ardus à maitriser, mais qui vous offre un plaisir que nous n’avons plus connu depuis une bonne décennie et quelques. Ça n’est pas passé loin, mais nous n’y sommes pas… Je ne suis pas en colère contre toi, Impire. Juste, déçu.

 

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