Sorti en septembre 2012, Anna est un jeu un peu hybride, développé par le studio italien Deampainters. Jeu d’énigmes, point’n click à la première personne, mais également jeu d’ambiance, jeu horrifique… Comment tout cela se marie-t-il ?
Atmosphère, atmosphère…
Anna est avant tout une atmosphère. Avant le gameplay, avant les énigmes, avant le scénario (même si son écriture y participe), Anna est une ambiance. Une ambiance tout d’abord calme, dans la première partie du jeu qui voit le personnage se trouver dans la cour d’une ancienne scierie abandonnée. Il fait beau, la végétation créé un environnement agréable avec ses herbes vertes, ses fleurs blanches, un petit ruisseau coule paisiblement sur le côté. Les oiseaux chantent, la musique est planante, le son de l’eau qui coule nous bercerait presque.
Cette quiétude est toutefois légèrement bousculée par la situation du personnage. Que fait-on là ? On ne se souvient pas comment on y est arrivé. Des bribes de mémoire nous reviennent, sans plus. Anna, notre amour… lui avons-nous fait du mal ? Un parfum de mystère flotte dans l’air. Il utilise la ficelle bien connue de l’amnésie, mais qu’importe, il teinte d’onirisme le monde qui nous est proposé. Qu’est donc cette scierie, comment y entrer ? On explore la petite zone de jeu, on fouille, on trouve des objets, on cherche à les combiner. Le gameplay se rappelle à nous et vient empiéter sur l’ambiance.
Un gameplay poussif
C’est là le problème du jeu, d’ailleurs : le gameplay. L’idée d’un point’n click à la première personne est pourtant excellente : le point de vue permet une profonde immersion, tandis que le système d’énigmes implique un rythme de jeu à la fois lent et mystérieux, tout ceci étant idéal pour plonger le joueur dans l’atmosphère travaillée d’Anna. Malheureusement, force est de constater qu’on déchante sur certains points. Ainsi l’interface point’n click est lourde. Très lourde. Sélectionner un élément cliquable ouvre un menu à trois possibilités (examiner, utiliser, recueillir), l’écran d’inventaire s’ouvre dans une fenêtre spécifique, la sélection d’un objet de l’inventaire ouvre à nouveau un menu à deux choix, et le résultat de tout cela est que la moindre action entraîne une avalanche de clicks rébarbatifs. Dommage. A cela s’ajoute une sensibilité de la souris qui, bien que paramétrable, laisse un peu à désirer.
En plus de la lourdeur du gameplay, il faut rapidement faire face à la lourdeur des énigmes. Celles-ci pêchent en effet parfois par manque de logique, et on se retrouve régulièrement quelque peu incrédule devant elles une fois à l’intérieur de la scierie.
Angoisse
Heureusement, ce second point sert, sans doute malgré lui, l’atmosphère du jeu. Une fois entré dans le bâtiment, cette dernière se fait pesante, oppressante, inquiétante. Les lieux sont sombres, éclairés par quelques flammes de bougies qui font danser les ombres, et le tout est baigné d’un environnement sonore très réussi, entre chuchotements, bois qui craque et autres bruitages peu rassurants. Anna est un jeu qui s’écoute. Les énigmes manquent donc de logique ? Mais le jeu se fait soudain fantastique. Des inscriptions apparaissent sur les murs, d’étranges visions s’offrent au personnage en proie à quelque folie tout comme le joueur qui bute sur ces énigmes tordues. On monte dans le grenier, on y déniche un objet, on redescend : les murs ont changé. Des yeux nous épient. Que faisons-nous ? Où sommes-nous ? Le personnage se déplace lentement, et il n’est pas possible d’accélérer le pas. Cela peut paraître frustrant pour un jeu de type point’n click, où l’on passe son temps à effectuer des aller-retour, à tester des combinaisons d’objets. Mais ici l’ambiance prime, et la lenteur du personnage oblige en quelque sorte à la vivre davantage. Jusqu’à, peut-être, sombrer dans la folie. Et bien qu’on sache pertinemment qu’on ne risque rien dans le jeu, Anna réussit à faire peur grâce à son ambiance sonore et sa mise en scène. Ces bras qui sortent du sol lorsqu’on se retourne, ce masque qui nous suit du regard alors qu’on se déplace, ces pleurs qu’on entend sans savoir d’où ils proviennent… Un sentiment d’angoisse, d’inquiétude malsaine s’empare du joueur naturellement, et c’est bien lui qui fait tout l’intérêt du jeu.
Anna est assez court et ne propose que quelques zones à explorer : l’extérieur, puis cinq pièces dans la scierie et enfin une zone particulière pour la fin (à ce propos, plusieurs fins sont disponibles). Il ressort du jeu une grande frustration liée à un gameplay franchement lourd et des énigmes manquant de logique, et cette frustration suffira sans doute à rebuter certains joueurs. Reste que la qualité de l’ambiance mise en place est indéniable, oscillant entre l’horreur tranquille et l’onirisme flou. On regrettera tout de même que la fin du jeu n’éclaire pas tant que ça le scénario.