La frontière entre jeux vidéo et réalité est parfois floue et subtile. Pas de polémique ici sur la violence ou une quelconque transgression morale permise par le passage au virtuel, mais ce simple état de fait : le jeu s’appuie souvent sur une inspiration du réel, dont il détourne certaines lois, à laquelle il rajoute certains codes. Et ainsi, il peut émerger de choses toutes simples de petits jeux bien malins.
Prenez Google Street View…
Que voilà un outil fabuleux ! Le monde à portée de clic, chez soi devant son écran. Du moins le monde à travers sa voierie. Mais on dit « outil »… Est-ce bien le mot approprié ? Bien sûr on peut s’en servir pour visualiser un lieu où l’on doit se rendre, pour accrocher du regard quelques repères et se diriger convenablement. On peut montrer à ses amis un endroit que l’on n’a pu photographier lors de ses dernières vacances, la batterie étant tombée à plat après les 2546 photos de fleurs, cailloux et autres brins d’herbe précédentes.
Mais qui n’a jamais utilisé le service de Google pour flâner, glisser de ruelle en ruelle pour le simple plaisir de se promener dans des villes, des pays plus ou moins exotiques ? Qui ne s’est jamais volontairement perdu dans cette réalité numérisée, pour jouir d’un dépaysement réel tout en demeurant chez soi ? C’est bien de ces petits plaisirs que découle Pursued, jeu sur navigateur développé par le studio hongrois Nemesys Games.
Lost in translation
Lorsque la partie commence, c’est d’abord le son qui vient au joueur. Des bruits de moteur, de pas, un fond sonore typiquement urbain. Puis l’image s’affiche : il s’agit de photos d’endroits bien réels. Et pour cause, Pursued utilise Google Street View. Le joueur se voit catapulté en un endroit du globe, seul. Perdu. Les rues s’offrent à lui, il est libre de s’y déplacer, de zoomer sur certains endroits. En bas de l’écran, un timer égraine les minutes, les secondes : le temps joue contre nous.
Le principe de Pursued est on ne peut plus simple : le joueur est poursuivi par de mystérieux individus et doit compter sur un non moins mystérieux ami apte à le faire s’échapper. Mais pour cela, encore faut-il indiquer à cet ami où l’on se trouve. Et voilà donc le but du jeu : découvrir dans quelle ville on a atterri, et ce avant la fin du temps imparti. Alors on se hâte, on descend, on remonte les rues, on recherche le moindre indice. Les voitures roulent-elles à gauche ? En quelle langue sont écrits les panneaux publicitaires ? Les taxis, les bus portent-ils des mentions susceptibles de nous mettre sur la voie ? Encore un tournant, encore une avenue, et derrière ce bâtiment… un monument, un lieu connu, peut-être ?
Se perdre en communauté
Pursued est une merveille de simplicité. Si les premiers niveaux sont plutôt faciles, ils n’en demeurent pas moins très plaisants : déambuler dans des capitales connues, chercher quelques instants et tomber subitement sur un paysage célèbre, tout cela donne le sentiment de voyager, de se rendre dans ces lieux pas si virtuels. Et puis, si l’on souhaite un peu plus de challenge, qu’à cela ne tienne : en plus des niveaux un peu plus avancés, le jeu propose à la communauté de mettre en ligne ses propres niveaux. Rien de plus aisé, moins d’une minute sur Google Maps pour récupérer les coordonnées, et voilà que vous pouvez soumettre à vos amis (et au monde !) des niveaux qui vous parlent. Ou comment s’approprier le jeu et défier ses connaissances en partageant un référentiel commun mais unique.
Pursued est l’exemple même de l’idée simple mais géniale, s’accaparant un outil et le dotant de quelques petites règles pour en faire un jeu addictif et modelable grâce au système d’édition de niveaux. Gratuit, en extension Chrome ou sur des sites comme Kongregate, le jeu ravira les passionnés de voyage comme ceux qui préfèrent visiter le monde sans bouger de chez eux.