La vie de testeur bénévole de jeux est parfois bien étrange. Non pas que j’enrage de ne pas être invité à l’E3, mais parce qu’il m’arrive quelque fois de tomber sur des titres bizarres, à la frontière entre le délire psychotique et une sévère cuite à la vodka. Bref, je vais vous parler de Kairo, un titre pas comme les autres.
Kesski faut faire ?
Lancer une partie de Kairo, c’est avant tout s’exposer à un nombre incroyable d’interrogations : que suis-je censé faire ? Où dois-je aller ? Qu’en est-il du scénario ? C’est moi qui sent des pieds comme ça ? Autant de questions qui, malheureusement pour vous, ne trouveront pas de réponses. Car oui, disons-le tout net, Kairo vous met face à vous-même, vous confronte à votre propre compréhension d’un environnement pour le moins étrange à la structure complexe. Je pourrais paraphraser un célèbre rédacteur en qualifiant le jeu « d’haïku numérique », mais hélas je ne le peux car l’aspect poétique est ici relégué au second plan. Non, l’intérêt est ailleurs. Dans l’exploration de couloirs et pièces dénuées de toutes formes de vie pour être exacte.
En effet, seule votre infinie curiosité vous permettra de rester scotché devant votre écran. Il faut dire que les développeurs ont tout fait pour aller dans ce sens, avec des niveaux (peut-on vraiment parler de niveaux ?) à l’architecture inqualifiable, meublés d’éléments improbables. Au milieu de tout cela, vous devrez trouver un interrupteur, un mécanisme ou un projecteur à actionner afin d’animer la pièce et avancer plus loin dans…euh…une sorte de temple. Ouais, comme j’vous le dis. Et histoire de renforcer un peu plus cette ambiance des plus singulières, les développeurs ont jugé bon d’appliquer à l’image un grain qui vous fera regretter de jouer sur un écran HDMI.
La branlette intellectuelle le long de deux paragraphes, c’est bien. Mais traiter des qualités mêmes du soft, c’est mieux. Outre ce que j’ai déjà développé précédemment, je tiens à développer davantage mes propos concernant l’aspect graphique. Au sein de titres conventionnels, il est d’usage de garder une certaine constante. Ici, c’est tout le contraire ! Une pièce peut très bien affichée des teintes vertes, alors qu’une autre sera baigné d’une lumière rouge aveuglante. Mis à part le fait que cela est très pratique pour régler votre téléviseur, ce changement permanent renforce l’effet de surprise et l’on en vient presque à se demander ce que l’on va trouver derrière la porte. Un raisonnement également valable en ce qui concerne l’architecture et l’animation des lieux en perpétuel bouleversement. En un mot comme en cent, la routine n’existe dans Kairo.
Une aspirine, vite !
En ce qui concerne l’ambiance sonore, je tiens à saluer le remarquable travail de Bartosz Szturgiewecz (la galère à taper au clavier j’vous dis pas) mais je serai hélas bien incapable de vous la décrire, tant cette dernière est particulière. Grossièrement, je dirais que celle-ci comble à merveille le vide des niveaux, en usant de voix brouillées telles ceux d’une radio ou encore de bruits inquiétants.
Cependant, aussi original soit-il, ce Kairo montre bien vite ses limites et son principal défaut : VOUS. En effet, ce genre de jeu repose sur un principe très simple, à savoir votre capacité à y accrocher. Les premières minutes sont un vrai régal, et l’ont déambule avec plaisir un peu partout au hasard sans vraiment comprendre quoi faire, l’excitation de la découverte étant votre principale drogue en début de partie. Mais après avoir buté sur une énigme un peu tirée par les cheveux, aurez-vous le même enthousiasme ? Tout cela dépend de vous, même s’il m’est parfois arrivé de jeter l’éponge pour revenir quelques minutes après, tiraillé par l’envie d’en savoir un peu plus sur ce monde étrange. Hélas, toutes les bonnes choses ont un fin, et comptez quatre heures grand maximum pour voir la fin de ce Kairo, ce qui est assez honorable pour ce genre d’OVNI.
Conclusion : êtes-vous sensibles aux expériences étranges ? Etes-vous prêts à plonger au cœur d’un univers colorés, mais aussi dénué de tout fil conducteur ? Si oui, alors n’hésitez pas et foncez. Quant aux autres…pourquoi pas, mais vous risquez fortement de ne pas accrocher. Une expérience à tenter au moins une fois dans sa vie de gamer.