L’Oeil Noir est de nouveau au centre d’un jeu, mais cette fois, plutôt que d’utiliser la franchise médiéval-fantastique pour un jeu d’aventure comme le fait correctement Daedalic Entertainment, les développeurs de chez Noumena nous en proposent un véritable Action-RPG à la troisième personne. Un pari risqué pour une petite équipe qui va devoir mettre du mieux possible en avant ces grandes ambitions…
Effroyable démarrage
Tout commence dans la cité de Warunk, ou vous y découvrirez absolument toutes les idées sur deux/trois heures de jeu. En tant que premier chapitre de tutoriel, ce passage est symptomatique de tout ce qu’est Demonicon en bien comme en mal. On commence avec le héros Cairan et sa soeur, Calandra, qui se découvrent un pouvoir mystique leur permettant de se déchaîner en combat. Rapidement, une mythologie les entoure, revenant à leur naissance et l’arrivée de forces démoniaques dans leur contrée n’y est pas étranger. Tout cela sur fond de prises de pouvoir, de riches contre les pauvres, de clans et de décisions à prendre : pas de doute, on est dans un RPG bien adulte et souvent glauque.
Il y est question de tout ce que vous pouvez imaginer : du sacrifice, beaucoup de sang, des tueries, aucune humanité pour la plupart des méchants qui ne le sont pas qu’à moitié, même de l’inceste (ce qui est par ailleurs très dérangeant en début de jeu). A côté de cela, le jeu a été codé avec les pieds par un gamin de 8 ans ayant trop forcé sur le Champomy… Le moteur de jeu est effroyable, contrôlé à la troisième personne avec des animations saccadées, pas du tout en accord avec le reste du monde, des textures souvent trop sales pour n’être qu’un « style artistique » et milles et un faciès complètement ratés. Parce que dans Demonicon, aucun personnage n’a un visage réussi, logique, bien conçu. Et ce ne sont surtout pas les yeux, faisant de L’Oeil Noir un monde peuplé de personnages qui louchent, qui viendront nous prouver le contraire.
Méchant comme point de vue ? S’il n’y avait que ça ! Les combats sont tout autant détestables. Dès qu’un ennemi apparait à l’écran, le héros sort son arme (épée, masse, etc.) et on passe en mode Combat. Il est alors possible de frapper simplement avec un bouton pour enchaîner les coups, de lancer des projectiles à distance (en nombre infini, mais limité par une jauge qui se recharge au fil du temps, cela n’a aucune logique, mais pourquoi pas) et d’utiliser des pouvoirs d’aura. Ceux-ci permettent de congeler, d’empoisonner, de bruler ou de s’améliorer point de vue vitesse et force d’attaque. Et bien entendu, ils sont évolutifs…
Combat à mains gauches
Sauf qu’honnêtement, les affrontements n’ont rien d’intéressant. C’est même souvent ridicule tant les personnages se comportent n’importe comment : ils montent sur tous les éléments du décor, les animations sont encore pires qu’en mode citadin avec des enchaînements coupés, des coups qui apparaissent comme par enchantement, sans parler des ennemis stupides au possible qui vous attaquent plus ou moins un par un. Et évidemment, plutôt que de jouer les durs en vous entourant, façon « attends que je t’attrape » (comme dans un Batman, par exemple), ils en arrivent même à vaquer à leurs occupations de leur côté. On est en train de se battre contre quatre de leurs congénères ? Pas grave, ils peuvent se débrouiller. Du grand n’importe quoi pour une intelligence artificielle jamais de qualité tout au long des cinq chapitres que comporte le jeu.
Au fur et à mesure des combats, on gagne des Points d’Action. Ceux-ci peuvent être dépensés pour améliorer des statistiques très basiques comme la Force, la Constitution, etc. Mais on peut aussi les partager plus précisément dans certains types d’améliorations. Par exemple, plutôt que d’augmenter la Force en général, on augmentera la vitesse de frappe plus précisément. Aussi, tous ces points d’actions permettent d’améliorer des talents vous permettant bien des choses dans le monde de Demonicon : crochetage, forge (pour déceler les pièges), connaissances des plantes (pour créer des potions et poisons) et autres skills sont au rendez-vous et là, d’accord, on dit Bravo. Car l’idée est bonne et l’exécution plutôt sympathique.
Chacun de ces talents vous seront utiles lorsque vous explorerez l’extrêmement linéaire (sauf en ville, et encore) carte du jeu. Vous trouvez un coffre ? Si vous avez le niveau adéquat en crochetage, vous pourrez l’ouvrir. Une plante ? Cueillez-la d’un seul clic ou d’une seule pression sur votre manette. Sachez d’ailleurs que le GamePad Xbox 360 se comporte magnifiquement bien avec le jeu même sur PC. C’est toujours ça de pris…
Simple et simpliste
L’évolution est curieusement facile, malgré des combats un peu retors par moment. En facile, c’est carrément une partie de plaisir. En normal, on s’étonne de progresser très vite et en difficile, seuls les ennemis sont plus dur à battre, mais en soi, si vous faites toujours le plein de potions, tout se passera bien. Car le jeu simplifie tout à outrance au point de proposer des illogismes effroyables. Qu’on puisse reprendre de la vie presque instantanément en buvant une potion en plein combat, via un raccourci, passe encore. Mais si vous obtenez des points d’action à placer dans vos caractéristiques pendant un affrontement (en battant un ennemi parmi les cinq qui vous attaquent, par exemple) et bien, vous pourrez les placer dans le menu adéquat en faisant une simple pause. En plein combat. Plus simple, tu meurs. Ou pas, justement.
Reste qu’au moins, le jeu est accessible au plus grand nombre et se traverse (du point de vue des caractéristiques, j’entends) sans déplaisir. Le reste, le level-design et la technique en priorité sont tellement à côté de la plaque qu’il est difficile de s’y passionner. Activer des leviers pour placer des morceaux de ponts qu’on pouvait de toute façon presque enjamber si le jeu était un minimum réaliste, affronter des boss pendant que la musique saute et qu’on entend seulement les « bruits du marché » de l’environnement ou on se situe (au revoir le rythme et l’envie de se battre), se bloquer dans une pierre et tenter d’en sortir en faisant des tours sur soi même et autres fioritures amusantes pour votre public, lourde pour votre progression, viennent détruire tous les espoirs qu’on mettait dans ce jeu.
Bref, Demonicon, c’est un jeu raté. Néanmoins, il est amusant à parcourir et si vous faites réellement abstraction de son beau millier de défauts, vous aurez une petite dizaine de qualités qui valent le coup d’oeil. Une histoire bien écrite et adulte, des talents amusants à faire progresser… Et c’est tout. C’est peu et surtout, beaucoup trop décevant de la part d’un titre qui, s’il n’a clairement pas le budget d’une grosse production, aurais au moins du avoir le droit à une finition un peu plus aboutie.