Fort du succès mérité de son premier jeu Endless Space, Amplitude Studio revient à la charge avec un jeu original pour nous faire patienter en attendant Endless Legend. Point de 4X ici, mais un mix atypique de rogue-like, de tower defense et même d’un zeste de Survival Horror, le tout enrobé dans des graphismes retro plutôt attrayants. Que donne la version Alpha du jeu, accessible depuis peu sur Steam ?
Ludus
Amplitude tient visiblement à intégrer ses jeux dans l’univers qu’il a conçu pour Endless Space, univers qui repose sur l’antique civilisation des Endless, un peuple disparu mais dont les reliques technologiques demeurent influentes et recherchées. Ici nous suivons un groupe de prisonniers transportés sur la planète Auriga Prime à bord du vaisseau spatial Success. Malheureusement pour eux, il se trouve qu’Auriga fut par le passé une colonie Endless, dont certains systèmes défensifs sont encore actifs. Résultat des courses : le Success se fait descendre et s’écrase sur la planète, au fin fond d’un vaste complexe Endless. Les rares survivants n’ont plus qu’à trouver le moyen de remonter à la surface… en restant en vie.
L’effort de background est louable, mais il ne trompe personne : Dungeon of the Endless n’a clairement pas de dimension narrative et son histoire bancale n’est qu’un artifice. Non, Dungeon of the Endless est un jeu, au sens le plus pur du terme : c’est un agencement de concepts et de mécaniques ludiques empruntant ses éléments à droite à gauche pour produire un résultat singulier et innovant. Il s’agit de jouer.
Tout commence donc au fond du complexe-donjon, généré aléatoirement. Le joueur contrôle deux survivants, qui lui sont eux aussi affectés de manière aléatoire parmi un pool de héros possibles. Chaque personnage a ses propres caractéristiques et sa propre classe, lui permettant d’équiper certaines armes et lui donnant accès à un arbre de compétences pas encore disponible dans cette version Alpha. A côté d’eux, un cristal, cœur de leur vaisseau échoué, réacteur à protéger à tout prix et qu’il faudra transporter de niveau en niveau, jusqu’à la sortie. Mais n’allons pas trop vite : avant de penser à le déplacer, il va déjà falloir ouvrir cette porte menant au donjon…
Derrière la porte
Les mécaniques de jeu sont assez simples. Lorsque l’on ouvre une porte, on récolte automatiquement des ressources (industrie et nourriture, la science devant être disponible en plus dans la version finale) en même temps que l’on découvre une nouvelle salle. Il se produit alors un évènement aléatoire, un peu à la manière de cartes Evènement d’un jeu de plateau : apparition d’ennemis, découverte d’un objet, de ressources supplémentaires, d’un marchand, d’un nouveau héros perdu dans le donjon… Une fois l’évènement terminé et l’éventuel combat qui s’en suit achevé, on répète l’opération, et c’est ainsi que l’on progresse petit à petit dans le complexe, à la recherche de sa sortie.
Bien sûr, à partir de cette base se développent des mécaniques de jeu plus profondes. Les salles du donjon peuvent posséder des emplacements permettant la construction de modules, qui seront utiles pour produire plus de ressources lors des ouvertures de portes, ou pour mettre en place des défenses à même de se protéger des nombreux ennemis tapis dans l’ombre du complexe. Tourelles, boost de défense ou d’attaque, ralentisseurs… on retrouve la panoplie classique du tower defense, mais sa mise en place originale lui confère un souffle nouveau. On comprend alors comment se fortifier, et on explore le donjon en s’enfonçant toujours plus loin. C’est alors qu’un élément essentiel prend toute son importance : l’alimentation.
La peur du noir
Le cristal permet d’alimenter les salles avoisinantes, c’est-à-dire, grosso modo, d’y allumer la lumière et de permettre aux modules qui y ont été construits de fonctionner. Éclairer la pièce est un point fondamental : en effet lors de l’ouverture d’une porte, après résolution de l’Evènement associé, il est fréquent qu’une alerte nous informe de l’approche de plusieurs vagues ennemies. Ces vagues ne peuvent se former que dans des pièces non éclairées, et elles déferlent ensuite inlassablement vers le joueur, ses modules ou son cristal (chaque ennemi possède une proie privilégiée). Une jauge d’une ressource particulière, la brume, indique le nombre de pièces qu’il est possible d’alimenter, celles-ci devant impérativement être connectées entre elles. Evidemment, il n’est jamais possible d’éclairer tout le donjon, et au fil des bifurcations, ce sont autant de nids à monstres à surveiller qui apparaissent, susceptibles de venir de tous les côtés.
Il faut donc soigneusement s’organiser, protéger ses générateurs de ressources, s’aventurer derrière les portes et savoir se replier pour mieux repartir de l’avant, jusqu’à trouver la sortie du niveau. Une fois cette dernière localisée, ce n’est pas fini : il va falloir y apporter le cristal. Celui-là même qui alimente les différentes salles que l’on a traversées. Il va donc falloir s’en saisir, le débrancher et courir vers la sortie comme on peut (évidemment, le cristal ralentit son porteur). Les pièces s’éteignent alors une à une, permettant aux vagues ennemies de redoubler d’intensité. Cette phase de fuite éperdue est intéressante dans le stress qu’elle procure, en particulier les premières fois. Néanmoins, elle souffre un peu du principe de génération procédurale, puisqu’il y a une différence potentiellement importante entre un donjon qui génèrera une sortie proche de la zone de départ et un autre qui la génèrera très éloignée. Durant cette séquence il n’y a (pour le moment, rappelons que le jeu n’est encore qu’en version Alpha et que toutes les fonctionnalités ne sont pas encore disponibles) pas grand-chose à faire d’autre que courir en soignant ses personnages à mesure que les adversaires les blessent.
Evolution
Toute l’évolution du jeu se fait à travers les différentes ressources disponibles, qui font chacune écho aux ressources déjà mises en place dans Endless Space. Les modules sont fabriqués à partir des unités d’industrie, et il est possible de récupérer dans le complexe des plans pour en confectionner de nouveaux, plus puissants ou apportant de nouveaux bonus. Les différents héros contrôlés par le joueur (jusqu’à quatre) peuvent gagner des niveaux ou être soignés grâce à la nourriture, et peuvent également s’équiper d’objets découverts dans le donjon, ou achetés chez les marchands… contre de la brume. Logique, puisque la brume représentait l’argent dans Endless Space. Mais ici, elle sert également à l’alimentation des salles du donjon. Aussi il faut faire bien attention lors des emplettes : l’achat d’un objet peut entraîner l’extinction d’une salle et l’arrêt des modules qui y ont été construits…
Des promesses
Dungeon of the Endless est plein de promesses. Ses mécaniques de jeu le rendent rapidement addictif, même s’il faut avouer que la version Alpha montre assez vite ses limites : seuls trois niveaux de donjon sont accessibles, les héros sont limités au niveau 5, et ni la science, ni les arbres de compétences ne sont disponibles. Amplitude promet également des objectifs cachés (probablement des quêtes annexes), ainsi que la gestion d’une certaine forme de relation entre les personnages (les anciens prisonniers et leurs anciens gardes, qui doivent coopérer pour survivre). Autant d’éléments qu’il faudra intégrer au jeu pour le faire gagner en profondeur, et qui devront surtout s’accompagner d’un équilibrage global pertinent. Ce dernier point constitue finalement la seule crainte que l’on peut nourrir vis-à-vis de Dungeon of the Endless : en l’état, une fois assimilés les principes du jeu, il apparaît plutôt facile, et conduit à adopter une stratégie unique (puisqu’on n’a pas accès à la science et que le niveau 5 est rapidement atteint pour les différents personnages).
Amplitude Studio s’était montré particulièrement à l’écoute des joueurs lors du développement et du suivi de Endless Space. Il dispose avec Dungeon of the Endless d’un excellent potentiel, d’un game design accrocheur qui donne furieusement envie de voir jusqu’où le jeu peut aller, et c’est avec impatience que l’on attend la version finale. Certes, il est évidemment trop tôt pour se prononcer définitivement, trop d’éléments manquant encore à l’appel. Mais, indéniablement, la promesse est belle.