Le monde de l’indé continue son exploration des possibilités des jeux narratifs. The Novelist s’inscrit en effet totalement dans cette mouvance, et expose l’histoire banale mais pleine de dilemmes d’une famille somme toute normale (quoique portée vers l’art et la littérature). Le tout sous un angle mature et donc forcément dépressif.
L’histoire d’une famille
Les choses sont compliquées entre Dan et Linda. Sans oser en parler franchement, chacun sent bien que le mariage bat de l’aile, et les problèmes de la vie courante n’aident pas à surmonter cette difficulté. Ecrivain, Dan ne parvient plus à trouver l’inspiration et se heurte jour après jour à des pages désespérément blanches. Tommy, le jeune enfant du couple, éprouve des difficultés de lecture, tandis que Linda rêve d’une carrière d’artiste peintre. Afin de se donner une nouvelle chance, la famille décide de passer l’été dans une maison en bord de plage, espérant bénéficier de l’isolement pour se rapprocher et permettre à Dan d’avancer dans l’écriture de son roman.
Désirs et choix
Chacun des trois personnages s’envisage à la fois en tant que membre de la famille et en tant qu’individu isolé. En effet, ils ont tous leurs propres problèmes, leurs propres préoccupations, et par conséquent leurs propres désirs. Enfant, Tommy veut s’amuser et passer du temps avec son père, qui a tendance à le délaisser. Dan aimerait pouvoir s’isoler complètement pour enfin retrouver l’inspiration, peut-être en s’aidant de quelques verres de bourbon. Linda, elle, voudrait ressouder la famille tout en s’épanouissant à travers sa peinture. C’est là qu’intervient le joueur, puisque son rôle sera de favoriser le désir d’un des membres de la famille lors de chaque chapitre… et ce au détriment des autres (ou du moins d’un autre, puisqu’il est en réalité possible de faire un compromis sur un second vœu). Le jeu place le joueur en position de forte responsabilité, chaque choix entraînant une évolution réelle de la situation et de l’état d’esprit des protagonistes. Essaiera-t-on de protéger la famille, en sacrifiant le travail de Dan ? Préférera-t-on donner vie aux rêves de Dan en lui permettant d’écrire son livre, quitte à délaisser son fils ? Il n’est pas possible de satisfaire tout le monde, et c’est bien ce qui créé ce sentiment de responsabilité : chaque décision entraîne des conséquences, bonnes et mauvaises.
Le système permettant de satisfaire un désir tout en effectuant un compromis est d’ailleurs intéressant dans le message qu’il envoie : si l’individu seul peut accéder au bonheur en réalisant ses aspirations, la présence d’un autre (à travers le couple) est un premier obstacle, nécessitant des compromis. Que dire alors de l’arrivée d’un troisième élément (l’enfant), qui entraîne nécessairement l’impossibilité d’un bonheur plein… On ne peut pas dire que The Novelist présente l’enfant comme une chose merveilleuse.
Un gamedesign intéressant
Les chapitres du jeu sont tous construits de la même façon : le joueur incarne une entité se déplaçant librement dans la maison (et uniquement dans la maison : impossible d’en sortir), à la recherche d’indices se présentant systématiquement sous la forme de notes ou de journaux (ou, en ce qui concerne Tommy, de dessins, puisqu’il a des difficultés de lecture) et portant sur les désirs des personnages, qui vaquent chacun à leurs occupations. Il faut ensuite interagir avec ces personnages en explorant leurs souvenirs, qui donneront des indices supplémentaires. A ce moment, le joueur dispose alors de suffisamment d’informations pour identifier l’objet du désir de chacun des membres de la famille, et il n’y a plus qu’à faire son choix, à décider qui sera favorisé.
La gameplay est donc plutôt simple et répétitif. Mais c’est après tout le propos de The Novelist : cette simplicité et cette répétitivité font écho à la vie elle-même, à une vie normale faite de problèmes et de choix visant à les résoudre. Et, comme dans la vraie vie, il est impossible de satisfaire tout le monde : il faut bien que quelqu’un fasse des concessions, parfois importantes, afin d’atteindre un plus grand bien (ou du moins, un bien différent). C’est la question de la maximisation du bonheur : doit-on laisser quelqu’un sur le bord de la route afin de permettre aux autres d’accéder au vrai bonheur, ou n’abandonner personne afin d’éviter le malheur, mais accepter l’impossibilité du bonheur ? Le bonheur peut-il se concevoir comme une donnée globale ?
Le décor va également dans le sens de l’analogie de la vie, puisque le jeu est entièrement circonscrit à la maison, qui devient une sorte de prison dont on ne peut s’échapper, tout comme on ne peut échapper à la vie et aux soucis qui la parsèment. Il s’agit donc de faire face aux obstacles, d’oser prendre la responsabilité d’une action qui pourra ou non les lever, et d’assumer les conséquences. Le discours du jeu se veut à ce sujet particulièrement pessimiste, puisque pour permettre à l’un des personnages de réaliser son rêve, il faudra laisser de côté celui d’un autre membre de la famille. Autrement dit, l’autre est en quelque sorte un frein à l’épanouissement personnel. Cette position n’est pas dénuée d’intérêt et s’inscrit totalement dans l’ère du temps, mais manque toutefois, dans sa mise en scène, d’un peu de subtilité : chaque fin de chapitre égrène les conséquences du choix du joueur, et le personnage non favorisé se voit systématiquement affublé d’un malheur ou d’un état de désespoir quelque peu exagéré (cela n’empêche toutefois pas certaines scènes d’être réellement touchantes). Ceci est en partie dû à la faible durée de vie du jeu (compter 3 heures pour un premier run), qui ne laisse pas vraiment le temps pour traiter la chose de façon plus convaincante.
Conclusion
The Novelist est un jeu intéressant, qui pose la question de la responsabilité de tous les jours au sein d’une famille, de la réalisation de rêves personnels, des conséquences de ses choix. Il lui manque cependant un petit quelque chose pour en faire un véritable indispensable, peut-être dans sa mise en scène trop sommaire ou dans son manque de subtilité par rapport à la lourdeur du thème abordé. Enfin il est important de souligner que si la replay value est évidente, la durée de vie reste cependant bien faible pour un jeu vendu 18.99€.