Ray Doewood est un mec simple qui mène une vie simple et a des besoins qui le sont tout autant. Alors quand le ciel lui tombe sur la tête à cause d’un avion de papier qui se rend compte bien trop tard qu’il ne supporte pas la pluie, sa petite existence bien tranquille se verra chamboulée pour son plus grand malheur. Une bosse sur la tête, un séjour dans un asile de fous, pourchassé par les hommes en noir, non rien n’épargnera notre monsieur tout le monde dans cette comédie psychédélique sous haute influence.
L’homme qui en savait trop
Ray est un type sympa qui travaille diligemment chaque jour à tester des casques de chantier. Alors que retentit la sirène signifiant la fin d’une ingrate journée de travail, c’est d’un pas bien chaloupé qu’il se dirige vers son Home Sweet Home sans se rendre compte de l’imminente interaction à venir entre son crâne et un container venu du ciel.
Une commotion cérébrale plus tard, c’est dans un trip introspectif, qu’il prend d’abord pour un rêve, que Ray va devoir apporter quelques réparations à son cerveau beaucoup trop chargé depuis qu’un xénomorphe un poil fainéant y a élu domicile. L’alien en question ne fait pas que laisser traîner ses chaussettes entre deux neurones, il a aussi pour conséquence d’avoir fait pousser en dehors de sa tête une espèce de membrane, un »spaghetti » géant, qui lui permet de lire directement dans les pensées des gens, entre autres choses….
Stick It To The Man est ultra référencé, et multiplie les inspirations et les hommages au jeu vidéo et au cinéma. Une référence à Vol au dessus d’un nid de coucou par ci, une autre aux Beatles par là, il est un jeu qui a su mélangé avec beaucoup de talent ses influences pour mieux les digérer et nous sortir ce monument érigé au delirium tremens. Véritable comédie, chaque nouvelle rencontre est l’occasion de s’offrir un morceau de dialogue délirant, souvent drôle, ou même touchant. Les différents protagonistes qui composent ce petit univers fait de papier sont à la fois humains et complètement loufoques, en venant à nous faire douter que le plus fou d’entre tous puisse être notre héros malgré lui.
Le doublage est par ailleurs savoureux, les voix étant justes et dans le ton de cette folie ambiante. Stick It To The Man accumule les clichés habituels de ce genre d’histoire un brin parano, pour mieux les détourner avec un certain brio et nous délivrer un récit classique mais terriblement bien amené par son humour et l’excentricité qui s’en dégage.
Fait de bric et de broc
»Magnifique ! » est la première impression que j’ai eu en voyant bouger ce petit bonhomme de Ray. Le style, pour le rapprocher de quelque chose d’existant, pourra rappeler le Psychonauts d’un studio dont tout le monde connaît le nom. Ce n’est pas réaliste, mais comique, avec un trait qui tire vers le délire sous acide. Les personnages ont des yeux globuleux, énormes, et des allures de véritables malades avec leurs mimiques impayables, flirtant même par moment avec le macabre rigolo à la Burton.
Voir tout ce petit monde s’animer, tel un petit théâtre de carton, a ce quelque chose qui relève de l’émerveillement enfantin, un peu à l’image de ces dioramas qui nous faisaient rêver dans notre jeunesse. Ray est un personnage de bande dessinée, et comme tel, il est un bout de papier coloré plat qui évolue sur un plan en deux dimensions, à la façon d’un Paper Mario devenu névrotique. L’univers de Ray est fait de papier, de carton, de punaises et d’autocollants. Un peu comme si le tout avait été mis dans un cartable d’écolier et secoué très fort. La mort n’est d’ailleurs pas une possibilité envisageable. Un mauvais pas dans le vide ? Une machine à copier vous redessinera sur le champ sur une feuille vierge.
La direction artistique de Stick It To The Man a ce quelque chose d’attirant dans sa capacité à reproduire un univers plus organique que numérique, lui donnant ce je ne sais quoi d’artisanal, de fait main. Voilà un jeu qu’il est beau à regarder même s’il ne vous offrira pas les derniers shaders à la mode. Et on s’en fiche un peu à vrai dire, car sa direction artistique est fabuleuse.
Comme un livre d’autocollants Panini
Et si le paquet est très joli, son contenu n’est pas en reste. Sur le principe, SITTM reprend les bases du jeu d’aventure. Plusieurs problématiques se posent tout le long du chemin à parcourir et il faudra bien évidemment y répondre. Et quand je parle de problèmes, je parle de ceux des individus que vous croiserez dans les dix niveaux de ce jeu. Trouver des dents pour un chien en mal de vengeance par exemple, ou encore aider un fan de Silver Surfer sur NES à retrouver la piste de danse, alors qu’il est enfermé dans un coffre de voiture, sont autant de situations cocasses qu’il faudra bien résoudre, le monde de Ray ayant une fâcheuse tendance à vouloir lui mettre des bâtons dans les roues.
Pour se faire, il pourra utiliser son spaghetti (celui qui est extra-terrestre et sur sa tête ! Voyons, un peu de tenue amis lecteurs!) pour pénétrer l’esprit moribond de ces rencontres d’un soir, vivants ou morts. Leurs pensées les plus profondes seront dès lors de précieux indices sur la marche à suivre – et l’occasion de se marrer un bon coup. Parfois, ces mêmes pensées prendront une forme imagée, en tant qu’autocollant pour être exact, qu’il sera possible de récupérer dans sa collection. Il suffira alors de les coller au bon endroit, comme dans un livre d’autocollants Panini, pour finir le niveau en cours.
Sur le principe, Stick It To The Man n’est guère très difficile à terminer (quatre à cinq heures), mais sa qualité ludique est bien présente. Les énigmes sont logiques et plaisantes, sans doute à cause du côté régressif qui s’impose malgré lui. Trouver la solution ne posera donc pas de problèmes, mais ce n’est pas bien grave, car on s’amuse. Et histoire d’offrir un zeste d’action, certains passages vous demanderont de fuir les sbires à vos trousses, en usant soit vos jambes, soit la ruse, grâce aux fameux autocollants. Un »Zzzz » posé sur le visage de l’ennemi le fera dormir quelques instants, tandis que celui de votre visage attirera ses potes vers lui. Ce ne sont que de simplissimes stratagèmes, mais qui apporte un petit plus dynamique en plus de l’aspect plate-forme. Et côté jouabilité, si l’on sent le passif mobile du développeur, ce jeu se manie très aisément à la manette, même si viser avec le joystick demande parfois la précision d’un Guillaume Tell.
Stick It To The Man est une bouffée d’air frais, un jeu très bien fini et agréable à jouer plein d’humour et de charme. Son esthétique accroche l’œil, le reste retient le cœur, le coup de cœur même. C’est beau, c’est bon, c’est un délire de tous les instants. Seul ombre au tableau, et pas des moindre, il est un peu court. Mais c’est vraiment histoire de dire quelque chose. Et encore, plus long, il aurait pris le risque de tomber dans la rallonge inutile et lourde. Dans son état actuel, il est parfait et pousse vers l’excellence. Bien évidemment, il ne faudra pas en attendre plus que ce qu’il cherche à offrir. Il n’en a pas forcément la prétention. Et pourtant, une suite possible – la fin est ouverte – serait la bienvenue. Recommandé.