Tout le monde le sait, il ne faut jamais suivre le lapin blanc sous peine de finir par prendre le thé avec une bande de hippies dégénérés, ou pire, se faire couper la tête. Mais quand on est jeune et rebelle et que vos parents ne cessent de se bagarrer sans raison, on s’en fiche un peu de tout ça, et on le suit ce lapin blanc, car après tout, il est peut-être la promesse d’un monde meilleur. Mais on ne le répétera jamais assez, il faut toujours réfléchir à tête reposée avant d’agir, car sinon, gare aux ennuis !
Violett au Pays des Merveilles
L’histoire de Violett est celle d’une jeune fille comme les autres qui aimerait bien s’échapper de son morne quotidien, de ses parents qui se chamaillent sans cesse et de cette nouvelle maison décrépie perdue au fin fond de la campagne. Son vœux sera exaucé par la découverte d’un étrange bijou oublié dans un trou de souris. Bien mal lui a pris de le toucher, car la voilà aussitôt transportée dans un monde en forme de miroir déformé de son nouveau foyer et où les occupants sont des insectes et des mammifères aux habitudes bien étranges.
C’est en tant que prisonnière que ses premiers pas en ces lieux remplis de mystères se feront. Enfermée dans une cage suspendue, son salut viendra d’une fée insectoïde qui lui transmettra le pouvoir de télékinésie, ce qui lui sera bien utile pour s’échapper. Ainsi son périple peut démarrer, celui d’une jeune demoiselle en détresse mais qui devra se débrouiller seule, sans l’aide d’un plombier quelconque. Chacune des pièces qu’elle explorera est comme une vision déformée de sa propre maison, de la salle de bain jusqu’au jardin. A la fin l’attendent une araignée-sorcière et son ticket pour la liberté en cas de victoire.
Dans Violett, les artistes s’en sont donnés à cœur joie. Chaque nouveau décor traversé est un véritable tableau aux couleurs chatoyantes, magnifiquement soigné dans les moindres détails. L’esthétique très particulière rappelle Dali ou plus simplement le surréalisme polonais et sa tendance à l’onirisme. Cet univers alternatif ressemble par endroit à un assemblage de bric et de broc pas déplaisant pour un sou. Rien que pour eux, Violett est un voyage qui vaut le coup.
Et pour sa musique aussi, offrant parfois des moments légers, mais finissant souvent sur des touches plus inquiétantes, avec le retour fréquent du thème principal. Que cela soit sur l’audio ou le visuel, Violett offre une partition sur tableau de maître sans avoir à rougir pour un titre sorti également sur iOS. J’émettrai tout de même un bémol envers les personnages qui eux sont en 3D et ne sont pas toujours très réussis et accompagnés d’une animation parfois trop limitée.
Difficile et obscure dans sa logique
Si vous cherchiez un peu de challenge, vous êtes donc fait pour vous entendre avec Violett. Les puzzles à résoudre sont dans leur ensemble assez, voire très difficiles à résoudre. Se creuser les méninges ne sera pas toujours suffisant et il faudra parfois y aller carrément avec une pelle. Mais le souci qui m’interpelle dans son cas n’est pas tellement qu’il faille s’appeler Einstein pour en découdre avec, mais plutôt le cheminement logique tortueux qu’ils impliquent. Par moment, ces derniers sont même complètement tirés par les cheveux !
Rien que le second tableau m’a tenu en échec durant une très (trop) longue période de temps. Il fallait deviner que pour arriver à passer une théière cyclope (!), il m’était nécessaire d’attirer son attention dans une direction contraire. Or, pour se faire, je devais arriver à enfermer une mouche dans une espèce de fiole avec l’aide de ce qui semblait être du miel ce qui a fini par fasciner la maléfique vaisselle. Sans la présence du système d’indice intégré au jeu, je me serai vu tourner en rond une heure de plus. Malheureusement, des énigmes tordues de ce genre, il y en a quasiment à tous les niveaux. Si par moment, il est possible de simplement avoir recours à la raison, pour d’autres, il faut composer avec la nature onirique de ce jeu. Pourriez-vous imaginer un seul instant à créer un arc-en ciel pour vous en servir comme d’un pont ? Pas forcément dans un premier temps.
Faire dans l’onirique et le surréalisme, ça a un prix, et celui-ci est qu’il faut au moins donner quelques explications au joueur, lui apprendre ce nouveau langage ou au moins éviter de le mettre en face de problématiques impossibles à résoudre s’il n’en comprend pas la dialectique, car beaucoup trop éloigné de ce qu’il connaît. Violett invente ses propres règles, et les connections cohérentes entre chaque objet ou élément ne sont pas toujours évidentes. Heureusement, quelques puzzles plus classiques viennent alléger l’ensemble, mais cela reste des exceptions.
Je poursuis avec les trois pouvoirs que l’on alimente à l’aide d’orbes de couleurs cachées et que l’on récolte un peu partout dans le paysage. Ces pouvoirs, que l’on découvre pour la plupart vers la fin, ont un intérêt plus que limité quant à leur utilisation réelle, et ne semblent finalement être que des accessoires lambda à la réussite des énigmes plutôt que des possibilités supplémentaires d’aborder un obstacle.
Mon autre doléance porte sur une jouabilité qui a été de toute évidence bien plus pensée pour le tactile, et donc les supports mobiles, que pour la souris d’un pc des familles. Maintenir le clic gauche et pousser la souris dans une direction pour mimer une action par télékinésie en est la preuve la plus frappante. Toute cette lourdeur est accentuée par le design des niveaux, qui certes, contribue à ce côté de grand bazar fantastique mais d’un autre côté empêche une bonne lecture des chemins qu’il est possible d’emprunter.
A tout ce déballage s’ajoute d’incessants aller-retours, même quand on a la chance de savoir où l’on doit se rendre. Si ce n’est pas le cas, attendez vous à de nombreux passages en mode randonnée. Et histoire de complexifier plus que de raison, les développeurs ont cru bon de lier certaines pièces entre elles par le biais d’un hub, qui reprend le principe des escaliers sans fin de M. C. Escher, ce qui à première vue est cool, mais devient très vite lassant quand on doit se retaper ce labyrinthe de marches et de portes pour la énième fois alors que l’on veut juste se rendre de la salle de bain à la salle des jouets. Cela devient énervant à la longue et ne contribue pas à rendre ce jeu très sexy.
»Ce n’est pas toi, c’est moi »
Violett avait le potentiel d’offrir au joueur un voyage inattendu dans un monde surréaliste et de mettre en exergue les souffrances d’une petite fille qui aurait pu être appelé à mûrir par ce biais, comme la jeune Chihiro du film homonyme de Miyazaki Hayao. Mais que nenni, tout au long, la construction narrative ressemble plus à une accumulation de scénettes qui n’assemblent au final pas grand chose pour n’offrir qu’une fin prévisible, après une séquence de combat inattendue et pas à sa place, nous laissant sans aucun attachement émotionnel à l’héroïne, ou encore la moindre sensation d’accomplissement.
Violett ne parle pas autre chose qu’un charabia de fée incompréhensible pour le commun des mortels, c’est à dire qu’il n’y a pas de dialogues à proprement parler, mais quelques phylactères très picturaux pour transmettre non pas un réçit, un dialogue ou un échange entre la gamine et ses rencontres, mais de simples indices sur la marche à suivre. Jamais le jeu ne communique réellement avec le joueur. Seules quelques pages d’un journal donnent des informations pourtant très intéressantes sur la personnalité du bestiaire de cet autre monde. Mais ce n’est pas suffisant, et le tout est beaucoup trop distancié avec nous pour vraiment arriver à créer une quelconque connexion, excepté quelques expériences sensorielles.
De ce fait, il devient difficile pour le joueur de vouloir s’investir à mesure que l’on se rapproche de la fin. Les puzzles par leur obscurantisme ne parviennent pas toujours à motiver si la lourdeur de la jouabilité n’a pas fini de nous achever avant. Il en résulte un jeu qui se joue parfois sans plaisir car il est un peu trop fastidieux et incapable de nous offrir la carotte d’une histoire galvanisante et enrichissante. Violett est un jeu assez froid qui n’arrive pas à créer ce lien invisible qui peut parfois exister entre un spectateur et l’œuvre. Certes, sa plastique originale interpelle l’œil, mais l’âme n’y trouve pas vraiment matière à se nourrir. L’originalité était là, il suffisait d’aller un peu plus loin dans le concept !