Loren – the Amazon Princess est un visual novel développé par Winter Wolves prenant place dans un univers typé fantasy et saupoudré de RPG au tour par tour. Voilà de quoi piquer notre curiosité, alors que le jeu est disponible sur Steam depuis peu.
L’ascenseur social
Comme l’indique le titre du jeu, Loren est la princesse des Amazones. Mais ce n’est pas elle que le joueur est amené à incarner. Non, le joueur incarne en réalité un ou une esclave de Loren, un serviteur, pas même amazone. A travers une grande aventure épique, qui verra la reine des amazones menacée, une guerre éclater entre les humains et les elfes, de sombres machinations émanant des démons et bien d’autres péripéties, ce personnage évoluera aux côtés de la princesse, jusqu’à devenir son commandant en second dans la bataille finale. Du statut de presque rien à celui permettant de donner des ordres et de parler d’égal à égal avec celle qui fut notre maîtresse, l’épopée sociale se révèlera aussi importante que celle visant à sauver le monde.
Le monde, justement, réemploi les canons de la fantasy. On y trouve des elfes, des humains, des nains, des orcs, chacun à sa place. De la magie noire, de la magie élémentale, des prophéties, une menace qui plane sur le monde, le besoin d’unifier les peuples contre une incarnation du mal, le jeu fait dans le classique maintes et maintes fois vu, lu, joué. Après tout pourquoi pas, le visual novel a en principe les moyens de sublimer un pitch rasoir par une écriture soignée, et l’aspect RPG possède a priori les arguments pour dynamiser la partie gameplay.
Des combats au tour par tour
Commençons par cet aspect RPG, qui d’une certaine façon fait la spécificité du jeu. De prime abord, c’est plutôt alléchant : des combats au tour par tour opposant jusqu’à douze personnages (six contre six) répartis sur plusieurs lignes d’attaque, une grosse quinzaine d’arbres de compétences, un système d’équipement complet… tout semble réuni pour des affrontements tactiques intéressants. Malheureusement, c’est en fait loin d’être le cas : le jeu est plutôt facile, et les possibilités sont en fait très limitées, rendant les combats simplement répétitifs et monotones. Les changements d’équipement n’ont pas d’effets véritablement flagrant, ni les montées de niveaux, si bien que l’on ressent assez peu la montée en puissance du groupe, quand bien même elle existe. Le jeu propose d’ailleurs d’éviter la plupart des combats qui ne sont pas directement liés à l’histoire : bonne idée, ces derniers n’étant rapidement même plus un moyen efficace de gagner de l’expérience pour leveler. Une bonne idée tout de même en forme d’aveu d’échec, le jeu proposant de lui-même de zapper la partie gameplay censée le démarquer de la concurrence…
Des thèmes matures
Si la partie RPG déçoit par sa sommaire simplicité, la profondeur de l’histoire et les thèmes abordés s’en sortent mieux, mais peinent malgré tout également à convaincre. Pourtant, on trouve dans Loren des sujets fort intéressants. Les disparités sociales, à travers les relations entre esclave et princesse, la xénophobie à travers l’opposition entre humains et elfes (et même une certaine forme de xénophobie intestine, les elfes étant scindés entre Elfes de la forêt et Dark Elfes, ces derniers ayant été chassés depuis des générations et toujours maintenus à l’écart malgré le passage du temps), les absurdes problèmes de genre, à travers la nature même des amazones et les nombreuses romances possibles, homosexuelles comme hétérosexuelles (et inter-espèce – néanmoins toutes les espèces en présence étant fortement humanoïdes, on n’en déduira pas de message particulier). A priori donc, il y a de quoi faire, de quoi réfléchir, de quoi penser. Mais tout est trop classique, trop basique, quand bien même le jeu prend son temps pour tout aborder. Et puis, il faut reconnaître que ce sont précisément des thèmes habituels de la fantasy, repris pratiquement tels quels. On navigue donc en terrain connu, rebattu, et ce ne sont malheureusement pas les personnages qui viendront tromper notre ennui, ces derniers étant… et bien oui, tout à fait classiques. Personne ne se démarque vraiment, ni dans son comportement ni à travers son background. Chacun a des choses à dire et un vécu à partager, mais tout a déjà été vu ailleurs. Finalement, le format visual novel dessert même parfois le jeu, en en faisant des tartines là où l’on a déjà tout saisi dès les premiers instants.
Choix multiples
Il y a tout de même un point plutôt bien réussi dans le jeu : l’écriture de la romance. En dépit du clacissisme ambiant, la condition des personnages, et en particulier l’évolution sociale du personnage incarné par le joueur, la lenteur des différents jeux de séduction ainsi que leur aspect culturel (les elfes, les amazones ou les nomades ne réagissent pas du tout de la même façon au sentiment amoureux) rendent cet aspect du jeu très agréable, et on finit par s’attacher à la relation qui naît entre son personnage et… et bien, celui ou celle que l’on a choisi. De nombreuses romances sont possibles, et chaque personnage, même s’il peut paraître insupportable, possède ses forces mais aussi ses faiblesses, sa vulnérabilité, favorisant une certaine empathie.
Plusieurs fins sont également disponibles, en fonction de quelques décisions qu’il faudra prendre, en particulier dans le quatrième chapitre, augmentant théoriquement la replay value du jeu. Il n’est en effet pas possible d’explorer tous les possibles du titre en un seul run. Néanmoins, vu la longueur du jeu (compter autour d’une vingtaine d’heures) et son aspect générique, pas sûr qu’on se lancera vraiment dans une nouvelle partie.
Loren – the Amazon Princess peine à convaincre. Sans être mauvais, le jeu ne parvient pas à se démarquer, présentant un monde classique de façon classique, sans folie dans l’écriture, introduisant des mécaniques RPG classiques et peu intéressantes, abordant des thèmes matures mais sans la profondeur qui leur aurait fait honneur. Dommage, le principe était séduisant sur le papier.