Développé par un seul homme, Anthony Case, Ilamentia est un puzzle game en vue subjective à l’esthétique marquée, dont les énigmes se veulent variées. Le jeu se révèle-t-il à la hauteur de l’étrangeté qu’il dégage ?
L’étrangeté comme crédo
Ilamentia est un jeu qui intrigue. C’est d’ailleurs sa plus grande force, et c’est en grande partie sur ce principe qu’il se construit. Le premier point intrigant est sans conteste son aspect graphique. Ses grandes structures éthérées et effilées, plongeant dans un abysse sans fin, s’élevant parfois à perte de vue, ses plateformes flottant dans les airs, ses étranges sphères en forme de crânes… Indéniablement, Ilamentia nous offre une architecture atypique, qui impose d’elle-même une ambiance mystérieuse.
Le jeu ne propose pas de tutorial, ni ne s’enrobe d’une quelconque narration. Seul un vague indice s’affiche au début d’un niveau, clignotant quelques instants avant de disparaître. C’est au joueur de découvrir ce qu’il faut faire, de trouver la sortie de chacun des 72 niveaux proposés et le moyen d’y parvenir. A priori rien d’évident : si Ilamentia se présente comme un puzzle game à la première personne, où l’on peut se déplacer et sauter, ainsi que lancer d’étranges petites sphères, l’issue des différentes salles est rarement visible et semble souvent inatteignable. Il faut trouver le moyen d’activer des « âmes », en effectuant des actions généralement différentes d’un tableau à l’autre.
La réussite d’Ilamentia se situe dans sa diversité : chaque tableau nécessite l’utilisation d’une mécanique différente, nouvelle, que le joueur doit lui-même dévoiler. Bien sûr, on retrouve par moments des noyaux de gameplay connus et réutilisés de façon à peine différente, mais l’effet est bien là : chaque nouvelle salle est un nouveau mystère qu’il faut percer du début à la fin. Il y a dans ces sensations quelque chose qui rappelle Myst et ses énigmes qui laissent le joueur expérimenter, se tromper, mettre à jour finalement des indices menant à la résolution du problème posé. Chaque obstacle surmonté arrache alors un petit sentiment de fierté, la satisfaction d’avoir compris le fonctionnement du puzzle.
Atmosphère anxiogène
Si le jeu se construit selon des principes accrocheurs, prenant soin de renouveler ses énigmes pour éviter de lasser le joueur, il ne parvient pas cependant à gommer certains aspects repoussants. En premier lieu cette direction artistique qui, si elle étonne et séduit dans un premier temps, se met rapidement à piquer l’œil. Ces nuances de rose, cette pâleur constante, ces incessants clignotements, cette résolution qui au mieux donne l’impression d’un aliasing permanent… Passé l’étape de l’étrangeté, Ilamentia n’est plus que laid.
Et puis il y a les phasms. Il s’agit d’ennemis que l’on trouve dans certains niveaux, que l’on ne peut généralement pas détruire et qu’il faut donc fuir autant qu’on le peut. Lorsque par malheur l’un d’eux nous atteint, le personnage ne meurt pas : au lieu de cela, le phasm aux contours flous se colle à l’écran et clignote, forçant le joueur à contempler son horrible visage violet qui barre sa vision, en clignotant, clignotant, clignotant. Certaines salles sont conçues pour que le phénomène se produise et se reproduise, en attendant que le joueur comprenne ce qu’il faut faire pour terminer le tableau. Rarement on a connu atmosphère aussi anxiogène et désagréable.
Le gameplay à la première personne accentue encore cet aspect anxiogène : on ne voit pas ce qu’il y a derrière nous, et il arrive de se retourner pour se trouver nez à nez avec un phasm. Pire, le côté plateforme introduit une certaine notion de skill dans le jeu. Pas extraordinaire, certes, mais il est fréquent d’avoir compris ce qu’il faut faire et d’échouer pourtant à cause d’un saut mal engagé. S’il n’est que rarement très intéressant de recommencer un puzzle pour des raisons physiques, la chose devient carrément angoissante lorsqu’on songe à tous ces clignotements roses qu’il va falloir supporter à nouveau, et même complètement insoutenable si dans les niveaux en cours trainent quelques phasms…
Ilamentia n’est pas dépourvu de qualités. Le jeu parvient à développer un sentiment de recherche/découverte permanent, rendant ses énigmes gratifiantes à surmonter. Malheureusement, il est plombé par un habillage disgracieux qui se révèle rapidement insupportable, et même carrément repoussant. Les clignotements roses me hantent encore.