Voilà encore un petit ovni vidéoludique focalisé sur l’aspect narratif. Développé par Will O’Neill, Actual Sunlight est une expérience à part, profondément mature, sorte de visual novel dont on ne ressort pas indemne. Il y est sujet de dépression.
A quoi bon vivre
Le jeu annonce la couleur avant même de débuter : « Attention, Actual Sunlight traite de sujets extrêmement matures, notamment la dépression et les pensées suicidaires ». Un avertissement direct et franc, qui promet une plongée dans un thème rarement exploité dans le jeu vidéo. Un avertissement nécessaire.
Pourquoi se lève-t-on chaque matin ? Que fait-on de notre vie, et comment celle-ci se fait-elle désirer, si jamais elle y parvient ? Dormir, travailler, seulement rêver d’être augmenté, reconnu, ne rien avoir à espérer pour se construire un avenir, un futur en forme de doux objectif, une motivation… Et l’amour ? Mais quel amour ? Lorsque le réveil sonne, autant l’éteindre et s’éteindre à nouveau soi-même. Evan Winter est finalement un type ordinaire, un salaryman, l’avatar de l’employé occidental moyen. Une vie tournée vers le travail, une vie qui ne fait pas sens, dont il cherche à s’évader. Les jeux vidéo, les histoires qu’on se raconte à soi-même, toute illusion est bonne à prendre pourvue qu’elle se substitue à la réalité. Mais que valent les illusions ? Irréelles, mensongères, ne sont-elles pas tout simplement pathétiques ?
Bien sûr on trouve toujours pire que soi, et après tout l’on dispose du minimum vital. Mieux, on dispose d’un certain confort : son propre toit, un ordinateur, une connexion internet, et mille raisons de s’adonner à l’onanisme. Où se trouve la différence entre vivre et survivre ? Il ne suffit pas d’être à même de subsister pour le souhaiter. La vie est une aspiration en soi, une aspiration qui réclame, presque malgré nous, un sens, une raison d’être, une raison d’être désirée. Actual Sunlight dépeint avec force le sentiment de vacuité qui s’empare d’Evan, à travers une écriture de grande qualité qui adopte successivement différents angles d’approche, différents thèmes, qui trouvent nécessairement leur résonance dans l’esprit du joueur. Et, pour la première fois peut-être, on ne peut que tomber d’accord avec l’avertissement initial : oui, ce jeu est à déconseiller aux moins de 18 ans et aux personnes dépressives. Fortement.
Seul au milieu des masses, seul face à soi-même
La solitude est la grande compagne du monde contemporain : seul chez soi, seul dans les transports, seul dans la rue, seul au travail. Elle est très certainement l’une des causes de la dépression, symbolisant l’incapacité à s’intégrer dans un groupe, dans la vie… et pourtant, on la recherche par la force des choses : dans les transports, on n’ose pas s’installer près de cette jeune femme, par peur de passer pour un pervers potentiel. Ni à côté de ce beau garçon, par peur d’une méprise idiote. Ni à côté de ce type un peu louche, par pure paranoïa sécuritaire. Il s’agit peut-être de la seule phase de « jeu » dans Actual Sunlight : ce moment où il faut choisir sa place dans le bus. Pour, évidemment, finir par choisir celle qui nous isole le plus.
Si la morosité et l’atmosphère dépressive du jeu est communicative et envahit facilement le joueur, c’est qu’on ne peut s’empêcher de tomber d’accord sur certaines remarques, certains points de vue. Le format « jeu vidéo », même si présenté sous la forme d’un visual novel et présentant donc un gameplay limité, facilite l’implication du joueur, voir son identification, ce qui a pour résultat de mettre en valeur l’expérience globale. Une expérience qui amène nécessairement à se poser des questions, à se remettre en perspective par rapport à Evan, à le comprendre, l’approuver peut-être, parfois… mais aussi, c’est à souhaiter, à le désapprouver, à trouver ces fameuses raisons qui donnent un sens à la vie, ou du moins la rendent aimable.
La dépression est l’un des grands maux actuels. Actual Sunlight illustre ce sujet sérieux et sensible avec beaucoup de talent dans l’écriture et la mise en scène, pour finalement aboutir à une expérience profonde et utile. Bien sûr, on est à mille lieues du fun, et encore une fois le jeu est à déconseiller aux plus jeunes et aux plus sensibles. Mais il reste néanmoins une œuvre forte et importante.
Bonjour, ici Alexandre Louat alias Crimmsy, le traducteur français du jeu.
Je voulais juste informer les lecteurs que ce test a été réalisé sur une version du jeu à présent obsolète, qui a été patchée il y a quelques jours pour corriger les quelques fautes très justement pointées du doigt par Mwarf.
Je tiens à préciser que ce n’est nullement la faute du testeur : parce que le jeu n’est pas encore sur Steam, il est impossible de recevoir les mises à jour du jeu automatiquement, ou même de savoir que le jeu a été mis à jour. Sans compter la possibilité que le test ait été réalisé avant la sortie de ce patch. 🙂
Tout ça pour dire que les quelques fautes qu’il restait ont été corrigées, donc si le jeu vous tente, n’hésitez pas !
Merci beaucoup à Gamesidestory pour ce test autrement très positif, ça fait très plaisir de voir notre travail récompensé.
Crimmsy
Je vois que je n’ai pas été le seul a avoir été marqué par les scènes de l’attente du bus/métro. En dehors des quelques fautes, la traduction est vraiment très bonne.
Bonjour,
J’ai ajouté dans le bandeau le fait que la trad a été patchée (effectivement, mon test date du 6 mars).
On ne peut pas dire qu’il reste de vrais défauts à cette petite perle 😉
Merci Mwarf, c’est cool de ta part 🙂