Après le test, voilà l’interview. Joshua de Deadly Red Cube, concepteur de Procyon, se livre à nous en une dizaine de questions. Il y répond longuement, avec intérêt et du coup, forcément, c’est passionnant. Créer un shoot’em up qui sort du lot n’est pas facile et voici quelques éléments de réponse permettant d’en comprendre le cheminement !
Bonjour Joshua, pouvez-vous vous présenter ainsi que votre studio Deadly Red Cube à nos lecteurs ?
Bonjour, je m’appelle Josh Jersild et je suis le développeur principal de Procyon. Ca fait environ 10 ans que je crée des logiciels et j’ai à peu près toujours eu des projets en parallèle sur mon temps libre. Même si j’ai recruté quelques personnes pour terminer Procyon, je suis la seule personne faisant réellement partie du studio Deadly Red Cube. Le nom provient d’une blague avec un ami au lycée et j’avais enregistré ce domaine au cas où, juste pour le fun. Lorsque j’ai commencé à développer des jeux vidéo, j’ai décidé de garder ce nom puisqu’il était déjà réservé et je trouve que le logo d’un cube avec une bouche est plutôt amusant.
Vous avez été tout seul un très long moment sur le projet, ce n’était pas trop fatigant de développer sur votre temps libre après une journée de travail ?
Oui, ça a été difficile de travailler sur ce projet après le travail, particulièrement parce que je souhaitais conserver un peu de temps pour les personnes proches de moi. En fait, la raison pour laquelle le jeu a pris autant de temps (j’ai commencé à travailler sur Procyon en 2008) est justement parce qu’il a été très difficile de consacrer beaucoup de temps à un projet alors que je me donnais déjà à fond au travail. Il y a eu de multiples pauses de plusieurs mois durant le développement où je n’ai rien fait (ou presque rien) parce que j’étais trop occupé ailleurs ou que je devais choisir entre Proycon, ma famille, mes amis et dans ce cas là, je mettais généralement Procyon de côté.
Comment s’est passée la rencontre avec les autres membres de l’équipe ?
L’équipe s’est constituée suite à une série de décisions car je préférais ne plus travailler sur certaines parties graphiques du jeu. Le rendu n’était pas très bon, j’avais trop de choses à faire simultanément. David a été la première personne avec qui j’ai travaillé. A l’origine, je l’ai embauché pour travailler sur l’illustration de couverture / poster du jeu car je n’avais absolument pas les talents artistiques pour m’en occuper. David a fait un super travail, je pense sincèrement que ce dessin est fantastique. Il a ensuite dessiné une version plus jolie du vaisseau du joueur qui existait en jeu, que j’ai ensuite modélisé pour m’en approcher. Après ça, les ennemis paraissaient affreux en comparaison, je lui ai donc demandé s’il pouvait en imaginer de nouveaux. Quand j’en ai eu marre d’essayer de modéliser en 3D les esquisses qu’il m’envoyait, il m’a recommandé Sean qui a alors réalisé un travail phénoménal en terminant tous les vaisseaux qu’il me restait à faire (et en retouchant certains que j’avais faits). Tous les jolis vaisseaux en jeu sont probablement ceux qu’il a réalisés entièrement !
Enfin, je n’arrivais pas à rendre joli le stage du canyon, celui du premier niveau. Un de mes amis, Jason, m’a proposé son aide pour l’améliorer et en a profité pour me présenter une de ses relations, Guy, qui s’est occupé de tous les effets sonores car il s’est avéré que j’étais très mauvais dans ce domaine également. Quand est venu le moment de sortir le jeu sur Steam, j’ai eu besoin d’illustration pour les succès et, puisque David était très occupé par son nouveau poste de Directeur Artistique à Gaslamp Games, j’ai rencontré Stephanie via un ami développeur. Elle a créé de fantastiques icônes pour illustrer les succès amusants du jeu. Vous avez maintenant l’histoire complète !
Si vous deviez créer à nouveau Procyon aujourd’hui, que changeriez-vous pour fluidifier son développement ?
Quand j’ai commencé à travailler sur Procyon, je voulais montrer qu’une personne seule pouvait tout de même créer un jeu de qualité, même si je pense que ça a déjà été prouvé de nombreuses fois (avec par exemple The Dishwasher ou Dust : An Elysian Tail qui se sont des jeux fantastiques créés par un seul développeur). A la place, ça m’a montré à quel point il est plus simple de créer des jeux lorsque vous avez de l’aide. C’est donc la principale chose que je changerais : je demanderais de l’aide au niveau graphique beaucoup plus tôt dans le processus de création. J’ai fait certains choix durant le développement parce que je comptais m’occuper de tout qui ont paralysé Sean et Jason quand ils ont du apporter leur contribution graphique au jeu. Travailler avec un graphiste dès le départ m’aurait laissé le temps de corriger certaines erreurs avant qu’elles ne deviennent quasi irréparables.
En plus j’aurais évité de perdre du temps à faire des choses moches pour obtenir directement de jolis graphismes.
Parlons un peu de Procyon, quelles ont été vos principales influences et quels sont vos shoot’em up préférés ?
Pour être honnête, je n’ai pas joué à beaucoup de shoot’em up. Gradius III est probablement l’influence principale de Procyon puisque c’est celui auquel j’ai le plus joué quand j’étais jeune. Le gros laser rouge qui se verrouille sur les ennemis est né du souvenir d’une arme de la série de jeux Raiden et même s’il s’avère (depuis que j’y ai rejoué récemment après avoir fini Procyon) que les deux ne fonctionnent pas du tout de la même manière, c’était vraiment une influence.
Je m’en voudrais si je disais qu’Ikagura n’a pas été également une inspiration, même si ça ne se ressent pas directement en jeu.
Le fonctionnement du bouclier tel qu’il est actuellement est excellent (utilisable de façon défensive ou offensive), était-il comme ça dès le départ ou a-t-il évolué au fil du temps ?
A l’origine le bouclier était la troisième arme, vous gardiez appuyé le bouton pour générer une bulle qui vous mettait en sécurité et quand vous relâchiez elle partait vers l’avant endommageant tout sur son passage. Malheureusement ça n’a jamais procuré les sensations escomptées. Ne plus pouvoir la tirer a été la première étape vers ce qu’est le bouclier aujourd’hui, puisqu’il n’y avait alors plus que l’aspect bulle. L’étape suivante a été de transformer les tirs ennemis en attaques énergétiques pour que l’on comprenne rapidement ce que l’on peut ou non absorber avec le bouclier (attaques énergétiques oui, objets solides non). La dernière étape, et je pense la plus importante, a été de combiner les armes et la jauge de bouclier sur la même ressource (puis de combiner ces boutons sur un seul) pour aboutir à ce que j’ai toujours voulu. Si vous utilisez vos armes à pleine puissance vous aurez moins d’énergie pour votre bouclier dans les moments difficiles, vous devrez donc en permanence jongler entre « à quel point point j’ai envie de détruire rapidement cet ennemi » et « à quel point j’ai envie de rester en vie ».
J’ai bien aimé les musiques du jeu et je me suis aperçu que vous vous en étiez également occupé, vous êtes décidément l’homme à tout faire, d’où viennent toutes ces connaissances ?
Merci ! Je suis assez content de la bande-son également. Je fais de la musique depuis longtemps, certaines pistes datent de 1994 ou quelque chose comme ça. En fait, quand est venu le temps de choisir mon université, j’ai du décider entre aller dans une enseignant la programmation informatique et une autre pour se consacrant à la musique. J’ai finalement choisi la première tout en n’arrêtant jamais de faire de la musique. Je suis autodidacte, même si j’ai suivi l’excellent Pacific Northwest Film Scoring Program il y a quelques années, où j’ai appris (entre autres) comment écrire pour un orchestre, comme faire de la musique rythmée pour les vidéos (ce que j’ai appliqué pour les thèmes d’introduction et de fin de Procyon) ou encore comme écrire des mélodies simples, malléables, que vous pouvez utiliser et réutiliser de nombreuses façons différentes.
Honnêtement, pour décrire comment j’ai commencé la programmation et la musique, on peut résumer à « je veux savoir comment faire ça ». J’ai été assez chanceux pour avoir l’opportunité d’obtenir des livres de programmation, d’acheter un vieux compilateur C++, de trouver des logiciels gratuits de création de musique et d’avoir du temps pour apprendre les choses qui m’intéressaient.
Une option est présente dans le jeu pour le pivoter et jouer en vertical. J’ai même l’impression que les graphismes collent mieux dans ce sens, le jeu a-t-il été programmé ainsi puis tourné pour mieux correspondre aux écrans de PC ?
C’est vrai qu’on a la sensation que le jeu a été créé pour être joué verticalement, pourtant ça a été un ajout vraiment tardif. Je pense que la raison principale est que quand vous jouez à la verticale on a une vue de dessus classique et que tous les jeux qui ont ce point de vue là se jouent ainsi (contrairement aux jeux comme Gradius où le jeu est vu de côté). J’ai uniquement ajouté cette option car j’ai trouvé que c’était amusant suite à l’achat d’un écran d’ordinateur qui pouvait pivoter, je me suis alors dit « à quel point est-ce que ce serait amusant de jouer à Procyon de cette manière ? ». Mais sinon le jeu a toujours été créé d’un point de vue horizontal, même si après tests je pense que c’est beaucoup plus agréable à la verticale, si évidemment vous avez l’écran pour.
Procyon est disponible depuis fin août 2013 sur Desura mais vient de sortir sur Steam, le « rêve » de tout studio indépendant, si ce n’est pas trop indiscret les ventes ont-elles explosé grâce à ça ?
Avoir le jeu disponible sur Desura était très important pour moi, c’est réellement à ce moment là que j’ai pu me dire que le jeu était fini et qu’il était disponible à la vente. Cela dit, arriver sur Steam était, évidemment, ce que j’ai toujours voulu et je suis vraiment heureux d’avoir réussi à passer à travers le goulet d’étranglement qu’est Steam Greenlight pour y arriver. Steam a vraiment donné un très gros coup de fouet aux ventes, je n’ai pas le droit d’en parler mais en tout cas ça s’est très bien passé, je n’ai aucune plainte à ce niveau là !
Avez-vous d’autres projets personnels en cours ou allez-vous prendre un peu de repos ?
J’ai une idée sur ce sur quoi je vais travailler (et non je ne vous dirai rien pour le moment) mais je n’ai encore rien commencé. Je vais prendre un peu de repos avant de commencer, mais me connaissant, ça ne sera pas très long !
propre !!
Très sympa l’interview. Son histoire sur les graphismes m’a bien fait marrer, c’était clairement un élément étonnant du jeu 🙂