C’est avec beaucoup d’attentes pour la dernière production de Jane Jensen que je mourrais d’impatience à l’idée de plonger dans ce qui ne pouvait être que du plaisir en terme de point and click. Après tout, Jane Jensen était l’auteur acclamé des Gabriel Knight, une des séries les plus appréciées du genre. Et c’est alors qu’est venu le temps d’y jouer, et parmi de nombreuses avaries techniques, le constat fut celui d’un bordel au milieu d’un jeu d’aventure décent mais sans plus. Autopsie d’une œuvre mal digérée.
C’est l’histoire d’un mec…
Malachi Rector est un homme très occupé. Un QI élevé et une mémoire photographique sans limites font de lui un des antiquaires les plus en vue dans le business de la vieillerie poussiéreuse à haute valeur ajoutée. Il est l’homme qu’il vous faut quand il s’agit de certifier que votre prochaine acquisition n’est pas un faux mais de l’authentique de chez authentique. Immédiatement, on peut sentir l’intelligence du mec qui nous fait comprendre qu’on est peut-être plus en pleine visite d’un musée que dans une aventure avec un grand A. Pourtant, le héros principal est un sacré enfoiré asocial quand il s’agit de se produire en soirée, donc tout ne sera pas que miel avec lui. Attendez vous à un homme froid et refusant de faire confiance à qui que ce soit, qui se croit supérieur, et, le voilà habillé pour la soirée.
N’ayez pourtant pas peur, mes chers lecteurs, parce-que quand une agence gouvernementale prétendument secrète s’intéresse à vous, vous pouvez être sûr que les problèmes ne sont jamais loin. Malachi va devoir se plier en quatre pour essayer de sauver le monde, ou quelque chose dans le style, et pour cela il est envoyé par la fameuse agence pour enquêter sur une beauté italienne du nom de Bianca Cardolo, récemment assassinée, non pas pour en trouver le meurtrier, mais pour en élaborer le profil et recueillir de précieuses informations personnelles qui lui permettront de la rapprocher de son double dans l’Histoire.
Moebius apparaît très clairement comme une invitation dans un monde fait de mystères de haut niveau avec son lot de conspirations avec des morceaux de fantastique au dedans, le tout sous la forme d’un thriller des familles. Tout tourne ici autour d’une théorie, la théorie de Moebius reposant sur l’idée de patterns se répétant régulièrement dans la ligne du temps, laissant planer l’idée que tout est déjà décidé par avance, faisant passer le libre arbitre pour une blague de mauvais goût.
Il sentait bon le sable chaud…
De tout ce mic mac, on obtient un paquet de voyages, d’action et de rencontres avec beaucoup de monde, et pourtant, une seule chose s’impose d’elle-même. Oubliez le conundrum à grande échelle où il s’agit de sauver le peu qui reste de notre société moderne. Ce qu’il y a de plus important semble surtout être la relation qui s’établit entre Malachi et David Walker, un ex-soldat, après que le premier ait sauvé la vie du second. Cet acte de bravoure signifie le départ d’une amitié, combien même notre héros n’apparaît pas dans un premier temps très emballé à l’idée de faire confiance à cet inconnu. Avec ses blagues ratées et des échanges verbaux peu inspirés, j’ai pourtant du mal à voir comment nous sommes supposés trouver ce duo charmant voire touchant. Walker est beaucoup trop creux, même quand il essaye de sortir les banalités qui sont censés être des morceaux de sa vie passé, pour peu que cela vous intéresse. Il faut bien avouer que ce personnage n’est guère très passionnant et les dialogues entre nos deux compères sont trop souvent superficiels pour arriver à créer ne serait-ce qu’un semblant de lien. C’est bien dommage.
Et ça ne s’arrange pas sur la fin. Les derniers chapitres sont un peu poussifs, spécialement une séquence interminable qui consiste à suivre chacun de nos deux héros, séparés l’un de l’autre, dans un labyrinthe souterrain. Non seulement il n’y a rien d’intéressant dans ce passage à jouer, et en plus ça n’apporte rien à l’histoire. Du coup, plutôt que de finir sur un twist final comme on est en droit de l’attendre de la part d’un thriller fantastique, on termine sur un mélo où l’amitié c’est magique ou quelque chose d’assez proche. Pourquoi pas après tout, mais après avoir monté la tension en multipliant les mystères, je m’attendais à un peu plus que ça, et ne reste alors que la déception.
Malachi ne profite jamais
Malheureusement, les torts ne sont pas seulement du côté de la narration. Dans son ensemble, c’est un jeu correct quand cela concerne la partie point and click en sachant que vous y trouverez tout ce à quoi vous êtes en droit d’attendre de la part de ce type de jeu, avec les puzzles et tout le reste de la panoplie. La capacité analytique de Malachi est supposée énorme, rappelez-vous. Cela veut dire qu’analyser est une part importante du gameplay qui se traduit sur plusieurs niveaux. Il y a tout d’abord le fait d’analyser des objets dans le but de déterminer s’ils sont vrais ou faux, ce qui est après tout le travail de tout bon antiquaire. Cet aspect passe par le biais d’un mini-jeu où Malachi devra comparer plusieurs éléments qui composent le dit objet, comme sa matière, une inscription, etc, avec d’autres images qu’il tirera de sa mémoire.
Mais comme je l’ai déjà évoqué, il devra également faire de même en ce qui concerne les gens qu’il rencontrera. Il pourra d’un côté cerner leur personnalité pour ainsi débloquer quelques lignes de dialogues supplémentaires, et d’un autre effectuer une comparaison entre divers faits de leur vie et ceux de personnalités historiques, toujours dans le but de trouver leur homologue. Bien qu’intéressant, ce type de puzzles est assez mal exploité et ne présente aucune difficulté qui soit insurmontable.
Et pourtant, le pire du pire est sans doute dans la logique illogique dont peut faire preuve ce titre. Dans la plupart des jeux d’aventure, le personnage principal a souvent tendance à être cleptomane, en n’hésitant pas à attraper tout ce qui lui tombe sur la main et qui pourrait lui être éventuellement utile plus tard. Maintenant, le fait que Malachi ne veuille pas prendre ce dont il n’a pas besoin sur le coup, c’est complètement normal, mais d’un autre côté, par exemple, quand j’ai du repartir de Washington pour New York, tout ça pour récupérer un bijou afin de séduire une femme, et juste après refaire de même pour une bouteille d’alcool, je me suis dit qu’il y avait un problème quelque part. Non-sens ! Qui irait se faire en une journée deux voyages en avion pour trouver un bijou et de l’alcool ?
Phoenix Online a fait des progrès, et je le constate, depuis Cognition. Ce jeu est bien moins buggé que ne pouvait l’être leur précédent. C’est un vrai plus. Le design des personnages s’est aussi amélioré tout comme l’animation… mais pas suffisamment. J’ai envie de dire que c’est vrai que l’on attend pas forcément d’un jeu d’aventure qu’il ait des graphismes parfaits, mais tout de même, les animations ne manquent pas seulement de finition, elles sont horribles. C’est un point que j’avais déjà relevé dans Cognition, et j’en attendais plus dans ce département là. L’animation, c’est quand même ce qu’il y a de plus important quand vous essayez de transmettre des émotions au joueur. Au moins, Malachi s’en sort encore à peu près correctement, mais que dire des autres personnages qui manquent cruellement de charisme ? Un petit peu plus de travail là-dessus n’aurait vraiment pas fait de mal et aurait servi l’histoire au lieu de la desservir. C’est d’autant plus dommageable que les décors sont eux très réussis pour la plupart.
Moebius Empire Rising n’est pas complètement raté non plus, il est même plutôt agréable par moment. J’ai fait les sept chapitres en un peu moins d’une dizaine d’heures. Excepté le dernier chapitre qui fait dans le pétard mouillé et se rallonge inutilement, ma progression était relativement facile et fluide, et de ce fait, je n’ai pas trop vu le temps passer. Les défauts sont pourtant bel et bien là, techniquement d’abord, je l’ai déjà dit, mais surtout au niveau de la narration, et là c’est plus embêtant. Pourtant, tout n’est pas noir non plus, mais c’est simplement que j’en attendais plus, surtout avec ce genre d’intrigue. C’est dans le fond une petite histoire d’amitié sur fond de crise internationale avec des morceaux de fantastique, Malachi ne découvrant toute l’étendue de ses pouvoirs que sur la toute fin. Mes sentiments sur ce jeu restent partagés. Ni mauvais, ni excellent, Moebius touche un peu à tout sans jamais exceller nulle part.