Je sens que l’on me teste. Je viens à peine de débarquer dans la rédaction de GSS qu’on me refile un jeu estampillé d’un gros tampon “RPG VELU” qui clignote en rouge. Alors c’est comme ça qu’ils veulent me bizuter ? Ils ne m’auront pas les cuistres… Quoique pourtant, Age of Decadence est vraiment un élément à part dans le paysage du RPG d’aujourd’hui. Un élément qui aurait pu me faire baisser les bras face à ce qu’il est.
Jet de dé 12,
Le monde tel que nous le connaissions n’est plus. La société a éclaté et de ses cendres est né un nouvel ordre décadent. Désormais revenue à une sorte d’âge antique, l’humanité est à la recherche de son histoire et de ses racines. Le savoir se paye aussi cher qu’une bonne arme, pouvant être bien plus précieux que cette dernière et mener même le plus prudent des hommes à sa perte. Dès le début Age of Decadence pose ses bases et inutile de dire que ce background assez inédit est plutôt déroutant. Prenant place dans un univers post-apocalyptique mystérieux, on est largué là sans trop savoir quoi faire. Avant d’entrer en lice, on sélectionne sa classe parmi 6 (avec du classique tels que le mercenaire, le voleur, l’assassin… et du moins classique comme le marchand ou le loremaster), on distribue des points dans une fiche de personnage bardée de chiffres qui rendrait fou de joie n’importe quel comptable et… puis en route. Premier truc de folie dans Age of Decadence c’est que chaque classe a sa propre histoire (qui peut se croiser avec celle des autres). Déjà que le jeu est plutôt long et bien fourni avec un seul perso, on atteint là des sommets.
Qu’on soit bien d’accord, avoir du contenu c’est bien beau, encore faut-il qu’il soit de qualité et en mesure de nous tenir en haleine. Je ne vais pas vous le cacher (et ça devient un running gag des jeux que je fais il faut croire) mais Age of Decadence n’a pas que son background qui est décadent car la partie graphique ne flatte pas la rétine. Certes le côté “Rome antique” de l’univers est assez original, c’est juste qu’en jeu on se retrouve face à quelque chose de terne et franchement moyen. Le scénario quant à lui se déroule sous une forme textuelle, avec une petite fenêtre utilisant le moteur du jeu qui illustre ce qu’il se passe. Je me suis plusieurs fois fait une réflexion en parcourant Age of Decadence, c’est que j’ai eu la furieuse impression de jouer à une version 3D d”Un Livre Dont Vous Êtes le Héros” (mais si, ces livres-jeu où on s’arme d’un dé et d’un crayon et où on choisi les embranchements dans le texte). Le jeu de Iron Tower s’articule énormément autour de ces textes, le faisant parfois passer pour un roman interactif… Très interactif croyez moi. Les nombreuses situations qu’on affrontera se régleront à coups de jets de dés. Si je veux pénétrer dans une maison en grimpant à un morceau de lierre courant sur les murs, mon agilité sera testée. Si je veux convaincre quelqu’un de mon point de vue, ce sera mon charisme qui sera mis à l’épreuve. Il n’y a jamais un seul moyen de résoudre un problème ou une quête.
Ce qui est plaisant en plus, c’est que Age of Decadence est superbement bien écrit. Sans rire, on en oublie l’aspect 3D désuet pour se concentrer sur les textes tant ils sont descriptifs, immersifs, et tous les mots se terminant en “if”. C’est du plus pur RPG comme on en fait plus. Toutefois, pour ces raisons je me garderai de vous dévoiler ne serait-ce qu’une ligne de texte car le jeu s’apprécie comme un bon bouquin. On sent que le tout n’a pas été écrit par Jean-Yves sur un coin de bar. Les personnages que l’on rencontre sont décrits (y compris ce qu’ils inspirent chez les gens en général), les lieux également, enfin bref : le texte est un élément central. Sachez juste que même si le début est très cryptique, très mystérieux (on débarque au milieu d’une affaire de meurtre sans trop savoir quoi faire), on en apprend vite plus et le tout s’avère passionnant. Sur ce plan là je ne me fais pas de soucis, même s’il faut posséder un bon niveau d’anglais pour en profiter. Hélas oui, le jeu est entièrement dans la langue de Shakespeare…
A la pointe de l’épée !
Age of Decadence est encore en développement et de l’aveu des développeurs, 60% du jeu est d’ores et déjà disponible. Ces 60% sont déjà très denses et tiendront en haleine même le plus difficile des rôlistes. Cela dit qu’en est-il des combats ? Dès le premier écran de jeu, on nous met en garde comme quoi ils doivent rester le dernier recours possible car ils sont très difficiles. Vous allez commencer à me connaître, j’ai rigolé grassement en lisant ça et à la première occasion je me suis bastonné avec des voleurs… Manque de pot je suis mort très vite. Le déroulement est assez classique, on est dans du tour par tour avec gestion de points d’action et tutti quanti. Là où ça l’est moins c’est que l’on va choisir quelle type d’attaque nous allons porter, chaque type ne coûtant pas le même nombre de points d’action. Par exemple on peut choisir de taper vite pour porter plus de coups mais ils seront inutiles face à des ennemis lourdement protégés. L’inverse, un coup lourd sur un ennemi léger, sera chose vaine car il aura tôt fait d’esquiver. Bien entendu la réussite d’une attaque sera aussi fonction des stats de notre personnage. Quelqu’un d’habile à l’épée pourra être vraiment mauvais avec une arbalète. Mais bon c’est la logique même.
Pour m’être renseigné sur le jeu avant de mettre la main dessus j’ai pu constater qu’il avait pas mal évolué, surtout dans son interface (qui est assez vieillote soyons francs). Du coup je réserve mon avis final pour le jour de la release. Pour être honnête avec vous j’ai eu vraiment du mal à entrer dedans au début. Le jeu a beau être bien écrit, le côté “Do it yourself” m’a vraiment dérouté… jusqu’à ce que je comprenne que ce n’était pas la flemme des développeurs mais bel et bien une sorte de liberté de luxe. Car oui on peut appréhender les choses de plein de manières différentes dans Age of Decadence. J’ai par exemple pu faire un personnage uniquement beau parleur et pas guerrier pour un sou. Cela dit je l’ai payé bien assez tôt car je n’ai pu résoudre une situation tendue par le fer, et j’ai dû tordre le cou à ma morale en résolvant ça par le verbe. C’est aussi ça toute la beauté de ce jeu : on incarne vraiment un autre personnage avec ses qualités et ses défauts (ici matérialisés sous formes de statistiques). Rarement j’ai ressenti une telle chose en jouant à un jeu qui ne paye vraiment pas de mine de prime abord. De mon point de vue, Age of Decadence s’adresse à une frange de rôlistes papier chevronnés qui verront là un merveilleux moyen de vivre une aventure solo atypique. Malheureusement avec son statut d’outsider et face à du Wasteland 2 et du Pillar of Eternity, je ne sais pas comment le jeu de Iron Tower sera reçu par les joueurs. La réponse est “When it’s done”, où je ne manquerai pas de vous faire un avis beaucoup plus détaillé !