Stranded est un petit jeu de point and click qui semble vouloir emprunter d’anciennes recettes dans une forme épurée de toute interface ostentatoire ne voulant sans doute pas obstruer ses jolis pixels rétro. Avec un feeling piochant ses inspirations dans d’autres jeux devenus cultes, il essaye sans doute de nous transporter le temps d’une pause syndicale méritée. Mais est-ce suffisant ? Et surtout, est-ce réellement un jeu ?
Seul au monde ou presque
Dans Stranded, vous prenez le contrôle d’une astronaute dont le réveil a été difficile. Imaginez, elle vient tout juste de s’échouer sur une planète inconnue. Des paysages de grands canyons et quelques plantes aliens qui deviennent luminescentes la nuit se superposent. L’endroit paraît désert jusqu’à ce vous croisiez le chemin de géants monolithiques visiblement pacifiques à votre égard. D’imposants temples, laissant supposer la présence, au passé mais peut-être aussi au présent, d’une civilisation un peu plus évoluée qu’une paramécie, se dressent devant vous tandis que leurs portes s’ouvrent à votre approche.
Il y en a plusieurs de temples, j’en ai personnellement vu quatre. Trois d’entre eux renferment une statue surmontée d’un symbole qui ne nous est pas familier. Tandis que nos pas nous rapprochent de la sculpture alien, la pièce entière s’illumine d’une couleur spécifique laissant apparaître de nouveaux idéogrammes. Le phénomène se répètera dans les deux autres temples, le dernier et quatrième semblant pour sa part être le plus important de tous, m’ayant amené vers une fin donnée, une parmi tant d’autres.
Notre astronaute n’est pas complètement libre de ses mouvements et la majeure partie de son interactivité passe par le fait de la déplacer d’un écran à l’autre ou d’afficher une carte holographique des lieux déjà visités. Il n’y a à peu près rien d’autre à faire dans Stranded qui est, si on voulait le définir rationnellement, une sorte de jeu d’aventure et d’exploration particulièrement porté sur la contemplation et les sensations. Le son y revêt une importance toute particulière pour ce qui est d’instaurer une atmosphère en adéquation. Les respirations de notre héroïne d’un temps se mêlent au crissement des mouvements des géants de pierre, le tout enveloppé dans une partition musicale très réussie.
Si je m’égare dans une prose vaguement plus poétique qu’objectiviste, c’est tout simplement que Stranded n’est vraiment pas un jeu au sens strict du terme.
Echoué et perplexe
Ma première incursion dans ces landes inédites n’a sans doute duré pas plus d’une demie heure. Ce n’est en soit pas excessivement grave, car Stranded est fait pour être joué plusieurs fois. Chaque partie implique une expérience différente, le jeu changeant à chaque fois que l’on y joue. Un coup il fera jour, à d’autres il fera nuit, les géants seront à un moment en nombre, à d’autres pas du tout ou si peu. Il n’y a pas de sauvegarde. Si vous quittez l’application, la prochaine fois vous devrez tout recommencer de zéro, et ce n’est pourtant pas un roguelike.
Il ne faudra pas pour autant se décourager pour si peu. Si notre astronaute ne se déplace qu’en marchant, il y a très peu d’écrans à traverser et il ne faudra jamais plus d’une heure pour terminer une session. Arrivé à la fin, le choix de redémarrer au commencement vous est offert dans l’espoir sans doute de revivre cette expérience sous un angle différent, avec des événements qui le seront tout autant. On dirait même qu’ils s’étoffent à chaque fois qu’on le relance.
Plus que d’un jeu, je voudrais parler d’une œuvre artistique numérique et interactive. Je n’ai pas envie non plus qu’on lui prête la moindre prétention, mais pour moi il s’agit d’un tableau d’un nouveau genre fait de pixels en mouvement. L’interactivité y est malheureusement très limitée, et de ce fait vous n’aurez de contrôle sur presque rien. Votre intervention pourra alors vous paraître superflue, faisant de vous plus le spectateur d’une petite histoire qui flirte allègrement avec la sémantique d’un 2001 et de son odyssée de l’espace, sans pour autant, à mon humble avis, en avoir toute la fulgurance. Il est donc difficile d’attendre d’un jeu qui peut se terminer parfois en moins d’un quart d’heure, de développer chez son spectateur-joueur les mêmes émotions qu’il a pu avoir devant un film de plus de deux heures uniquement centré sur une narration multipliant les idées et les sensations, avec le pouvoir que lui procure une mise en scène cinématographique.
Si je devais parler sincèrement, je devrai dire ne pas avoir été spécialement touché par Stranded, même si un certain mystère l’entoure. J’aime à croire que j’ai pourtant compris ses intentions, mais je n’y ai pas été spécialement réceptif. Ce n’est pas tellement que j’en attendais une aventure qui soit logique, c’est tout simplement que je l’ai trouvé très léger, ce qui est positif autant que négatif à mes yeux.
Le voyage fut trop bref, et les infimes variations qu’il y a entre chaque nouvelle tentative m’ont paru superficielles bien que jouant sur le détail. Je sais, je suis paradoxal. Ce qu’il faut comprendre, c’est que Stranded est une courte expérience que chacun vivra selon son ressenti propre. De ce fait, il m’est impossible de vous dire comment vous y réagiriez ni si ça vous plaira. Si vous cherchez un point and click classique, passez votre chemin.