D’Octodad, un projet étudiant qui fit parler de lui en bien, à Dadliest Catch, sa version commerciale, il n’y avait qu’un pas à faire pour obtenir un résultat sympathique. Mais comme on n’a pas toujours ce que l’on désire, Young Horses a malencontreusement raté le coche pour ne laisser qu’un résultat un peu bâtard qui convainc difficilement. Pourtant son potentiel en matière de débilité vidéo-ludique semblait élevé et prometteur. Il y aura donc du sashimi de mollusque au menu de ce soir.
Ciel ! Mon mari est un poulpe !
Rentrons dans le vif du sujet. Cette histoire est celle d’un poulpe qui essaie de se faire passer pour un homme. Avec huit membres et des ventouses, c’est un peu le mec idéal si on écarte son eau de Cologne à forte prononciation iodée. Non, je ne suis pas en train de décrire un fantasme érotique japonais ou un documentaire du regretté Commandant Cousteau. Alors que retentissent les premières mesures de la marche nuptiale, notre futur marié doit trouver au plus vite son costume, son nœud de pap’, en bref tout l’attirail de circonstance, et c’est alors que les problèmes commencent.
Il faut avouer qu’avoir une pieuvre hors de l’eau, ce n’est déjà pas une mince affaire, mais alors endimanché comme un être civilisé, nous atteignons là des sommets d’inconfort. Tout le sel de cette aventure repose en effet sur un personnage particulièrement difficile à manier. La manette entre mes mains, j’ai du avoir recours à une gymnastique rythmique de mes doigts et de mes neurones pour arriver à tenir ne serait-ce qu’un minimum droit. La conduite sous empire alcoolique dans GTA V, c’est du petit lait en comparaison.
Seul, Octodad met à votre disposition un tentacule pour manipuler de façon erratique n’importe quel objet qui peut l’être ou encore ouvrir des portes moins facilement qu’un vélociraptor ne pourrait le faire. Deux autres serviront de jambes. Ajoutez au tout la possibilité de déplacer chacune de ces tentacules sur un axe X ou Y, et vous en conviendrez qu’il puisse en résulter une difficulté toute particulière dès le moindre déplacement dans des espaces souvent réduits et forcément encombrés. Gérer l’espace tridimensionnel avec une manette ou un clavier n’est visiblement pas aussi aisé et naturel que dans la vraie vie. Vous m’en direz tant.
A plusieurs, car oui il y a un mode pour jouer avec vos amis, chaque joueur aura l’immense joie de manipuler à sa guise un tentacule, un seul, avec cette particularité qu’il ne sera pas tout le temps le même. Il faudra donc faire attention, tout en se rendant bien compte que si à un joueur, la tâche était déjà complexe, alors à plusieurs, bonjour les dégâts. Et pourtant, c’est sans doute là l’expression de la plus grande qualité de ce jeu. Amener le chaos dans le quotidien à l’aide d’une jouabilité atroce est en effet totalement volontaire.
Le but non avoué mais évident est d’offrir au joueur non pas la frustration d’un personnage injouable, mais plus essentiellement le comique de situation dans lequel il nous projette par les catastrophes qui ne manqueront pas d’arriver. Verser du lait sur la tête de votre fille Stacy plutôt que dans son verre, raser le parterre de fleurs de votre femme chérie au lieu d’en arracher les mauvaises herbes, bref, semer le chaos et la destruction seront monnaie courante, car même en vous efforçant d’être le plus délicat possible, il se passera toujours quelque chose, et c’est là bel et bien le but d’Octodad. Mais faites bien attention à ne pas vous faire repérer, sinon votre couverture sautera !
Ils se marièrent et eurent beaucoup de poissons
Il y a pourtant un bémol, et un gros. Les premiers niveaux, celui du mariage, de la maison et encore celui du magasin, sont les plus réussis, bien que très légers en terme de contenu, mais constituent un début intéressant pour se faire la main et s’amuser à tout mettre sans dessus dessous. Malheureusement pour nous arrive le niveau de l’aquarium, et là, la sauce qui avait commencé à prendre, fini par tourner au vinaigre.
Au début, l’histoire de ce poulpe se faisant passer pour un homme, épousant une femme avec laquelle il aura des enfants humains parfaitement normaux en apparence – allez savoir comment – était surtout là pour donner un contexte et un ressort comique. Il n’y avait rien de complexe, et ça ne se prenait absolument pas au sérieux, le rire venait avec simplicité. Les taches à accomplir pour terminer un niveau l’était également, un peu comme si on vous laissait seul dans votre chambre avec de la porcelaine à ranger dans un vaisselier en ayant des gants de boxe au bras.
La difficulté est toute relative dans ces premiers niveaux et ne pose pas de problème particulier. Il ne s’agit pas d’une course à la performance, mais simplement de rigoler un bon coup. Mais alors, quelle idée a pu traverser l’esprit de ses concepteurs par la suite ? Dadliest Catch, comme pour justifier qu’il soit payant, a cru bon de rajouter plus que du contexte à son aventure poissonnière. Le résultat est une sur-complexification de l’intrigue, avec un alourdissement du propos. Oui, c’est un poulpe en costume ! On a fini par le comprendre. De blague potache sans prétention, on passe maladivement à une comédie qui tient absolument à avoir du sens. Mettre le foutoir aurait largement suffit à sa peine, mais non, comme Batman qui de nos jours doit justifier le fait de porter un costume en latex, Octodad doit justifier le fait de porter une cravate et de payer ses impôts. Le voilà coupable jusqu’à preuve du contraire.
Poulpe grillé à moitié carbonisé
Le niveau de l’aquarium est donc la pelle avec laquelle Octodad va enterrer toute forme d’amusement qui pouvait subsister jusque-là. En multipliant les mini-jeux épuisants de médiocrité et nécessitant une précision du geste injuste quand on sait à quel point cette pieuvre est injouable, en ajoutant des phases d’infiltration brouillonnes et mal conçues, et une séquence de flashback moribonde, on se retrouve au final avec un véritable parcours du combattant. La palme revient à ce dernier passage où notre papa longs tentacules devra se déplacer sur une série de poutres avec délicatesse, sous peine de le recommencer s’il a le malheur de tomber. Et on y tombe souvent. Un moment de solitude ennuyeux et surtout frustrant quand on sait à quel point il est difficile de se mouvoir de façon adéquate.
Octodad : Dadliest Catch partait avec un a priori favorable, promesse d’un gros délire et d’une non-prise de tête. En fin de compte, il finit par tout gâcher en n’en faisant des tonnes là où ce n’était pourtant pas nécessaire. C’est alors que la pauvreté de son level design nous saute aux yeux quand elle ne nous exaspère pas. L’intrigue aussi s’alourdit inutilement et ne parvient pas à intéresser plus que ça. Il lui reste une compatibilité avec le Steam workshop pour la version pc, ce qui peut éventuellement dire qu’il y aura du contenu supplémentaire si la communauté suit. Tout cela étant au conditionnel bien évidemment. Trop court et mal équilibré, je ne saurai le conseiller, surtout au prix fort.
tentacule c’est un nom masculin, pas féminin *grammar nazi spotted* 😀
« Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, Môssieur » *sifflote en enterrant ses cadavres* 😉