Noir Syndrome se présente comme un jeu de détective où chaque nouvelle affaire est générée de façon procédurale, donc aléatoire, mais pas n’importe comment non plus. Bref tout un programme de mystères à gros pixels signé par Glass Knuckle Games et Dave Gedarovich.
Meurtre procédural
Quand on parle de génération procédurale, on imagine de suite des jeux comme Minecraft ou Terraria, où le monde qui nous entoure est différent à chaque nouvelle partie, ou après chaque mort. Dans Noir Syndrome, ce ne sont pas les décors, les bâtiments, le monde qui changent ou se réorganisent quand vous lancez une nouvelle enquête. Non, dans le cas présent, les meubles restent à leur place jusque dans la moindre fissure des murs de l’appartement délabré de notre héros (ou héroïne) en imperméable (ou jupe longue à la Adelle Blanc-Sec).
Ce qui est différent par contre, c’est la victime et le meurtrier, et par conséquent, tous les indices pouvant vous mener à ce dernier. En bref, pour faire simple, ce sont tous les éléments relatifs au meurtre, et non le monde matériel qui l’entoure, qui sont générés aléatoirement quand vous démarrez une nouvelle affaire. Par contre, tant que l’enquête se poursuit, chacune de vos actions auront des conséquences qui persisteront tant que vous n’aurez pas arrêté le coupable, à moins que vous ne soyez tué entre temps.
Cependant, du film noir et son éternel privé fauché comme les blés pour personnage principal, Noir Syndrome n’en retient que la surface. Si jeu d’aventure il est, il ne joue clairement pas dans la même catégorie qu’un L.A. Noire ou n’importe quel point and click plus classique. On est plus proche d’un Cluedo version numérique où l’on jouerait tout seul contre l’ordinateur.
8bits Jazz
Dès que vous aurez franchi la porte de votre appartement, treize journées vous seront allouées pour faire le job. Là une carte de la ville et des différents endroits visitables vous seront entièrement accessibles. Vous êtes alors totalement libre de choisir où aller en sachant qu’à chaque bâtiment visité, il y aura un jour en moins sur votre compteur. Ces bâtiments, comme vous vous en doutez, sont peuplés, et comme tout détective qui se doit, il va falloir poser des questions.
Or on ne pose pas vraiment de questions. D’un côté, on peut tirer avec son arme à feu, d’un autre, un seul et unique bouton sert aussi bien à parler qu’à fouiller pour peut-être trouver de précieuses informations ou des dollars. Car les PNJ auront plusieurs fonctions. Certains se contenteront de vous dire à quel point ils sont effrayés par les événements, d’autres vous donneront de précieuses indications sur le crime à élucider, comme les hobbies du meurtrier par exemple, tandis que d’autres tenteront de vous refourguer, contre monnaie sonnante et trébuchante, des balles de revolver ou de quoi vous sustenter.
Oui des balles, car comme tout privé qui se respecte, vous avez une arme à feu, et vous pourrez vous en servir comme bon vous semble. Même pour tuer un innocent. Il m’est même arrivé de tirer sur l’assassin par erreur ! Mais attention, si vous tuez d’une balle, vous mourrez aussi d’une seule. Vos actes ayant des conséquences, s’adonner à la chasse à l’homme fera de vous de façon instantanée l’ennemi de la faction agressée.
Car il existe trois factions telles que la police, les civils et la mafia. Rien que ça. Vous voilà donc dans de beaux draps si vous avez eu le malheur d’abattre un sbire du Don Corleone local. Mais si ça vous démange de le faire malgré tout, allez-y, vous êtes libre d’agir comme bon vous semble, mais attention tout de même à ne pas vous rendre ensuite dans un bâtiment dirigé par ces voyous, car vous vous feriez éliminer en moins de temps qu’il n’en faut pour dire ‘’Diantre !’’.
A partir de là, vous avez donc deux choix qui s’offrent à vous : ignorer l’enquête et vivre votre histoire comme bon vous semble, ou arrêter le coupable que vous aurez sélectionné dans votre liste de suspects.
Conclusions de l’enquête
Noir Syndrome a un petit quelque chose qui doit énormément à son style, ses graphismes atypiques et très rétro qui me font inexorablement penser à d’anciens jeux de mon vieil Apple II. Sa musique jazzy vient nous surprendre agréablement avec quelques notes électroniques façon 8 bits, et confère une ambiance véritablement unique. Il y a aussi cette liberté d’action chérie, et une multitude de choses à débloquer comme des tenus pour notre détective, et divers bonus en obtenant des badges que l’on peut comparer à des succès à débloquer.
Mais comme il y a un mais qui traîne dans le coin, il est loin d’être parfait, ou plus exactement il souffre de ses choix de game design, qui de façon tout à fait paradoxale, le rendent à la fois charmant et bancal pour ces mêmes raisons.
Je mettrai de côté la répétitivité des parties, celles-ci ne durant rarement plus de quelques minutes. Si je l’ai comparé au Cluedo, c’est avant tout car le concept de ces deux jeux est dans le fond très similaire, excepté pour le plaisir de jouer à plusieurs qui n’existe malheureusement pas ici, et lui cause sans doute du tort. Que cela soit derrière un écran, ou a prendre des notes sur un bout de papier et à lancer des dés sur un plateau en carton, la différence est relativement mince.
Avec Noir Syndrome, il s’agit plus, j’en ai bien l’impression, de faire l’inventaire des tares et hobbies qui caractérisent notre meurtrier, et avec un zeste de déduction, lui passer les menottes une bonne fois pour toute. La réflexion est assez limitée, surtout quand les premières parties semblent s’adonner plus au hasard qu’à autre chose. Il va falloir comprendre comment tout ça fonctionne dans un premier temps, et pester contre des pnj qui se ressemblent tous, tellement que parfois on ne sait plus vraiment à qui on a déjà parlé. Or, parlementer (ou inspecter des objets) affame notre héros(ïne), du coup, c’est agaçant de réinterroger deux fois la même personne.
Le principal problème de Noir Syndrome est donc qu’il offre par moment le sentiment de n’être qu’un immense bordel dans lequel le joueur devra y mettre de l’ordre, et, de la logique. Cette liberté d’action et le côté procédural de l’aventure ont un coût, et le voici. On est donc très loin d’un point and click ou d’un jeu d’enquête à l’ancienne si je puis dire, tout du moins en profondeur. L’extérieur y ressemble lui par contre. Mais sans une intrigue mûrement réfléchie à l’avance, et une construction narrative maîtrisée, on a donc parfois ce sentiment d’être perdu on ne sait où.
Par contre, une fois que l’on commence à le dompter, il peut se révéler étonnant, même si son gameplay pourra donner l’impression d’en avoir fait le tour assez vite. Le moins que l’on puisse dire, par contre, c’est qu’il est clairement original dans sa démarche, et devrait convaincre un public amateur d’expériences nouvelles.