C’est encore à la Gamescom que nous avons pu interviewer deux membres de Deconstructeam, créateurs de Gods Will be Watching. Jordi de Paco, scénariste, game designer et programmeur ainsi que Jorge Plaza, concept artist et animateur nous parlent un peu plus de l’évolution de leur jeu réalisé lors de la 26 édition de Ludum Dare, sur le thème « Minimalism»
Comment-vous sentez-vous après avoir torturé mentalement des milliers de joueurs avec une difficulté horrible ?
– Ça a été dur au début. Quand on l’a sorti, beaucoup de personnes ont été repoussés par le jeu, à cause de la grosse difficulté et du challenge qu’on avait proposé. Mais après quelques jours on a commencé à avoir de bons retours et on était content d’avoir des joueurs qui aimaient ces challenges, ces énigmes impressionnantes. On comprend aussi pourquoi les autres personnes n’ont pas autant appréciés ce genre de difficulté vraiment frustrante. C’est pour cela qu’on a sorti une mise à jour qui offre un jeu plus indulgent. Ainsi, tous les types de joueurs pourront s’amuser, c’est nécessaire si on veut que ce soit apprecié.
Et vous n’avez pas peur que cette mise à jour modifie l’expérience de jeu ?
– Je ne pense pas qu’il soit question d’améliorer le jeu ou quoi que ce soit. Je suis juste content que beaucoup de personnes ont aimé la version originale, mais on a tenu compte des retours de toutes les personnes qui n’ont pas aimé le jeu et en tant que développeurs on veut qu’un maximum de personne puisse l’apprécier. Donc nous avons prêté attention aux raisons pour lesquelles les gens n’avaient pas aimé Gods Will Be Watching et pourquoi ils l’ont trouvé frustrant, puis nous avons cherchés une solution. Nous avons donc fait le mode puzzle qui est en réalité la même expérience, mais en enlevant tous les éléments liés uniquement à la chance. Nous avons aussi fait un mode narratif où il est presque impossible d’échouer, c’est un peu une histoire interactive. Donc au final, c’est seulement pour attirer le plus de joueurs.
Qu’est-ce qui a été le plus compliqué dans le fait d’avoir transformé votre jeu « game jam » en « véritable » jeu ?
– Ça a été un peu bizarre pour nous parce qu’on ne s’attendait pas à ce que Gods Will be Watching ait un tel succès. On voulait juste faire une espèce de puzzle game mignon, puis on a recommencé et on ne réalisait pas trop ce qu’il se passait, on a fait un gameplay plutôt intuitif. Ça a été vraiment étrange à créer, puisqu’on ne pensait pas à l’approfondir, mais davantage à savoir pourquoi il marchait si bien, comment les gens interagissaient avec le jeu. On a vu les retours et ça a peu à peu donné naissance à la version commerciale, où on a essayé d’améliorer ce que les jours aimaient dans le gameplay.
Pourquoi les gens aiment le jeu, selon vous ?
– D’après les retours des gens qui l’apprécient, beaucoup essayent d’interpréter la signification du jeu, qu’est-ce qu’on essayait d’y faire. Ce qu’ils aiment le plus, c’est que le jeu ne les prend pas par la main, il n’y a pas de radar qui montre des trucs à détruire. Ils sont juste lâché dans l’aventure, ils doivent eux-mêmes chercher où aller. Ils ont aimé ce genre de challenge intellectuel mais aussi le contenu du jeu où vous n’êtes pas jugé avec des « ça c’est bon, ça c’est mauvais », vous décidez seulement d’assumer vos décisions, aussi difficiles soient-elles. Le jeu ne vous contredira pas. C’est un challenge qui prend les joueurs au sérieux.
Vous pensez que les jeux actuels sont trop faciles ?
– Oui, surtout concernant les AAA. Après avoir sorti Gods Will be Watching on a compris pourquoi. On a eu beaucoup de mauvais retours et d’insultes pour avoir fait un jeu difficile. Et les jeux commerciaux ont pour but d’attirer un maximum de joueurs, donc ils doivent faire un jeu très accessible. Donc oui, ils sont trop faciles et c’est aussi la raison pour laquelle on a fait Gods Will be Watching si dur, avec des challenges intelligents. Dans les gros jeux il y a des niveaux de difficultés complètement fou, mais c’est une difficulté fabriquée, artificielle… Par exemple, dans un shooter, il y a des ennemis avec énormément de vie et vous avez des munitions limitées. Ce n’est pas le challenge qui est difficile, ce sont seulement les chiffres qui sont injustes. On a l’impression que c’est une difficulté bien dosée alors que c’est juste artificiel. Donc on ne voulait pas trop créer des challenges de skill, mais plutôt des challenges intellectuels parce que s’il y a quelque chose plus facile que les jeux d’action, ce sont les puzzles games. La difficulté vient seulement du fait que vous ne réfléchissez pas assez. Il faut donc penser à comment résoudre l’énigme.
Quels jeux avez-vous appréciés récemment ?
– On s’est bien amusé sur Halfway, un genre de X-Com en pixel art, sauf que c’est plus axé sur l’histoire, ce n’est pas juste une expérience arcade. Vous vous réveillez dans un vaisseau qui saute à travers la galaxie automatiquement, et vous devez survivre, chercher des munitions, de l’équipement… C’est vraiment bon, c’est un jeu de stratégie au tour par tour ancré dans une histoire. Vous devez gérer beaucoup de choses, préparer des missions, choisir vos personnages et bien les équiper. On a vraiment apprécié le jeu.
Parlons un peu business : Qui a fait le premier pas, vous ou Devolver ?
– En fait c’est Devolver Digital qui est venu vers nous, on n’était même pas au courant que le jeu était bien, ils l’ont remarqué avant nous. Donc ils sont venus vers nous en nous disant qu’ils aimaient bien notre jeu et qu’ils voulaient travailler avec nous. Et on s’est demandé « C’est vraiment Devolver Digital ? » puis on s’est mis à se rouler par terre, on était très content.
Et c’est comment de travailler avec eux ?
– C’est vraiment génial ! On était vraiment content qu’ils nous aient contactés mais en fait c’est encore mieux que ce que nous avions espéré. Ils nous soutiennent beaucoup, pas seulement économiquement, ou pour la communication et toutes les choses qu’ils font, mais moralement. Ils font vraiment attention à notre bien être, ils demandent toujours si on va bien, ce dont on a besoin. Ils veulent vraiment qu’il y ait une bonne ambiance pour que notre créativité soit au maximum. On apprécie vraiment ce qu’ils font, ils prennent soin de nous. C’est plus une relation amicale que professionnelle. Ils sont géniaux.
Et pour la suite – à part prendre un peu de vacances – avez-vous de nouveaux projets ?
– On travaille toujours sur Gods Will be Watching puisqu’on prévoit un DLC gratuit qui sera un nouveau chapitre. Le contenu sera décidé par les backers de l’Indiegogo, on va organiser un vote pour que les joueurs décident dans quel sens ils veulent que l’univers évolue. Ensuite on va porter le jeu sur iOS et Android, donc on a encore du travail jusqu’à la fin de l’année avec Gods Will be Watching. Et après ça, l’année prochaine, on commencera à travailler sur un autre projet.
Et vous allez rester chez Devolver Digital ?
– S’ils veulent que l’on reste, on restera. C’est un peu « S’il vous plaît laissez-nous faire un jeu avec vous ».