The Evil Within chez nous. Psycho Break au Japon. Shinji Mikami, un homme au curriculum impressionnant et qui impose le respect, en est le responsable avec l’aide de son nouveau studio Tango Gameworks. Bethesda supervise le tout. Sur le papier, le casting est séduisant. C’est donc avec curiosité et peut-être un peu d’appréhension aussi, que l’on attendait The Evil Within. Sera-t-il l’enfant prodigue de l’horreur ou un simple coup de hachoir dans l’eau ?
Dead can dance
Là serait le moment où je tente de vous introduire au monde de The Evil Within. A son histoire. Ses personnages. Cela ne sera pas nécessaire. Pour faire court, vous incarnez Sebastian Castellanos, un inspecteur de police mal rasé qui sera très vite confronté à une série d’obstacles dans son enquête. En vérité, le jeu démarre sans réellement faire les présentations, ni véritablement nous expliquer dans quoi on s’embarque et pour quelles raisons. On ne nous donne pas la main. Quelques fenêtres informatives nous expliquent comment fonctionnent les commandes et ça s’arrête là. Débrouillez-vous pour comprendre quoi que ce soit.
Heureusement, l’intrigue a déjà été vue mille fois par une personne, ou une fois par milles personnes. Quoiqu’il en soit, on nage en eaux connues. Ce n’est donc pas spécialement par le scénario qu’il faudra s’attendre à être surpris. Enfin si vous avez un minimum de culture cinématographique ou vidéoludique en matière de thriller et de survival horror, vous ne devriez pas l’être. Par contre, là où The Evil Within détonne vraiment, c’est dans sa maîtrise de la mise en scène.
La subtilité de cette dernière fait que l’on arrive difficilement à distinguer ce qui pourrait être réel de ce qui ne le serait pas. Est-ce un cauchemar ou la réalité ? Les scènes fortes ne manqueront pas non plus, d’autant que le rythme très soutenu ne vous laissera pas un instant de répit. D’une durée de vie d’environ une quinzaine à une vingtaine d’heures selon la difficulté, le temps passé dessus semble facilement deux fois plus long. On sort d’une session comme on sortirait en sueur d’un mauvais rêve.
Dans un monde où le moderne se mélange à l’ancien, d’un village de montagne à un hôpital psychiatrique, le voyage ne sera pas de tout repos, les paysages seront variés. Le gore sera la couleur dominante, mais jamais dans un excès ridicule. C’est sale, sanglant, il y a des tripes et les têtes de vos ennemis explosent avec un headshot au fusil à pompe bien placé. Sans pour autant être vulgaire dans sa violence, The Evil Within distille avec efficacité l’atmosphère d’un univers angoissant et tendu par une action non-stop, sans nécessairement être bourrin.
Lorgnant entre la science-fiction et le fantastique, l’intrigue nous amène face à des créatures sous forme d’expériences ratées de savant fou. On a parfois l’impression de parcourir l’île du Docteur Moreau qui se trouverait dans l’esprit d’un psychopathe. Le dernier boss très over the top nous rappelle que nous sommes bien dans un psycho-thriller japonais avec son esthétique particulière et ses retournements de situation parfois improbables. Nous, on adore.
On reconnaîtra aisément les influences d’un Resident Evil quatrième du nom, et peut-être un zeste de Silent Hill pour la tentative d’être un tantinet plus dans l’émotion que dans le « bas de plafond » d’une série B.
Resident Within
Il est donc normal qu’à mesure que l’on progresse et qu’on se familiarise avec le jeu, on finisse par inévitablement se dire qu’il y a un air de déjà vu. Sieur Shinji Mikami ne peut nier son passé. Peut-être même qu’il ne le veut pas, qu’il l’assume et qu’en fin de compte volontairement il fait de The Evil Within le véritable successeur de Resident Evil que l’on attendait tous. On dirait presque un cas d’école. C’est comme un sujet de dissection idéal pour qui voudrait décortiquer ses entrailles pour y voir des morceaux de la saga culte de Capcom et comprendre le travail de Mikami.
Mais ce qui va nous intéresser ici, c’est à quel point ces deux titres jouent aux frères jumeaux. En vérité, The Evil Within peut être vu comme une version jusqu’au-boutiste de Resident Evil 4. Une sorte de retour en arrière qui n’a pas oublié de s’inspirer des progrès apportés par d’autres jeux plus récents. Il est un peu ce que Resident Evil 5 aurait du être. Non pas un actionner décérébré, mais un jeu sur le fil du rasoir entre action intelligente et survie sur fond d’horreur.
Car c’est exactement ce qui le définit le mieux. Certes, Sebastian a accès à un inventaire non limité à première vue. Il peut avoir un revolver, un fusil à pompe, un fusil à lunette, une arbalète multi-fonctions, et des grenades en sus de moyens pour se soigner. A la toute fin, un magnum vous sera accessible et comme dans Resident Evil, c’est un peu le flingue ultime en terme de puissance.
Cependant, si on est relativement bien équipé, le nombre de munitions reste lui assez pauvre. Le seul moyen d’augmenter ce que vous pourrez porter passera par l’utilisation d’un gel vert. C’est une substance inconnue que l’on trouve dans des bocaux à confiture comme chez grand-mère, ou parfois sur le cadavre des ennemis. En échange de cette substance, vous pourrez améliorer diverses compétences.
Vous pourrez ainsi avoir plus de vie, courir plus longtemps, avoir des armes plus puissantes, etc… et par conséquent augmenter le nombre de munitions que vous pourrez avoir sur vous. Pour autant, même en améliorant vos capacités, cela ne fera pas de vous une machine à tuer. Amélioré à son maximum, les balles de révolver qu’il m’était possible d’avoir ne devait pas dépasser la trentaine. Encore moins pour le shotgun. Ces upgrades sont une forme de coup de pouce, le jeu devenant de plus en plus difficile, mais jamais elles ne vous faciliteront la vie suffisamment pour vous soulager.
Dans son mode de difficulté le plus bas, la ballade restera jouable. Mais en mode survie, elle n’aura rien d’une sinécure. Tout en sachant qu’en terminant le jeu, deux autres modes se débloqueront dont un appelé Akumu où un seul coup signifie la mort immédiate. Pour masochistes et experts de la gâchette uniquement.
Alors oui, The Evil Within est ardu. Bien souvent, jouer au G.I. Joe ne vous sauvera pas. Il vous sera toujours possible de passer accroupi dans le dos de la plupart de vos ennemis – les plus basiques – pour les tuer en un coup. Cela vous sauvera de précieuse munitions. Il suffit d’avoir de la patience. Par contre, l’affrontement sera parfois inévitable. Face au boss et demi-boss notamment. Ils sont retors en plus.
Plutôt que de les avoiner avec du plomb, il sera bon d’analyser l’environnement et de voir s’il n’y aurait pas un quelconque mécanisme pour vous aider. Peut-être que cette manette activant un jet de feu vous sera utile ? Coriaces et impressionnants, voire même stressants, les boss de The Evil Within seront une plaie pour certains, un plaisir pour d’autres. Avec un brin de stratégie, il sera toujours possible de s’en sortir. Avec difficulté, mais possible.
Car voyez-vous, ce n’est pas un jeu bête et méchant. Il vous met entre vos mains les outils nécessaires à votre survie. En les utilisant intelligemment, elle ne sera pas qu’un mince espoir. Par exemple, l’arbalète dispose de carreaux explosifs. Tiré sur un ennemi, il explosera au bout de quelques secondes (attention aux dommages collatéraux !). Néanmoins, il sera aussi possible de l’utiliser autrement. Tiré sur un mur ou le sol, il n’explosera pas. Ainsi, il servira de sécurité vis à vis d’un endroit sur lequel on ne peut garder un œil. Si un ennemi venait à s’approcher de lui, le carreau exploserait aussitôt, vous prévenant au passage. Il y a une forme de stratégie dans ce jeu, vous ai-je dit.
Pour autant, les monstres et les boss ne seront pas l’unique menace. Les niveaux sont en effet truffés de pièges. Bombe qui explose à votre approche, pics sortant du sol et tout un tas d’autres joyeuseries. Certains de ces pièges seront synonymes d’un trépas inévitable. Pareil avec les boss au passage si vous les laissez venir trop près de vous. Ce genre de décès seront fréquents. Il y a un petit côté die & retry, mais rien d’injuste au final. Il suffit d’apprendre de nos erreurs pour pouvoir surmonter ces obstacles.
De même, les sauvegardes, quand ce ne sont pas des checkpoints correctement placés pour éviter une certaine redondance, passent par une zone alternative, accessible par le biais de miroirs. Cette quatrième dimension se présente sous la forme d’une aile d’hôpital psychiatrique. Là une infirmière étrange vous accueille. Vous pourrez y sauver à volonté votre partie, y utiliser le gel vert pour améliorer vos compétences sur une sorte de chaise à torture mentale, et bien d’autres choses. Cet endroit à part semble sûr dans un premier temps. Pourtant, même là l’inexplicable s’invitera et en fera le théâtre de moments angoissants.
Bref, vous allez en chier et ça fait du bien. The Evil Within ne vous laissera pas souffler longtemps. La tension sera permanente, la difficulté bien présente. Plus que la peur, c’est le stress qui vous maintiendra en effroi.
Rigidité cadavérique
Reste une dernière composante qui a souvent été critiquée. Et bien non, The Evil Within n’est pas laid. Certes, il est très clairement un jeu se trouvant entre deux générations de consoles, ce qui amène inévitablement son lot de problèmes, comme des textures parfois baveuses. La version ici testée tournait sur PS4. Le framerate était la plupart du temps constant, apparemment bloqué à 30 images par seconde avec quelques baisses par endroit. Le but recherché aurait été de se rapprocher au plus près d’un aspect cinématographique. Pourquoi pas, mais un meilleur framerate, c’est aussi une meilleure lisibilité de l’action comme l’a prouvé le film Le Hobbit de Peter Jackson. C’est donc un choix artistique qui reste contestable.
La présence de bandes noires est aussi superficielle. Là encore une fois, c’est pour le côté filmique. Or, les bandes noires existent principalement parce-que nos télévisions ne sont souvent pas adaptées au formats exotiques de certains films. Cette limitation technique est certes devenue un gimmick de cinéma et on finit par s’y habituer. Mais quand même elles sont malgré tout trop grandes. Sans oublier les soucis de caméra, qui a souvent tendance à trop se coller à notre personnage. Du coup cela devient gênant pour bien voir ce qu’il se passe autour de nous.
Ces désagréments passés, on appréciera quand même l’excellente direction artistique qui redouble d’efforts pour nous offrir l’ambiance adéquate à ce monde morbide et violent. Alternant une multitude d’effets, comme des filtres de couleurs chaudes ou froides, de jolies particules, etc, qui rendent cet univers particulièrement palpable. On regrettera une réutilisation parfois abusive de certains éléments purement décoratifs, ou les chapitres à Krimson City vers la fin du jeu loin d’être époustouflants graphiquement et esthétiquement parlant.
Néanmoins, sans être une tuerie visuelle, The Evil Within fait plutôt bien les choses pour nous faire plonger dans son horreur faite sur mesure. Les musiques très efficaces et calibrées de Masafumi Takada abondent dans ce sens et savent nous faire stresser à volonté. Malgré un retard technique évident loin de faire « nouvelle génération », on sent qu’il y a eu malgré tout un travail conséquent, une véritable recherche de la part des artistes de Tango Gameworks pour faire de leur titre une sacrée petite boutique des horreurs.
Vous n’avez pas joué à Resident Evil 4
Si tel est votre cas, vous avez donc du retard à rattraper. Surtout si le survival horror est votre tasse de thé. Bien plus orienté action qu’un Silent Hill, les premiers Resident Evil ou Amnesia, son rythme reste quand même assez lent en comparaison avec un Uncharted ou un Gears of War. Foncer dans le tas est toujours possible mais non conseillé, surtout en mode de difficulté survie. Dans The Evil Within, certaines situations vont requérir de votre part un minimum de réflexion pour les appréhender au mieux.
Vous ferez face constamment à de nouveaux challenges qui ne vous laisseront que peu de répis. On est dans une tension qui va crescendo à mesure que la difficulté s’intensifie. Pour vous, jeune padawan, The Evil Within pourrait s’avérer une expérience des plus intense sans forcément bouleverser vos habitudes. C’est un jeu qui sait être efficace et prenant.
Vous avez joué à Resident Evil 4
Le vétéran que vous êtes ne sera pas énormément surpris par ce jeu. Ce que vous y verrez, vous l’avez déjà vu dans Resident Evil 4. Rien de bien nouveau vous y attendra. On y retrouve à peu de choses près la même structure. Linéaire, on passe d’une arène remplie d’ennemis à une autre avec au bout de chaque « niveau » un boss de circonstance. Comme dans le jeu de Capcom, les boss sont ici énormes et balèzes avec des patterns à discerner pour mieux s’en défaire. La majeure partie des mécaniques de gameplay de Resident Evil 4 y sont présentes. Vous avancerez donc en terrain connu, si ce n’est le côté infiltration inédit.
Sa tentative de verser dans la psychologie de comptoir fonctionne pour l’ambiance, moins dans l’émotion. C’est un jeu qui peut être magnifique dans le style, parfois moins dans sa plastique il est vrai.
Pourtant, malgré ses similitudes et ses défauts, cela reste avant tout un jeu difficile mais pas injuste, simplement exigeant. Il est aussi old school dans l’esprit mais moderne à la fois sous certains aspects. Il ne révolutionne pas grand chose. C’est peut-être là d’ailleurs sa plus grande faiblesse. Mais si vous cherchez un bon jeu de survival horror qui fasse le job, il sera le candidat idéal pour vous satisfaire.
Boxman Attack
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