On vous en a parlé il y a peu : l’étonnant projet Subaeria s’apprête à dévoiler ses premières images dans les jours à venir. En attendant de le voir bouger, le projet s’explique à travers les propos de son équipe de développement Canadienne, nommée Illogika. D’ailleurs, cela se passe comment de développer un jeu dans cette contrée ?
Illogika, c’est qui, c’est quoi ?
Illogika est une compagnie indépendante montréalaise créée par des vétérans de l’industrie en 2009. Pendant les cinq dernières années, nous nous sommes servis de notre expertise avec le moteur Unity pour développer des jeux et des applications pour des clients très divers. En 2013, nous avons décidé de développer notre premier projet interne, Subaeria.
Votre premier jeu, Subaeria, est complètement intéressant sur le papier (voir notre news à ce sujet) mais quel est son concept, exactement ?
C’est un Procedural Death Labyrinth avec une forte narration interactive. Le joueur va pouvoir incarner plusieurs personnages dans un labyrinthe généré procéduralement, et atteindre des fins différentes avec chacun d’entre-eux. En jouant sur plusieurs sessions, le joueur va découvrir comment la fin d’un des personnages influence sur l’arc narratif d’un autre. Les parties sont assez courtes, mais en rejouant on va pouvoir découvrir toutes les trames scénaristiques possibles.
Pour le gameplay, on se rapproche du puzzle-platformer. On ne peut pas tirer directement sur les ennemis (que nous appelons “robots nettoyeurs”), mais on peut utiliser l’environnement et des skills pour les manipuler, les piéger, et même faire en sorte qu’ils s’attaquent entres-eux.
La dystopie est à la mode (Bioshock, Wolfenstein…) qu’est-ce qui vous plaît dans cette idée ?
Le retour de la dystopie à l’avant-scène n’est pas une coïncidence. Aujourd’hui, le futur semble prendre le pas sur le présent, dans une fuite en avant toujours plus croissante. C’est un processus corrélatif à l’épuisement de la science fiction comme genre, alors que notre imagerie du futur peine à dépasser celle des années 1950. Nous vivons aujourd’hui en plein futur, et sommes continuellement débordés par des innovations qui sont devenues une fin en soi. Les technologies qui circulent dans Subaeria existent (presque) toutes aujourd’hui, sous une forme ou une autre (implants électroniques, nanotechnologies, gouvernement algorithmique). De sorte que la dystopie, en projetant le futur présent dans un avenir indéterminé, ne sert qu’à mettre en lumière les bouleversements actuels, tirés à leurs ultimes conséquences.
Faire un jeu « faisant appel à l’intelligence du joueur » n’a pas été très rentable pour certains ces derniers temps (Tetrobot & Co par exemple). Ça ne vous fait pas peur ?
Non, pas vraiment : Contrairement à Tetrobot & Co (qui est un très bon jeu d’ailleurs !) nous ne faisons pas appel uniquement à l’intelligence du joueur. Ses réflexes devront aussi être bien présents, car tout en réfléchissant à la meilleure manière de se débarrasser de ses ennemis, il devra éviter leurs tirs et leurs scies sauteuses. De plus le côté procédural fait que la rejouabilité est très forte.
Subaeria, d’où vient ce nom exactement ?
C’est une excellente question, car le jeu a souvent changé de nom ! Au début, nous l’appelions “2084” qui était une référence au roman d’Orwell. Avec le succès de 2048, nous avons eu cependant peur que le public se mélange les pinceaux. Nous avions donc opté pour “Code Bleu” , qui était un nom provisoire, représentant à la fois l’état d’urgence et l’univers aquatique de notre jeu. Nous avons finalement opté pour le nom définitif “Subaeria”, qui se rapproche de l’adjectif “subaerial”, ce qui signifie “sous les airs”. Normalement, ce que l’on retrouve sous les cieux, c’est la surface terrestre, or justement, dans Subaeria, la terre a été inondée suite à une montée des eaux… et tout le monde cherche une terre à laquelle s’accrocher.
Comment cela se passe t’il avec le Fond des Médias du Canada, surtout avec un projet sans aucune popularité actuelle ? Comment vous ont ils choisis ?
Le FMC finance les projets en fonction de quatre critères : La solidité de l’équipe et les compétences de ses membres, le côté innovant du jeu, son modèle d’affaires et sa stratégie de distribution. N’importe quel studio canadien peut postuler pour obtenir une aide financière, dans trois catégories différentes, qui correspondent à la pré-production, la production et la mise en marché. Nous avons directement postulé pour une aide en production car nous avions déjà un prototype jouable. D’après le jury qui a jugé notre dossier, si Subaeria a été choisi c’était principalement grâce à l’expérience passée de l’équipe et grâce à notre gameplay innovant.
Vous bénéficiez du FMC. En France, nous avons le CNC. Quelles sont les différences fondamentales pour vous ?
Nous ne sommes pas experts du CNC, mais de ce que nous avons entendu, le CNC finance beaucoup moins de projets que le FMC. Par ailleurs, un projet financé par le CNC peut recevoir jusqu’à 200.000 euros maximum, contre environ 700.000 euros pour le FMC. C’est une aubaine pour beaucoup de studios canadiens, car le FMC a financé un grand nombre de jeux, comme Contrast, Outlast, Papo y Yo, Guacamelee! …
Parlons davantage du jeu et de ses mécaniques : on sait que c’est un rogue-like en 3D… Quelles sont vos inspirations premières en termes de jeu vidéo ?
Au niveau de la génération des labyrinthes et des skills, nous nous sommes fortement inspirés de The Binding of Isaac. Pour le gameplay, qui consiste à jouer avec l’environnement, il y a une petite inspiration de Portal. The Stanley Parable a également été une source d’inspiration, particulièrement en ce qui concerne plusieurs histoires courtes, qui recommencent différemment. L’univers scénaristique peut rappeler les dystopies de Bioshock, ou celles de Deux Ex.
On sait que l’histoire se concentrera sur des cultures et des classes sociales différentes. Le jeu aura t’il pour but d’être porteur d’un ou plusieurs messages ? C’est l’un de vos buts premiers ?
La question est plutôt de savoir si cela est même possible de ne porter aucun message. En assumant cette impossibilité de la neutralité, Subaeria se situe davantage dans la prolifération de sous-entendus, la saturation de sens. Le fait que les dialogues soient inspirés d’idées reçues et de lieux communs du quotidien ne fait qu’accentuer ce côté “subliminal” du jeu, ouvert à de multiples interprétations. Subaeria est un microcosme de la vie sociale contemporaine, et chacun(e) y trouvera son compte.
Pour l’instant, on a surtout vu de jolis concept-arts. On peut espérer voir tout cela en mouvement pour quand, exactement ? (comment cela, impatients ?)
On prévoit de partager des vidéos de gameplay vers la fin novembre, et on table sur une sortie du jeu vers juin 2015
Vous passerez par un peu de crowdfunding ou tout va bien pour vous, pour l’instant ?
Pour l’instant tout va bien, car nous avons notre financement du FMC…Mais mi-2015, c’est encore loin, et beaucoup de choses pourraient changer d’ici là. On ne l’exclue donc pas complètement !
Bonne continuation à vous et surtout, tenez-nous vite au courant de vos avancées !
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