Quand on voit Randal’s Monday, on comprend pourquoi Daedalic a jeté son dévolu sur le titre des espagnols de Nexus Game Studios. De toute évidence, ils partagent le même goût pour le cocktail savoureux d’une aventure en pointes et clics dans un écrin de joliesse graphique. Avec ses lignes de comics strip, Randal’s Monday se dévoile sous le jour d’un humour parfois potache, souvent noir, mais toujours avec un regard tourné vers l’âge d’or du genre. Mais oublions un instant l’héritage de Lucas Art pour rendre justice à ce jeu qui ne démérite pas une seule seconde. Car s’il y a bien une chose qui ne lui fait pas défaut, c’est le fait d’avoir une personnalité. Et quelle personnalité !
I Got You Babe
Tout commence lors d’une soirée un peu trop arrosée. Randal fête les fiançailles de son meilleur ami Matt et de sa copine Sally. Comme à son habitude, Matt boit beaucoup trop et les flots verdâtres de l’enfer se déverse de sa bouche au sol. Une soirée entre potes somme toute assez normale en quelque sorte. C’était sans compter sur Randal, l’anti-héros par excellence. Cleptomane et sociopathe tel qu’il est décrit par ses créateurs, il ne se gênera pas pour revendre l’anneau que son ami destinait à sa fiancée. Seulement voilà, le préci… pardon l’anneau n’en fait qu’à son doigt et décide de foutre en l’air la vie de notre protagoniste principal pour notre plus grand bonheur.
Et là, c’est le drame. Randal perd son job, son pote Matt se suicide en se grillant à point dans son four-o-matic 9000 et il se retrouve du coup avec un inspecteur de police hargneux sur les baskets. Tel un Bill Murray perdu dans un télé-crochet avec Sonny & Cher, Randal va revivre son lundi sans soleil jusqu’à ce qu’il répare ce qu’il a défait. La tâche sera longue. Elle sera ardue.
Jeu d’aventure jusqu’au plus profond de son adn, Randal’s Monday lorgne sans problème du côté des Day of the Tentacle et autre Sam&Max. Il ne se prend pas au sérieux. Son intrigue repose sur une accumulation de scènes toutes plus loufoques les unes que les autres. Ses énigmes seront parfois ô combien tordues semblant issues de la logique d’un autre monde. Le capillotractage est ici à un niveau élevé. Mais on se marre bien des problèmes de Randal.
Durant sept jours, plus ou moins, vous devrez jouer des méninges et d’intuition féroce pour débloquer chaque situation qui vous mèneront à une fin tant méritée. Ce qui fonctionne le mieux avec un point and click, chantre absolu du gameplay narratif, c’est de nous surprendre. C’est tout à fait le cas pour Randal. Un personnage ou un événement viendra nous prendre à revers alors qu’on s’y attend le moins. Si notre anti-héros n’est pas de la meilleure des compagnies en temps normal, on peut en dire tout autant des autres habitants de sa ville. Le casting est fort en caractère que des dialogues bien chaloupés viennent soutenir avec ferveur. Les répliques fusent parfois à grande vitesse tandis que les références geek s’enchaînent à 88 miles à l’heure.
Get Him to the Geek
Lors de mon passage chez Daedalic pendant la Gamescom de cette année, les « parents » de Randal’s Monday étaient super enthousiastes vis à vis de leur bébé. Ils n’ont cessé d’insister sur la multitude d’hommages rendus à toute la pop culture qui avait du forger autant leur enfance que la mienne, ou la vôtre chers lecteurs. Si vous avez déjà mis un pied dans une forêt plutôt que de rester le nez planté devant vos écrans, il vous sera impossible de tout reconnaître. Pourtant, je me suis personnellement fait peur à quel point je reconnaissais un paquet de trucs.
Que cela soit des objets dans le décor, dans ce que se disent les personnages ou même dans l’intrigue elle-même, qui pourrait être décortiquée comme un amalgame d’influences que je ne saurai renier, il y en a littéralement de partout. Le Seigneur des Anneaux, Un jour sans Fin, les Tortues Ninja, Retour vers le Futur, Ghostbusters,… Randal’s Monday transpire le meilleur de nos années 80 et 90. On imagine aisément le casse-tête que cela a dû être pour leurs avocats avec autant de clins d’œil à d’autres licences réputées. Au passage, Nexus Game Studios règle quelques comptes comme avec le Parrain III.
Il n’y a pour autant pas la nécessité de se cataloguer geek ou d’en avoir les connaissances pour apprécier Randal’s Monday. Il s’agira peut-être seulement d’un plus, notamment pour comprendre certains traits d’humour. L’humour, on peut en parler d’ailleurs. Coincé entre une haine pour les rats volants, un gamin autant démoniaque que tête à claques, on se demande parfois où l’on a bien pu débarquer. Ne vous fiez pas à son graphisme tout rond en couleurs pleines. C’est un jeu mature. Le propos est parfois injurieux, adulte et l’humour souvent très noir avec une pointe de gore.
Randal’s Monday ne s’embarrasse pas une seule seconde à se tenir correctement. C’est souvent trash sans pour autant être vulgaire. Enfin il essaye, mais parfois rien n’arrête Randal Hicks dans son délire. Tuer des pigeons, voler une tarte à une vieille dame, se prendre la tête avec un vieux clodo ou encore composer un cocktail alcoolisé douteux, on est clairement pas ici pour jouer les nonnes. Randal’s Monday verse très souvent dans l’irrévérencieux. C’est ça qui est bon. Bon par contre dans sa joyeuse folie qui est la sienne, il n’a pas oublié d’être diablement difficile avec des puzzles bien rugueux qui vont vous pousser à penser en dehors des sentiers battus. Challenge accepté ?
Un lundi sans fin
Un tour dans les options permet de voir que les p’tits gars de chez Nexus ont eu la politesse d’offrir un mode de jeu à l’ancienne ou moderne. Même si la nostalgie vous parle, on ne peut nier que le nouveau système a l’avantage d’offrir plus de confort en étant moins lourdingue. Ce qui n’est malheureusement pas le cas du menu d’inventaire présenté sous la forme d’un comic book.
Par exemple, en tentant d’associer un objet issu de cet inventaire avec un quelconque élément du décor ou un personnage, celui-ci disparaît aussitôt nous obligeant à le rouvrir pour pouvoir l’utiliser à nouveau. Il en est de même pour l’association d’objets entre eux dans le dit inventaire. En somme, cela devient assez vite agaçant. On pourrait se dire que c’est pour nous forcer à réfléchir plutôt que de cliquer frénétiquement. Sauf que par endroit, les associations d’objets comme les énigmes sont loin d’être évidentes. De ce menu d’inventaire indigeste, la frustration possible sera.
On est dans un univers loufoque et en tant que tel, on ne sera pas étonné par le côté délirant et drolatique de certains de ces puzzles. Le menu d’inventaire montre alors très vite ses limites et pose problème plus qu’il ne nous aide. Or, on avance assez librement, ramassant parfois un objet qui pourrait très bien n’avoir une utilité que bien plus tard. En ayant alors autant de foutoir dans notre besace, il devient parfois compliqué de savoir comment faire. Surtout que le niveau de difficulté se révèle assez élevé. Ce n’est pourtant pas un problème d’ailleurs. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.
Au contraire, cela fait un bien fou d’être enfin en face d’un jeu qui ne nous facilite pas les choses au nom de la narration avant tout. Randal’s Monday ne trahit en rien ses aînés et nous offre le même niveau de qualité. Une bonne histoire, plein d’humour, des personnages forts en gueule, un doublage excellent et de très bonnes musiques. Pour ne rien gâcher, les énigmes sont un réel challenge pour le joueur qui en veut l’obligeant à devenir créatif dans sa façon de penser tant certaines sont réellement d’un haut niveau de compétition.
Conclusion
Si vous avez aimé les Monkey Island et cie, Randal’s Monday devrait vous convaincre. Mis à part son « nous-les-brise-menu » d’inventaire, c’est un jeu d’aventure équilibré avec de quoi faire de longues heures durant. Sans avoir la lâcheté d’utiliser le système d’indices, vous devriez en avoir pour un moment avant d’arriver au bout. Moi ? Je l’ai seulement utilisé pour avoir l’achievement sur Steam. Hum…
On se retrouve régulièrement bloqué. La solution trouvée, on pousse un soupir de soulagement en se disant à quel point on a été bête de ne pas y avoir pensé plus tôt. Et c’est terriblement bon. On passe réellement un agréable moment en compagnie de Randal et ses amis (ou ennemis). L’histoire est rondement menée, le rythme superbement géré. Les méninges constamment sollicitées. Bien évidemment, on ne niera pas qu’il y a quelques puzzles absurdes. Je me demande d’ailleurs à quoi on carbure chez Nexus tant les leurs sont parfois tordus de chez tordu. Bref, n’hésitez pas à changer vos perspectives, vos points de vue. Vous en aurez besoin.
Pour parler plus personnellement, c’est un titre que je suis depuis longtemps déjà. Ses promesses, je les ai attendu avec impatience et il ne m’a pas déçu. J’adore son look de dessin animé et son humour cinglant. J’aime son amour de la pop culture, de ma culture. J’ai eu peur qu’il s’y noie. Mais en fin de compte, non. Il s’en sort haut la main et se pose là comme un sérieux prétendant au trône. On sent bien les nombreuses années passées sur son écriture. Les dialogues sont réellement top.
Pour résumer, Randal’s Monday est un jeu d’aventure, un point and click assez classique et bien réalisé. Bourré d’hommages, il n’oublie pas d’avoir une âme propre et se permet d’être drôle et passionnant. Et coriace avec ça. Vous en aurez pour votre argent. Et Randal sera plus que ravi de vous le prendre. Un jeu à ne pas rater.
*Aucun chat n’a été blessé lors de ce test
Qu’est ce que ça fait du bien de rigoler devant un jeu.
Je viens de commencer le jeu, et je rigole bien. Je trouve que ça fait un peu sitdom à l’américaine (style How I Met Your Mother ou The Big Bang Theory. Et puis les dialogues sont à mourir de rire, pour l’instant c’est une petite surprise.