Cela faisait quelques temps que je voulais parler de game jams. Le Ludum Dare 31 étant tout proche (ça commence dans la nuit de vendredi à samedi), je me suis dit que le moment serait finalement bien choisi pour écrire cet article. Le but ici est de partager ce que j’ai pu apprendre en faisant des jams ou les conseils qu’on a pu me donner, afin de permettre à ceux qui voudraient se lancer dans l’aventure d’en bénéficier. Bien sûr, il ne s’agit nullement d’une marche à suivre mais plutôt de conseils qui se sont avérés utiles dans mon cas, et qui pourraient profiter à d’autres.
Une jam c’est quoi ?
Commençons d’abord par rappeler brièvement ce qu’est une jam. Le principe est simple : les participants se voient allouer un temps limité (en général 48h, mais il y a de tout) pour créer un jeu, seul ou à plusieurs, sur un thème imposé ou de manière libre. Il existe ensuite de nombreuses règles spécifiques à chaque jam, imposant des contraintes techniques, de design, etc… mais le principe de base est toujours celui-ci.
Dans le cas du Ludum Dare, dont la 31ème édition commence dans la nuit de vendredi à samedi donc, il y a deux types de compétition : la première, l’originale, est la compo : les participants ont 48h pour faire un jeu seul, et en créant tous les éléments du jeu (graphismes, code, sons,…) eux-mêmes. C’est l’épreuve reine, celle qui a fait la renommée de l’événement. La deuxième, apparue plus tard, est la jam classique : les participants peuvent se mettre en équipe et ont 72h pour réaliser un jeu. Dans les deux cas, la jam impose un thème que les participants s’efforcent (plus ou moins) de respecter.
Voilà pour la présentation générale de la jam. En général c’est assez intense, on dort relativement peu, et on en sort avec un jeu plus ou moins abouti et plus ou moins bien fini… mais heureux et fier.
Conseils pour bien aborder une jam
Maintenant que les présentations sont faites, entrons dans le vif du sujet. Le but de cet article est de proposer quelques conseils et astuces pour bien profiter d’une jam, essayer de finir son jeu et surtout, prendre du plaisir. Comme je le disais plus haut, le but est de partager ce que j’ai pu apprendre ou les conseils qu’on a pu me donner, mais il ne s’agit en aucun cas d’une procédure à suivre. D’ailleurs, si vous avez-vous-même des conseils ou remarques, n’hésitez pas à réagir dans les commentaires !
1) Prenez du recul… au début
Personnellement, au début d’une jam j’aime prendre le temps de réfléchir, faire quelques dessins rapides ou des petits prototypes pour tester des concepts et trouver une idée que j’ai envie d’explorer. C’est d’autant plus vrai quand c’est une jam en équipe, où prendre le temps d’échanger et de challenger les idées les uns des autres permet souvent d’arriver à un bien meilleur résultat que si on avait commencé avec la première idée.
Une jam se fait souvent dans l’urgence, et je pense que c’est justement au tout début que l’on peut se permettre d’expérimenter des concepts et de faire des tests avant de partir pour de bon sur une idée. Cela peut sembler du temps perdu, mais prendre le temps de se fixer sur une idée qui vous plaît vraiment et qui semble avoir du potentiel sera profitable au projet sur la durée.
2) De l’importance du prototype
Le dénominateur commun de toutes les jams, c’est la limite de temps. C’est en général très court et il est important d’avoir quelque chose de jouable le plus rapidement possible. Essayer d’obtenir un prototype, même très moche, qui valide le concept de base du jeu est essentiel pour ne pas se retrouver bloqué plus tard avec une idée qui ne marche pas. Quand on parle de prototype, il y a une analogie que je trouve intéressante:
Admettons que vous vouliez construire un véhicule. Une méthode pour ce faire serait de commencer par construire un moteur, puis des roues, un cadre,… pour au final se retrouver avec une moto. Oui mais si un élément pose problème ou que vous manquez de temps pour assembler toutes ces pièces? Vous vous retrouvez avec un beau tas de pièces détachées, mais en aucun cas un moyen de transport. Maintenant considérez de commencer par construire une trottinette: c’est tout simple,et vous obtiendrez rapidement un produit qui répond à votre besoin. S’il vous reste du temps, vous pourrez améliorer cette trottinette pour en faire un vélo, puis, soyons fou, une moto. L’avantage de cette seconde méthode, c’est qu’une fois que la base (la trottinette) est là, vous pouvez vous permettre d’itérer et de rajouter du contenu parce que votre produit est déjà fonctionnel et que vous pouvez déjà le tester.
Je trouve l’analogie très parlante parce qu’elle démontre l’avantage de partir d’un prototype : on peut potentiellement s’arrêter à tout moment, le produit est fonctionnel. Pour un jeu de jam, savoir que l’on a un cœur solide et qu’on peut itérer dessus et le raffiner en s’arrêtant presque à tout moment, ça a l’avantage de rassurer : le jeu est déjà là, le temps passé dessus permet de le rendre plus grand, plus beau, meilleur. Pas de le rendre fonctionnel.
3) Faites simple… et puis faites plus simple encore
Ce point va de pair avec le précédent. Il arrive régulièrement de partir sur des jeux trop ambitieux et de se rendre compte à mi-parcours que ça ne fonctionnera pas. Ce que j’essaie de faire en général, c’est de résumer le jeu que je veux faire en le décrivant en une phrase. C’est une manière très artificielle de m’assurer que le concept de base n’est pas trop complexe ou ambitieux. De toute façon, neuf fois sur dix ça l’est quand même et je me retrouve à enlever du contenu, des niveaux, des mécaniques,…
De la même manière, une fois que vous êtes lancé dans la création du jeu, si vous anticipez un manque de temps pour le contenu que vous envisagiez, n’hésitez pas à supprimer des parties. Que ce soit un seul niveau au lieu de plusieurs, un seul type d’ennemis ou même une arme qui disparaît par manque de temps, supprimer des morceaux du jeu, même importants, fait partie intégrante d’une jam (et même de la production classique d’un jeu vidéo, c’est dire). Et puis parce que je manque d’images dans cet article et que la citation s’applique très bien, voici des mots sages de Saint-Exupéry:
4) Le thème guide mais ne doit pas brider
Je me suis parfois retrouvé avec un jeu dont le rendu final était un peu éloigné du thème de la jam. Et ça n’est finalement pas très grave. Certes dans le cas du Ludum Dare ça m’a valu des points en moins pour le respect du thème, mais je pense que ce n’est pas un mal si le fait d’itérer et de faire évoluer le jeu nous éloigne du thème imposé.
Ce que je veux dire c’est que je vois davantage le thème comme un élément pour guider la réflexion et donner un cadre, mais pas comme une contrainte à respecter à tout prix. Si vous vous retrouvez au bout de 20 heures avec un jeu fun qui n’a plus qu’un vague rapport avec le thème, et bien c’est une jam réussi ! Et si vraiment le thème commence à ne plus se voir, un élément graphique peut toujours aider à le rappeler.
5) Prenez du recul… au milieu
Bloqué sur un bug ou un problème de design depuis longtemps ? N’hésitez pas à aller prendre l’air ou dormir un peu, s’aérer l’esprit permet de prendre du recul et de revenir avec un regard neuf sur le problème. Prenez aussi le temps de manger et de vous reposer, même si vous avez l’impression de perdre du temps, sur le long-terme cela vous sera bénéfique. Une jam dure quand même plusieurs jours, refuser de dormir ou de vous alimenter en pensant gagner du temps ne vous sera pas bénéfique, bien au contraire. Enfin, n’hésitez pas non plus à demander des retours sur votre jeu autour de vous ! Ce qui nous amène au point suivant…
6) Ne restez pas seul
Même si vous avez décidé de faire seul la compo du Ludum Dare en 48 heures, travailler entourés d’autres personnes qui participent aussi est vraiment bénéfique, pour plusieurs raisons :
- Parce qu’en plus de faire un jeu on rencontre d’autres dévelppeurs qui sont là pour les mêmes raisons que nous, et le but d’une jam est aussi de rencontrer d’autres personnes.
- Parce que cela permet de faire tester son jeu et de demander conseils, et quelqu’un d’extérieur au projet aura toujours beaucoup plus de recul que vous, qui travaillez dessus depuis 10h non-stop.
7) Des problèmes il y aura
Tant que possible, essayez au maximum de ne plus ajouter de mécaniques ou d’éléments importants qui risquent de casser quelque chose dans votre jeu quelques heures avant le rendu final. Consacrez plutôt ces dernières heures à ajouter les derniers éléments graphiques, vérifier qu’il n’y a pas de bug majeur,… bref, peaufiner le jeu.
Parce que quoi que vous fassiez, il y aura toujours un problème à la fin. La loi de Murphy s’applique incroyablement bien aux game jams. De manière générale, essayez d’anticiper tous les problèmes inattendus que vous pourriez rencontrer sur la fin du développement et testez-les pour éliminer le maximum d’inconnus:
- Si vous devez builder votre jeu pour pouvoir le partager, faites-le régulièrement au cours de la jam pour vous assurer que ça fonctionne.
- Si votre jeu nécessite un upload, prévoyez un peu de temps pour le faire et vérifier qu’il n’y a pas de problème de taille, de format,…
- Faites des backups (sauvegardes) réguliers pour pouvoir revenir à une version antérieure si vous provoquez un bug que vous n’arrivez pas à fixer.
8) Rendez votre jeu
Quelle que soit les difficultés que vous ayez rencontrés, quelle que soit la qualité du jeu que vous ayez fait… rendez-le. Ne laissez pas une quelconque gêne ou fierté mal placée vous priver de cette satisfaction de pouvoir soumettre votre jeu et vous dire que vous l’avez fait.
9) Prenez du recul… à la fin
Vous avez fini, la jam est terminé et vous avez rendu quelque chose. Que le projet se soit déroulé comme prévu ou non, que le jeu que vous ayez rendu soit à la hauteur de vos espérances ou non, vous pouvez être fier. Une game jam est une épreuve éprouvante et difficile, et le fait d’avoir rendu quelque chose montre votre détermination et votre implication. Alors soyez fiers de vous!
10) Prenez du plaisir
Je mets ce conseil à la fin parce que sinon c’est pas drôle. Le but premier d’une jam, avant même de faire un jeu, c’est à mon sens de prendre du plaisir. Alors ne prenez pas ça trop au sérieux non plus et amusez-vous. Profitez-en pour échanger avec d’autres développeurs, tester les jeux des autres, bref, passer un bon moment.
Je vous remercie de m’avoir lu jusqu’au bout ! C’était mon premier article pour Game Side Story, j’espère qu’il vous a été utile. N’hésitez pas si vous avez une remarque ou une réaction, je serais ravi de pouvoir échanger dans les commentaires. Vous pouvez également me poker sur Twitter.
Thomas de Rego
Vraiment super! Rien n’a été oublié! 😀
Amicalement!