Deux ans avant la création de Game Side Story débarquait un drôle de site, original, frais, nécessaire : l’Ouvroir de Jeux Vidéo Potentiels. L’Oujevipo, comme il s’appelle en condensé, propose de découvrir plusieurs petites perles vidéoludiques créés avec les moyens du bord, en Jam, sous la pression ou par simple folie de concepteur, avec des thèmes simples et une certaine contrainte de temps. Depuis, le site est devenu une référence…
Il n’y a que l’Oujevipo pour parler de ces jeux là et le voilà qui a besoin d’un peu d’argent pour survivre. 50 € par mois minimum, exactement. Et pour cela, son créateur Pierre Corbinais (l’excellent narrateur Pierrec, pour les intimes) a lancé une campagne Tipeee. Vous pouvez donner de 1 à 20 € par mois pour défendre le site et lui permettre de survivre aux hivers qui approchent. En attendant, il a surtout pris le temps de nous donner son Top 5 de l’année avec une sélection globale de belle allure !
The Banner Saga
Les choses que je préfère dans un jeu vidéo (en dehors de l’expérimentation) sont la narration et la tactique. The Banner Saga mélange les deux, et il vient même y saupoudrer un peu de gestion. Empruntant à la fois à Oregon Trail, au légendaire King of Dragon Pass et aux RPG tactiques type Xcom, il parvient en plus à créer un gameplay de combat original, réunissant en une même variable barre de vie et barre de force : Duh ! Évidemment que notre force de frappe est liée au nombre de coups que nous avons nous-mêmes pris, pourquoi personne n’y avait pensé avant ?
Ajoutez à ça des graphismes au style BD particulièrement séduisants sur fond de mythologie nordique (contexte qu’on croise assez rarement dans les jeux vidéo) et oui, vous obtenez mon jeu vidéo de l’année 2014. Alors oui, The Banner Saga a quelques défauts, notamment le fait qu’une deuxième partie suffit à dévoiler les faibles conséquences de nos actions. Mais la rejouabilité, c’est très surfait. J’adore Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard, ce n’est pas pour ça que je le regarderais deux fois de suite.
Gods Will Be Watching
J’avais adoré la version jam de Gods Will Be Watching, je n’ai pas été déçu par la version commerciale. Il semble que ce n’est pourtant pas le cas de tout le monde.
À la croisée du jeu de gestion, du puzzle et du jeu narratif, Gods Will Be Watching ne ressemble à rien d’autre. Il a pourtant bien fallu le vendre, et lui trouver une catégorie, c’est pour cela qu’il a été présenté sur les plateformes de ventes comme un « thriller point & click ». Les Chevaliers de Baphomet pourrait être considéré comme un « thriller point & click », Gabriel Knight pourrait être considéré comme un « thriller point & click », mais certainement pas Gods Will Be Watching. Gods Will Be Watching c’est avant tout un puzzle, un problème mathématique à comprendre et résoudre, et il n’est pas étonnant de voir que ceux qui y recherchaient de l’aventure aient été déçus.
Gods Will Be Watching n’est pas une promenade de santé, c’est une prise d’otage, une scène de torture, une bombe à désamorcer, littéralement et métaphoriquement. Sa difficulté est élevée, et c’est justement tout son intérêt. Pour ouvrir une nouvelle voie du jeu vidéo, Gods Will Be Watching n’a pas gentiment frappé, il a défoncé la porte à coups de pieds.
Out There
En lançant Out There pour la première fois, je croyais retrouver les sensations de Faster Than Light sur mon téléphone portable, mais c’est finalement celles de StarFlight que j’ai retrouvé, et le plaisir n’en était que plus grand.
Out There est une odyssée spatiale en solitaire s’inscrivant dans le genre du rogue-like. Cela signifie qu’il s’agira de voyager de planète en planète en ménageant ses ressources (fuel, oxygène et fer ,pour les réparations), collecter des plans et matériaux pour améliorer notre vaisseau, et surtout, que la mort y est irrémédiable. Out There est donc un jeu qui doit se jouer 10 fois, 20 fois, 100 fois si on veut espérer en voir la fin…et ça tombe plutôt bien, puisqu’on y rejoue avec plaisir.
Je ne suis toujours pas parvenu à trouver toutes les fins d’Out There, il faut dire que les bonnes décisions ne suffisent pas, et qu’une bonne dose de chance est aussi nécessaire, mais je ne désespère pas, et attends avec impatience la mise à jour Oméga pour m’y remettre et retenter ma chance.
Hitman GO
Je n’ai jamais joué à aucun Hitman. À douze ans pourtant, j’ai lu et relu la soluce du premier opus dans un magazine Gen4. Je me souviens notamment d’une capture d’écran sur laquelle 47 étranglait un garde avec une corde à piano. Se faufiler de cachette en cachette, se débarrasser des gardes un par un en toute discrétion, cela avait l’air excitant ! Malheureusement, ce n’était pas pour moi : à l’époque déjà, j’avais dû tirer un trait sur les FPS et TPS, incapable de me repérer dans un espace en 3D.
La sortie d’Hitman GO 14 ans plus tard m’a enfin permis de jouer à cette licence, transformant le jeu d’infiltration à la troisième personne en un jeu de réflexion aux atours de jeu de plateau. J’ai adoré la conception graphique d’Hitman Go (décors façon maquettes, figurines…), mais pas autant que son gameplay, qui réussit à conserver les sensations d’un jeu d’infiltration en les moulant dans un système tour par tour réglé comme du papier à musique. Une partition pour corde à piano.
Always Sometimes Monsters
Sous l’apparence d’un RPG, Always Sometimes Monsters est un jeu narratif qui nous mettra face à divers dilemmes moraux. Allons-nous signer ce contrat en abandonnant notre partenaire ? Allons-nous faire les poches des manteaux de la consigne pour pouvoir nous payer un sandwich ? À quoi sommes-nous prêts pour ne pas dormir dehors ce soir ? Chaque choix a des conséquences, et quand bien même on chercherait d’abord à rester dans les clous, à ne blesser personne, la nécessité nous poussera peu à peu à reconsidérer notre éthique. Le verdict sera alors sans appel : il y a toujours une part de monstre en chacun de nous.
Pourtant, ce ne sont pas ces dilemmes moraux qui m’ont semblé dans Always Sometimes Monsters les choix les plus difficiles. Ce sont dans les petites choses, mêlées aux grandes, que le jeu prend toute sa saveur. La première chose qui nous sera demandée, c’est de choisir avec qui trinquer lors d’un cocktail réunissant tous nos amis, et c’est peut-être le plus beau de tout ce qu’Always Sometimes Monsters a à offrir. C’est en effet cette décision, en apparence anodine, qui sera la plus dure à prendre, et, trinquant naïvement avec le personnage nous semblant le plus sympathique, nous venons en réalité de choisir celui que nous incarnerons durant le reste de la partie. Jamais une sélection de personnage dans un jeu vidéo n’a été si belle et si naturelle.