Alors que les grands de ce monde ont déjà tous donné leur avis sur Batman Arkham Knight, nous disant à quel point c’est un jeu magnifique et excellent sur bien des points, me voilà, arrivé après la bataille malgré moi, pour vous en dire ce que j’en ai réellement pensé. Si vous vouliez m’en faire l’honneur, plongez dans la suite.
The Batman
Après nous avoir fait explorer les méandres d’un asile de dangereux psychopathes, une ville-prison infestée de criminalité organisée, tout en essayant d’oublier les origines d’Arkham au passage, voilà enfin Rocksteady qui nous revient aux manettes pour un dernier tour de vigilance, cette fois-ci au coeur de Gotham.
Action, polar, thriller, baston millimétrée, du fantastique au goût gothique, le cocktail habituel et apprécié du rongeur ailé le plus célèbre au monde était là de façon spectaculaire et presque intimiste. Des quatre murs de l’asile, sa suite devait faire plus grand encore. Arkham Knight dans la logique des choses, se le devait aussi. La continuité dans la surenchère est respectée, étant donné que Knight offre un terrain de jeu bien plus vaste que Arkham City. Gotham se montre enfin sous les traits de Rocksteady. Ou tout du moins, une partie.
A pied, les rues sont larges, les bâtiments gigantesques. Derrière le gris des pierres et du métal de ces derniers, des néons pullulent et délivrent un chapelet de couleurs lumineuses comme autant de point de repère dans cette nuit qui ne semble plus vouloir en finir. Cette fois-ci, on retrouve un Batman/Bruce Wayne épuisé pour ce qui pourrait bien être sa dernière nuit. L’épouvantail est dans la nature et bien décidé à répandre sa vision de la peur sur Gotham. Demain, le monde. Il est aidé dans sa tâche par un individu inconnu au bataillon et spécialement créé pour ce jeu, le Chevalier d’Arkham.
D’un côté, nous avons donc le Chevalier Noir, protecteur de la veuve et l’orphelin, et de l’autre le Chevalier d’Arkham qui n’a qu’une seule envie : le tuer. Et il ne rigole pas tant il est aidé en cela par une véritable petite armée : soldats équipés en armes lourdes et surtout des tanks qui iront patrouiller dans Gotham. La ville gothique par excellence est donc isolée du monde extérieur, avec pour faire la différence seulement Batman et quelques policiers.
They see me rollin’
C’était sans compter sur l’ingéniosité de Lucius Fox et de ses gadgets. Dans une tentative de rétablir l’équilibre entre lui et les mécréants d’en face, le Batman fait appel à sa Batmobile 2.0. Quand on l’appelle de la pression d’une touche, parfois, la caméra se positionne, se recadre, de façon à offrir l’angle de vue parfait pour la voir arriver, son moteur ronronnant avec férocité. Au départ, elle n’est qu’une immense masse noire dotée de quelques points lumineux étant ses phares. A mesure qu’elle approche, sa silhouette impressionne.
Comme pour chaque gadget de la Bat-ceinture, sa première apparition s’accompagne d’une présentation digne des meilleurs showfloors, vous faisant l’étalage de ses compétences. Une pression de la gâchette, et la voilà qui démarre au quart de tour. Qu’ils soient à pieds ou en voiture, les bandits de base, qui ont pris possession des rues de Gotham, nous fuient comme la peste. Car cette Batmobile est dangereuse. Elle roule vite, encore plus avec l’aide d’un boost limité mais performant, et sa robustesse fait qu’elle passe comme dans du beurre dans bon nombre de murs, véhicules, barrières, etc.
Engin de destruction massive, de la pression d’une autre gâchette de la manette, la voilà qui se métamorphose instantanément en un tank capable de se déplacer avec une fluidité hors du commun. Sous cette forme, mitraillette et canon à gros diamètre seront vos aides. D’une pression, elle peut strafer sur la gauche et la droite pour esquiver avec talent. Il est ainsi possible de passer du mode course au mode combat en une demi-seconde. La transformation est immédiate, fluide et répond sans faillir. Après un temps d’adaptation, c’est un plaisir que de conduire un tel engin.
Contrairement à ce que j’ai déjà pu lire, cette Batmobile est un véritable hommage aux anciens modèles qui ont caressé notre enfance et nous ont fait rêvé d’avoir la même. Elle a un derrière imposant, une allure militaire qui rappelle celle de Lucius Fox dans les films de Christopher Nolan tout en gardant des courbes sans doute héritées de celle du premier film Batman et de Batman Forever. Son style est presque organique, et ce encore plus quand on la voit se mouvoir et se transformer avec aisance et fluidité.
Seulement voilà, Gotham et Arkham Knight en souffre quelque peu car elle est omniprésente. Elle représente à elle seule une bonne partie du gameplay de ce volet. Rocksteady, et c’est tout à leur honneur, ne voulait pas que cette machine ne devienne qu’un gimmick pour faire joli. La Batmobile est par conséquent centrale dans les mécaniques du jeu comme si ces dernières avaient été (re)pensées autour d’elle.
Gotham en devient presque secondaire et apparaît sous un nouveau jour. La ville de Bruce Wayne devient alors un immense circuit, quand elle n’est pas un champ de bataille, pour lui et sa voiture sur-vitaminée. Même les énigmes du Riddler (L’Homme Mystère) ont été conçues en fonction de l’engin de la chauve-souris.
Pourtant, cette machine infernale n’est pas aberrante, ni de trop. Elle ne phagocyte pas tant que ça le temps de jeu qui aurait pu être placé ailleurs. Dans sa jouabilité et dans ses capacités, elle n’est que le prolongement motorisé et évident de la combinaison de Batman. Rocksteady a si bien fait son travail, que le Batman s’intègre de façon très naturelle à son véhicule. On l’appelle du bout d’une touche de manette, et la voilà qui arrive. Sans transition ou presque, on est déjà dedans prêt à débouler dans les rues de Gotham.
S’il est vrai que la lassitude peut guetter à mesure que l’on l’utilise, même il faudra avoir accumulé beaucoup trop d’heures de jeu pour s’en rendre compte. La Batmobile n’est pas un corps étranger dans Arkham Knight. Au contraire, elle a été pensé comme l’appendice naturel du Batman, comme une évidence s’y intégrant parfaitement.
Gotham, parc d’attraction
Cependant, malgré le rôle essentiel que semble jouer la Batmobile, Arkham Knight reste un jeu Batman conçu par Rocksteady. On y retrouve toujours le système de combat caractéristique de la série, qui en plus des inévitables nouveaux mouvements et gadgets, a été délicieusement affiné. Pour avoir relancé Arkham City histoire de comparer ce qui peut l’être, les coups dans Arkham Knight ont plus de punch, donnent l’impression de faire plus mal encore, et alterner entre chaque ennemi semble désormais plus naturel grâce à un justicier plus rapide et puissant. Cette nouvelle souplesse s’accompagne de son lot d’ennemis plus variés, obligeant à plus de vigilance et de dextérité, même si paradoxalement, les combats sont loin d’être très difficiles.
Le reste est toujours le même mélange de grimpette et d’exploration avec des phases d’infiltration forcées par rapport à des adversaires lourdement armés. Le plaisir est donc toujours présent, et on appréciera d’autant plus que les « niveaux » traversés savent se renouveler comme il faut en terme d’ambiance ou même de challenge. Arkham Knight n’est pourtant pas très dur à terminer. On regrettera par contre quelques missions annexes très secondaires en comparaison de la mission principale très intense. Le Pingouin et Double Face n’auront jamais été autant anecdotique par exemple. Alors que d’un autre côté, d’autres figures indissociables de l’univers du justicier de la nuit sont parfaitement mis en valeur.
Le gros problème d’Arkham Knight est d’avoir réduit la ville de Gotham à un simple par d’attraction. Dans les comics, cette ville en souffrance est un véritable personnage à part entière. On reproche souvent au personnage de Batman lui-même, de n’être pas toujours très intéressant. Et cela est vrai. La raison est simple. Le Batman est anti-corps à la maladie qui ronge sa ville, Gotham. Ce qui importe dans Batman, c’est la ville et ce qu’elle représente, ce qu’elle essaye de nous dire sur une société perdue dans ses propres contradictions. La force des meilleurs aventures de la chauve-souris se trouve dans ces moments où Gotham et ses habitants sont le mieux représentés. Les psychopathes qui la font souffrir ne sont finalement que les symptômes de sa maladie.
Malheureusement, dans Arkham Knight, Gotham n’est pas. C’est une ville magnifique entre son aspect gothique de la vieille ville, et, le modernisme écrasant l’ancien de l’île des Fondateurs. Mais en elle-même, il n’y a rien de plus que la sensation d’un immense terrain de jeu. Gotham n’est pas vivante comme le serait une Los Santos. En la privant de sa population pour des raisons scénaristiques, Batman n’évolue pas dans un environnement qui bouillonne, mais dans un décor presque vide de sens. Heureusement, il retrouve une forme d’équilibre ailleurs.
La mise en scène dans Arkham Knight est en effet un petit bijou du genre. Si Gotham semble tellement en retrait, c’est peut-être parce-qu’il s’agit de la dernière nuit du justicier, et de Bruce Wayne par la même occasion. Le focus de l’histoire est reporté de ses nombreux méchants charismatiques sur lui. L’inspiration de comics comme « The Killing Joke » ou encore « The Dartk Knight » est évidente. Batman est fatigué, et son angoisse la plus grande – perdre ceux qui lui sont chers – est parfaitement retransmise. Le lien avec les précédents épisodes réalisés par Rocksteady est d’ailleurs parfaitement retransmis. Batman est aussi touché par la maladie du Joker ce qui lui compliquera définitivement la tâche, tout en nous fournissant des scènes narratives souvent fortes et originales.
Impossible de ne pas en sortir satisfait, surtout avec une telle qualité d’interprétation. La mise en scène et un doublage de qualité viennent renforcer une réalisation très en beauté sans pour autant verser dans quelque chose de creux. Tout fan qui se respecte en aura pour son argent tant et si bien cette ultime (ou pas ?) aventure digitale de notre vengeur masqué préféré est prenante d’un bout à l’autre. Si Gotham manque un peu de profondeur en tant que personnage à part entière, Arkham Knight réussit pourtant par se conclure d’une belle façon en étant intelligent dans sa conclusion en nous offrant un gameplay généreux, jouissif et souvent mémorable.
Aspérités techniques et billevesées
Il n’aura échappé à personne que la sortie sur pc fut parsemée d’embûches pour beaucoup. La version ici testée fut en majeure partie sur PS4 avec une copie fournie par l’éditeur. Sur la console de Sony, Batman s’en sort avec les honneurs. Le framerate, bien que bloqué à trente images par seconde, aura été constant si ce n’est quelques chutes occasionnelles lors de courses endiablées à bord de la Batmobile.
Le jeu tournerait sur une version hautement modifiée de l’Unreal Engine 3 et se permet pourtant une multitude d’effets alléchants, comme des effets de pluies et de particules convaincants. La Batmobile est l’occasion aussi de goûter une multitude de destruction de décors impossible à ce niveau sur l’ancienne génération de console. Pour avoir fait tourner la version PS4 et PC, je peux dire sans faille que la console de Sony offre de plus jolis effets. Malheureusement, la pauvreté de cette version pc vient d’une optimisation désastreuse.
Quoiqu’il faudrait relativiser. Sur ma 970, j’ai réussi à faire tourner le jeu – avec quelques tweaks il est vrai – dans des conditions parfaitement jouables. Il faut cependant savoir que sans cela et une bonne machine derrière, tant qu’il n’y aura pas eu de patchs réglant tout ces problèmes, la version pc est à éviter. Sur PS4, au contraire, le jeu est parfaitement jouable et très agréable à voire tourner. Mes yeux d’expert ou presque ne peuvent m’empêcher cependant de remarquer que le filtrage anisotrope ne doit pas fonctionner à plus de x4, ce qui rend les décors distants un brin flous.
Conclusion
Excellente conclusion à la saga initiée par Rocksteady, Batman Arkham Knight n’évite pas quelques ratés qui n’en sont pas réellement, à force de vouloir trop bien faire. C’est un jeu d’une extrême générosité qui offre de quoi s’amuser à ne plus savoir qu’en faire, même si on ne pourra pas s’empêcher de trouver que parfois, cette chasse aux pourcentages, c’est du remplissage. Comme les trophées du Riddler par exemple. Autant la qualité améliorée de ces derniers procure un plaisir indéniable, autant encore beaucoup trop d’entre eux se résument à une chasse aux trésors sans grand intérêt.
S’il faut chercher le meilleur de cette aventure, c’est dans sa campagne principale. Celle-ci ne manque pas de nous prendre aux tripes. Quelle jouissance que d’entendre des voyous apeurés devant la puissance du Chevalier Noir et de son engin d’acier à quatre roues. Il y a une réelle excitation que d’y jouer les justiciers dans cette dernière danse avec les malfrats les plus célèbres de Gotham, même si beaucoup d’entre eux ne font que de la figuration. La force de Rocksteady aura été d’être resté cohérent dans sa vision de cet univers du début jusqu’à la fin de sa trilogie. Accompagner un Bruce Wayne/Batman désabusé, fatigué, littéralement au bout du rouleau et malade dans cette histoire souvent à mi-chemin entre la réalité et l’illusion, entre la raison et la folie, fut un véritable plaisir. Par la maestria d’une mise en scène intelligente qui sait ménager des espaces d’introspection et d’autres beaucoup plus orientés action, on obtient un mélange qui ne saura que satisfaire tous les fans de la chauve-souris masquée.