Bethesda Softworks vient de lancer sa dernière ogive. Baptisée Fallout 4, elle a déjà irradié plus de douze millions de joueurs le premier jour et ne s’arrêtera pas là. Une montagne de promesses ont été faites par son développeur, il est temps d’en explorer les moindres recoins. Allez-vous passer votre fin d’année dans les terres dévastées de Boston ? Le fils illégitime de Skyrim et Fallout 3 frappe fort, que nous réserve ce nouvel opus qui semble-t-il a déjà séduit la planète ?
Un peu d’histoire.
23 octobre 2077 : le monde alors en guerre est détruit par de multiples impacts de missiles nucléaires. Un flash aveuglant s’étend sur notre chère terre et les combats entre la Chine et l’Amérique pour le contrôle des dernières ressources pétrolières prennent fin. La civilisation aussi. Et me voici à nouveau plongé dans l’un de mes univers préférés, « l’habitant de l’abri » est un vieux copain, on se connaît depuis 1997. Digne descendant de Wasteland, Fallout 1 & 2 sont des jeux de rôle purs et durs dont les combats se déroulent au tour par tour. Ils se démarquent des autres titres du genre par une atmosphère pesante et un humour très noir, un univers sale à la narration puissante et immersive. Un monde uchronique et futuriste pourtant bloqué culturellement dans les années 50’.
Elle en a fait du chemin cette licence ! Ses parents, les célèbres Black Isle Studio et Interplay Entertainment, sont respectivement mort pour l’un et dans un coma profond pour l’autre. La petite orpheline fût récupérée par tonton Bethesda en 2004 qui en changea le caractère et l’apparence pour toujours.
Plein les yeux.
Le moteur de Skyrim le « Creation-Engine » se prend un gros lifting pour l’occasion et porte Fallout 4 sur console Next-gen et PC. Les dix minutes d’intro du jeu nous saturent de couleurs vives et d’effets visuels tape à l’œil. Pas de doutes possible c’est bien du Bethesda. En digne petit frère de son cousin heroic-fantasy notre petit Fallout 4 n’aura de cesse de nous noyer sous des effets climatiques somptueux et des lumières magnifiques. Bien marqué par les errances de Fallout 3, cette fois Bethesda nous gratifie d’une distance de vue grandement améliorée et on se prend souvent à squatter le haut d’un immeuble en ruines ou une colline, admirant les nuages et les rayons du soleil miroitant sur le paysage délabré et lointain mais détaillé qui nous invite à la promenade.
La création de personnage est ultra complète et déjà, circule sur internet des profils de personnages très ressemblants, d’acteurs existants comme par exemple Rick de la série Walking Dead, tant les options de modelage sont pointues et nombreuses.
Une ligne d’horizon claire et lisible dans un Fallout, c’est une première et on peut voir à perte de vue notre bac à sable vidéo ludique et ces merveilles qui n’attendent que nous sans pour autant faire brûler nos cartes graphiques. Attention toutefois le cycle physique du jeu est réglé sur la fréquence du framerate et le jeu n’aura de limite que celle du rafraîchissement de votre écran, ce qui provoque nombre de bugs lorsque l’on passe la barre des 60 Hz en synchronisation verticale, soit 60 fps. Au-delà c’est le chaos et il vous faudra limiter votre framerate sous peine de bloquer votre jeu devant un terminal ou d’écoper d’un beau retour Windows. Là aussi, c’est du Bethesda.
Bien entendu, dès sa sortie, le jeu nous a gratifié d’un magnifique majeur tendu vers le ciel avec des chutes de framerate inexpliquées et des temps de chargement aléatoires pour une même zone. Ah, merci Bethesda.
Et les oreilles.
C’est Inon Zur qui s’y colle, il a composé entre autre la musique de Fallout 3 et certaines petites partie de Fallout New Vegas (qui reprend essentiellement les musiques originales du premier et deuxième Fallout composées par Mark Morgan, un génie à qui l’on doit également les musique de Planescape Torment). Sans pour autant être désagréable, la bande son de Fallout 4 me laisse de marbre et manque d’identité et de profondeur. Seul le thème du jeu au menu principal suscite une vive émotion et l’envie de lancer une partie. Le gros de sa composition étant étouffé et renvoyé à la niche par les radios in-game de votre pip-boy. Comment lutter contre Cole Porter ou Ella Fitzgerald ?!
La traduction quant à elle est excellente, on ne voit pratiquement pas la différence avec la version américaine. Je ne peux malheureusement pas en dire autant du voice-acting en forme de montagnes russes qui passe du « pas mal » à «ridicule » en fonction des personnages non joueurs. Le protagoniste de l’histoire, en revanche, a été gâté : comble de l’horreur votre héros parle et il aurait mieux fait de la fermer ! Un pas de plus vers la perte d’identification à votre personnage. Qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme lorsque votre héros parlera, il fera preuve d’un manque totale de crédibilité et prendra parfois un ton complètement à côté de la situation
Bon, c’est sérieux, on joue là !
On a le droit à une refonte des règles, encore plus poussée que dans Fallout 3. Initialement Fallout fonctionnait avec le système de règles GURPS de Steve Jackson. Cette fois les points d’aptitudes ont été balayés pour laisser place à une série de « dons » que l’on était habitué à avoir tous les trois niveaux. Désormais vous pourrez avoir un don ou un point de caractéristique S.P.E.C.I.A.L (acronyme pour chacune des caractéristiques du personnage en anglais) à chaque passage de niveau.
Dans les faits ça change quoi ? Et bien tout ! On passe d’un jeu de rôle qui faisait appel à une sorte de lancé de dé à six faces basé sur les points de compétences et un modificateur lié à vos points de caractéristiques opposés à un avantage/défaut de votre adversaire pour toucher (le système GURPS), à un système qui s’apparente plus à un jeu d’action/FPS. Dans la pratique, Fallout 4 fera beaucoup plus appel à votre talent de tireur à la souris qu’à votre feuille de personnage. On a déjà retiré un pied hors de la sphère du jeu de rôle, là.
Cette dynamisation du combat rend bien sur le jeu plus accessible, il suffit de savoir viser. Pas besoin de réfléchir a votre feuille de personnage pendant trois semaines, shootez, seuls vos dégâts seront affectés par vos statistiques (et encore cela dépend aussi de l’arme). Vos chances de toucher ne seront concernéesqu’en mode V.A.T.S (Vault-Tec Targeting System), encore un pas qui nous éloigne du jeu de rôle.
Le V.A.T.S lui aussi est modifié, ce mode de combat hérité de Fallout 3 était censé garder un côté tour par tour comme dans les précèdents épisodes, désormais il ne met plus le combat en pause mais ne fait que le ralentir. Vous pourrez prendre une baffe si vous n’êtes pas assez rapide et ce, même au ralenti. Encore un point qui dynamise le combat et le rend plus actif mais également un pas de plus dans la direction opposée de l’univers Fallout. La localisation des dégâts aidant, dès le début du jeu vous abattrez sans soucis vos adversaires, d’un niveau plus ou moins équivalent au votre, d’un tir unique a la tête et ce même si vous n’avez qu’un point en agilité et en perception. Lors de ce constat, j’ai versé une larme, je l’avoue.
Mais la réforme ne s’arrête pas là ! Les précédents opus, même le médiocre Fallout 3, avaient un système de dialogue très complet avec de nombreux choix amenant des variations très prononcées sur votre expérience de jeu et votre influence sur le monde et ses habitants forgeant ainsi le caractère de votre héros. Maintenant vous aurez une roue de dialogue façon Mass Effect. Et alors me direz-vous ? Et bien contrairement à Mass Effect vos choix se limiteront à oui/non/sarcasme. En effet, le sarcasme semble être une alternative que Bethesda a voulu très présente mais sans pour autant avoir compris le sens du mot sarcasme. Le sarcasme dans Fallout 4 consiste à sortir une blague pas drôle à son interlocuteur. Là où d’ordinaire le sarcasme pour tout à chacun est une forme de moquerie frisant l’ironie et se voulant souvent tranchante voir même blessante, il semblerait que pour les petits gars de Bethesda le sarcasme c’est passer pour un con en une phrase que votre interlocuteur appréhendera comme un « oui ».
Le quatrième choix, quand il est disponible, fait appel à votre charisme et donc, en toute logique, suivant votre score de charisme, vous pouvez faire pencher l’opinion d’un interlocuteur dans votre sens ou modifier un choix. Et bien non, vous gagnerez un peu d’XP en réussissant un choix de séduction mais le personnage non-joueur vous maintiendra dans son tunnel bien linéaire et au final, vous ferez ce que l’on vous dit de faire !
Enfin, la furtivité très présente dans Fallout est censée servir à être discret et à réussir vos objectifs sans violence ou sans être repéré. Désormais, grâce à Bethesda la furtivité ne vous sert qu’à faire un coup critique à un ennemi avant qu’il vous repère, pour le reste l’ « I.A » vous sort de votre furtivité, même avec un score élevé en agilité, un stealth-boy activé (un appareil qui normalement vous rend invisible) et les dons qui vont bien pour être un ninja.
Bon sinon y’a du neuf ?
On nous a bombardé pendant des semaines le système de recyclage et amélioration d’arme, ainsi que le Housing. Alors, ça donne quoi ? Eh bien, c’est vraiment bien ficelé ! Vous pourrez construire votre propre base, et y faire venir des gens afin qu’ils cultivent vos terres et défendent votre fief, moyennant le gite et le couvert. Le système de recyclage vous permettra, dans une zone limitée, de détruire les éléments de décors tels que les arbres, les voitures, les maisons effondrées ou tout autre objet fait d’un matériau utile comme l’aluminium, autour d’un établi. Puis de construire des bâtiments, des défenses et des ressources ainsi que des magasins. Ce système vous permet également de contrôler le territoire, car les postes avancés que vous construisez pourront mobiliser des troupes pour vous venir en aide en combat. A vous d’apporter eau, électricité et tourelles de défense à ces avant-postes pour les rendre habitables et attirer du monde.
Le système d’amélioration d’arme fait également appel au recyclage, sauf qu’en utilisant un atelier de modification d’arme ou d’armure vous pourrez modifier votre équipement en tout point. Ce qui est vraiment intéressant c’est que l’évolution de votre armement n’est pas linéaire, chaque amélioration a un but précis et il n’y en a pas de mauvaise ou de « petite » . Vous pourrez adapter les accessoires de vos armes en fonction de votre façon de jouer, vous choisirez de construire tel mode parce qu’il permet de tirer de loin ou au contraire tel autre parce qu’il rend votre arme plus puissante à courte portée, ce qui permet d’avoir un équipement vraiment unique et convenant totalement à votre façon de jouer. Mais en contre-partie, c’est l’épisode contenant le moins d’armes. Quasiment toute les armes des précédents jeux ont disparu, comme si le Massachusetts était isolé du reste des États-Unis.
Iron man versus War Machine
Une autre grande nouveauté, c’est la refonte des armures assistées. A la base, on décrit les armures assistées dans Fallout comme une armure blindée et auto alimentée par une sorte de pile nucléaire longue durée et qui s’apparente plus à un véhicule qu’à un vêtement. C’est désormais chose faite, les armures assistées ne sont plus des vêtements qu’on enfile mais bel et bien un exosquelette mécanique recouvert de plaques de blindages interchangeables et personnalisables à souhait. Les armures fonctionnent avec des réacteurs à fusion que l’on trouve en nombre conséquent un peu partout et certains dons permettent de les faire durer plus longtemps. De quoi passer toute votre partie dans votre armure customisée qui vous isole des radiations et vous permet de marcher sous l’eau durant quelque temps. On peut même y greffer un jet pack bien jouissif pour sauter d’immeuble en immeuble avant d’atterrir sur un pillard et de l’aplatir comme une crêpe.
Et ma boussole ?
Côté carte, on est en pleine Tea Party, Boston est notre terrain de jeu. Vous débuterez au nord-ouest de la carte et la difficulté des ennemis augmentera en vous rendant à l’opposé. C’est vaste, très vaste, mais les différents lieux sont trop rapprochés et peuvent faire de votre vie un enfer d’agression généralisé. Il n’est pas rare qu’un combat soit rejoint par un autre et qu’on se retrouve submergé.
Dans les autres titres du même développeur, la vie est présente tout autour de vous et l’on est souvent spectateur d’une situation à laquelle on va se mêler. Cela nous permet de voir les marchands parler entre eux, de regarder les PNJs vivre leurs petites vie, un autre point positif que Fallout 4 n’a pas. Le jeu a besoin de votre interaction et hormis des mouvements linéaires souvent stupides il attend vos actions pour bouger. Par exemple, en pleine conversation, vous verrez les gens autour de vous marcher contre un mur ou marcher contre un autre personnage comme s’il n’était pas là. Vous pouvez aussi être poussé lors de votre conversation et sortir du champ visuel. Cette carte à la fois vaste et trop dense permet toutefois de beaux paysages et l’envie d’aller faire un tour est vraiment très présente, l’éternelle question du « y’a quoi derrière cette colline ? »
En quêtes de quête.
Bethesda n’a jamais su faire de jeux de rôle. Ils excellent dans l’art de réaliser des Sandbox où tout le monde cheat et installe des modes par paquets de vingt pour s’amuser, mais n’ont jamais tenu face à des productions dignes de ce nom. Ici, le monde regorge de quêtes bas de gamme : « allez vider la zone », « ramenez-moi tel objet » et ce en nombre illimité. Rares sont les personnages attachants et il faut bien l’avouer, le seul compagnon qui m’ait inspiré de la sympathie, c’est Canigou (le chien). Les quêtes express sans envergure, les dialogues expéditifs aussi profonds qu’un verre d’eau, c’est la marque de fabrique de la firme du Maryland. La trame principale est limpide et banale à mourir, mon pote Vasquaal a même réussi à deviner la fin juste en papotant. C’est triste.
Fallout 4 vous réserve quand même de bons moments bien pêchus, des scènes épiques bien montées où ça pète dans tous les coins, des explosions de partout, des bateaux volants, des dirigeables, des vaisseaux alien et j’en passe. Encore un domaine où Bethesda assure : l’art de faire sortir des mises en scène bien rythmées et excitantes. Et cet épisode en est rempli. Le rythme soutenu des combats et des phases d’actions est un régal de défoulement. Pour qui aime l’action, c’est le paradis en monde ouvert.
Mais c’est le jeu de l’année !
Bah non. Bethesda a perdu l’exclusivité des jeux de rôle à monde ouvert, une position dont ils ont usé et abusé en sortant des jeux que les joueurs finissaient par corriger et finir à leur place et ce depuis 15 ans. De même que pour la saga des Elder Scrolls, ils n’ont jamais sorti un titre sans une avalanche de bugs, de quêtes cassées et autres fautes graves que certains studios concurrents mettent un point d’honneur à résoudre avant la sortie. Là où eux ne les ont toujours pas résolus et n’en ont pas l’intention.
Ce Fallout 4 ne déroge pas à la règle : la licence est tombée du grand arbre du jeu de rôle et git désormais au côté des poules au œuf d’or de la firme. Car s’il y a bien une chose que Bethesda sait faire, c’est de l’or. Pour ce qui est de Fallout, son univers si noir et si cruel est malheureusement remplacé par un monde proche de Disney, allant jusqu’à supprimer la possibilité de jouer un salopard ou même, juste un humain avec ses faiblesses. On est encore plongé dans le monomythe de l’être élu vertueux qui n’a normalement pas sa place ici. Bethesda aurait mieux fait de laisser l’écriture à Obsidian, qui avait bien soigné nos cœurs meurtris par Fallout 3 avec New Vegas.
Fallout 4 n’est pas un mauvais jeu, au contraire, il offre de bons moments et s’avère addictif, mais ce n’est plus un jeu de rôle et ma patience de joueur de la première heure (Daggerfall, Arena) est épuisée, à vrai dire j’en ai un peu marre de payer plein pot pour un produit mal fini à prix d’or. Et vous ?
Moi comme d’habitude quand un Bethesda sort maintenant, je vais attendre quelques années, l’acheter à bas prix, passer une semaine à le modder pour espérer le réparer, jouer, et sans doute ragequit avant d’arriver à la fin de ma partie.
Mais à la lecture de cet article, j’ai l’impression de plus devoir m’attendre à un genre de Far Cry qu’à un Morrowind…