Red Goddess : Inner World de Yanim Studio est un jeu de plateformes aux accents de metroïdvania, qui se voit accompagné d’un récit aux allures de mythologie. On y incarne une jeune divinité à la mémoire altérée. De loin, c’est un titre attrayant. Malheureusement, de près il montre des fêlures importantes qui entachent sérieusement ses chances de nous convaincre.
La Déesse rouge
Divine est le nom de l’héroïne de cette histoire. De ce que le narrateur en voix off nous raconte, c’est une déesse qui vient de perdre une partie de sa mémoire et de ses pouvoirs. On comprend assez vite que la planète où elle se trouve réagit à ses émotions. Cette particularité recouvre d’ailleurs un des aspects importants du jeu qui est censée avoir une influence aussi bien sur le gameplay que sur la narration.
Notre héroïne peut en effet se transformer en deux versions alternatives de sa propre personne. À la condition d’avoir récupéré avant les pouvoirs correspondants. Il y a d’un côté la rage, symbolisée par un être rougeoyant. De l’autre, il y a la peur aux teintes bleutées. Dans l’idée, les émotions de Divine auraient une conséquence directe sur la manière dont son environnement va réagir. Les monstres ne seraient alors que la manifestation physique de ses angoisses et de ses colères. Sur le papier, cette dualité apparaît comme ingénieuse. Dans les faits, elle n’a aucun véritable impact significatif.
Certes, pour vous défaire de certains de vos adversaires, il vaudra mieux faire appel au pouvoir adéquat pour les détruire plus vite. Des ennemis qui n’ont d’ailleurs que peu de différences entre eux, si ce n’est leur couleur dominante. L’intérêt d’avoir deux pouvoirs distincts n’est du coup pas évident, si ce n’est pour servir le récit. Et c’est là que ça commence à coincer. On ressort du jeu avec l’impression que tout ce qui constitue la base de ses mécanismes n’existe que pour l’histoire. Pour un metroidvania, ça passe moyen, car ça devrait plutôt être l’inverse.
Au final, le résultat est bancal. L’aspect narratif prédomine au détriment du gameplay, bien qu’il soit pourtant loin d’être satisfaisant. L’intrigue n’est en fin de compte pas très originale et manque de nous surprendre. Ce qui est d’autant plus embêtant quand on voit qu’il ne s’agit pas d’un mauvais jeu sur toute la ligne.
De belles couleurs
Ce potentiel gâché est frustrant. Surtout que sur le plan esthétique, Red Goddess tient parfaitement la route à deux ou trois détails près. La dualité entre la rage et la peur de Divine y est symbolisée par les couleurs rouge et bleu. Ces dernières dominent l’entièreté de la palette qui vivote allègrement entre les ambiances chaude et froide selon le décor.
Le jeu est néanmoins loin d’être techniquement parfait. Certains éléments de décors se chevauchent parfois de façon grossière. Il arrive également que Divine passe en partie au travers de certains d’entre eux. Mais au-delà de ces petits désagréments, il n’y a finalement pas grand chose à reprocher à Red Goddess : Inner World là-dessus.
C’est un jeu agréable à regarder avec de jolies teintes, une esthétique très enfantine qui rappelle par certains côtés les collages de papiers colorés. Les décors manquent peut-être de variété sur la longueur, une cave ressemblant toujours à l’autre. Les animations sont soignées et donnent de la vie à Divine et ses comparses. La musique est certainement ce que j’en retiendrai le plus, ayant cette aura mystique qui sied à merveille au style du jeu.
Il y a un bug dans la matrice
Malheureusement, la lune de miel s’interrompt aussi sec après quelques courtes heures de jeu. La première fois, ce fut quand le jeu planta admirablement au beau milieu d’une action. Comme je suis du genre têtu, je n’ai pas lâché l’affaire pour autant. J’ai insisté. Sans résultat, avant de me rendre compte que le bug venait de l’utilisation d’une des attaques de Divine. Logique ? Non.
Il arrive parfois qu’un petit quelque chose suffise à mettre en exergue tout un tas d’autres problèmes plus importants. Ce fut le cas avec ce bug qui joua le rôle de loupe sur les autres imperfections du jeu. Plutôt que de lui reprocher sa technique, que quelques mises à jour suffiraient à écarter, c’est plutôt son ADN entier qui serait à remettre en cause.
L’ayant déjà évoqué plus haut, le narratif semble l’avoir emporté sur le gameplay. Or, quand on veut faire un metroidvania, cela peut poser de gros soucis. De rythme pour commencer, car les interventions régulières du narrateur à la voix off impeccable n’en restent pas moins problématiques. Elles sont trop nombreuses, impossibles à zapper et mal espacées. Le rythme de l’action en est alors haché, ce qui rend cette dernière poussive sur la longueur.
Une action qui est d’ailleurs difficilement recommandable. Les capacités combattives de Divine sont en définitive limitées et peu variés. Les affrontements avec les ennemis peinent à stimuler quoi que ce soit chez le joueur si ce n’est l’ennui. Du button smashing ou des QTE auraient été tout aussi efficaces. Les boss eux-mêmes auront bien du mal à convaincre étant donné que leurs patterns diffèrent assez peu les unes des autres.
Et même quand il s’agit de sauter de plateforme en plateforme, on aurait bien du mal à y trouver un intérêt. On cherche rarement à nous prendre par surprise. On en vient même à se demander l’intérêt de certaines plateformes mouvantes, qui plutôt que de nous poser un obstacle intéressant à surmonter, se contentent en général de nous faire perdre notre temps. Le level design est trop peu réfléchi dans son ensemble pour réellement nous motiver à avancer.
Excepté sur le dernier chapitre de l’aventure. Soudainement, c’est comme si le jeu se rappelait qu’il en était un. Le défi à relever est d’un coup beaucoup plus corsé. Peut-être trop, si on le compare avec ses débuts modestes. Le point embêtant est que ces derniers niveaux regorgent de pièges qui tuent en un seul coup. Cela n’aurait pas été très gênant si ce n’était pour les checkpoints parfois un peu trop espacés, obligeant souvent de refaire l’entièreté d’un long passage difficile. Ce qui aurait aussi pu être acceptable, si les temps de chargement après chaque mort n’étaient pas aussi longuets.
D’ailleurs, pour passer d’un niveau à l’autre, vous serez régulièrement obligé de traverser une espèce de portail circulaire. Le souci, c’est qu’il faut attendre qu’il ait fini sa rotation avant de continuer notre route. Et si par malheur vous deviez immédiatement rebrousser chemin, il sera nécessaire d’attendre la même durée. Comptez presque dix secondes à chaque fois pour ce temps de chargement maladroitement caché.
Il se peut également que je manque de patience. Il est aussi possible que Divine ne soit pas toujours évidente à manier à cause de ses sauts flottants et imprécis. Alors quand le jeu vous oblige sur sa fin à des passages où la moindre erreur ne sera pas pardonnée, avec l’accumulation des temps de chargement, vous aussi vous perdriez patience.
Ce n’est pas faute d’avoir joué à des jeux difficiles comme Super Meat Boy. Sauf qu’avec ce dernier, les niveaux se rechargeaient instantanément. Le joueur n’avait alors pas le temps de se sentir frustré par ses erreurs. Le problème de Red Goddess est que cette soudaine montée de la difficulté est la goutte qui a fait déborder le vase. Le jeu ne nous avait alors jusque-là pas préparé à cela. Les pouvoirs de Divine étaient sous-exploités et les plateformes permissives au possible, si bien que cette nécessité de précision subite semble incongrue.
Dans ce genre de jeu bien spécifique, le level design et le game design doivent fonctionner main dans la main de façon à ce que le joueur apprenne à maîtriser les outils qui lui sont donnés. De cette façon, il pourra en surmonter la difficulté en apprenant de ses erreurs de façon progressive. Il n’y a pas cela dans Red Goddess. Et il en pâtit sur la longueur.
Conclusion
Red Goddess : Inner World démarrait comme la promesse d’une jolie histoire et d’un jeu entraînant. Pour un metroidvania, il est linéaire et offre très peu de réelle exploration, tout en n’exploitant pas suffisamment ses possibilités plateformesques et les pouvoirs de son héroïne. Sa jouabilité imprécise et ses défauts purement techniques l’empêchent d’être simplement satisfaisant quand soudainement sa difficulté augmente de façon arbitraire. Le level design manque souvent d’ingéniosité pour réellement nous surprendre ou nous amuser, tandis que son histoire fait dans le déjà vu. Quel gâchis, alors que ses graphismes sont joliment stylisés et sa musique envoûtante.
Et si je ne dis pas de bêtises le studio a fermé et les backers sur kickstarter n’ont jamais reçus tous les goodies pour lesquels ils avaient payés.
Tu ne confonds pas avec Grin qui a réalisé Woolfe : Red Hood Diaries ?