En 1999, sortait un RTS mythique : Age of Empire 2. Véritable étendard grand public du genre qui alors se portait à merveille, le titre a durablement marqué son temps et nombre de joueurs. Ensemble Studios et Microsoft avaient alors concocté un savant mélange de gestion (économie, recherches, changements d’âge) et de stratégie militaire (combats en temps réel). Le gameplay était alors construit sur cette alternance entre des phases de productions et de développements, et des phases de combats assez tactiques tout en étant abordables. Si vous avez 20 ans, vous n’êtes peut-être pas au courant, mais ce jeu est un incontournable, il fait partie du patrimoine du jeu PC et a activement milité pour la popularité du jeu de stratégie et ce, auprès du grand public.
Le retour du roi
C’est logiquement avec grand plaisir que l’on a accueilli la nouvelle d’une sortie HD de ce titre phare le 9 Avril 2013 sur Steam (Hidden Path Entertainment et Ensemble Studios). Cette version embarquait d’office The Age of Kings et son extension The Conquerors. Fort d’une popularité et d’une aura encore bien présentes, le titre trusta immédiatement le haut de l’affiche, arborant pour sa semaine de lancement des ventes supérieures à un BioShock Infinite, un Dishonored ou encore The Walking Dead… Distribué au prix de 19 euros, la nostalgie avait encore frappé malgré un portage que l’on qualifiera de paresseux.
Les qualités intrinsèques du jeu sont là : un équilibre de gameplay bien maîtrisé entre économie et phase militaire, la présence des héros historiques toujours plaisante (Jeanne d’Arc, Gengis Khan etc), le « boom » technologique et les changements d’âge restant des moments forts lors de vos parties. Il est clair que l’on retrouve tout de suite ce qui a fait le sel de ce jeu à l’époque. Rien que d’entendre nos serfs répondre lorsqu’on les sélectionne ou les exhortations des prêtres lorsqu’ils tentent de convertir les unités ennemies représentent une madeleine de Proust en soi. Pour autant, lancer Age of Empire II HD, c’est replonger en 1999… Au sens littéral du terme. Le jeu est beau pour un jeu du XXème siècle, aujourd’hui ça pique sérieusement, on ne va pas se mentir. D’ailleurs, on peine à déceler l’upgrade graphique ; les sprites sont légèrement plus fins (encore que…), quant à la HD… Sur de la 2D isométrique, on a du mal à capter la démarche. Le framerate est souffreteux et pour ceux qui ont joué à l’opus original, l’impression de jouer exactement au même jeu est (trop) forte. Si l’enrobage est très proche de l’original, qu’en est-il de l’interface utilisateur et des systèmes de jeu ? Même constat et même déception, tout est exactement, strictement identique, on se flingue les yeux comme à l’époque pour distinguer les icônes de constructions et les textes sont minuscules. L’IA est toujours bête à manger du foin. Bref, le constat est mi-figue mi-raisin, on a le sentiment d’émuler le jeu original 14 ans après avec un habillage en haillons et un tarif plutôt prohibitif.
Age of Empire 2.5 Edition extended rebirth
Dans ce contexte et après l’add-on The Forgotten (novembre 2013), que peut-on attendre de cette extension inédite, The African Kingdoms sortie en novembre 2015 ? Il s’agit effectivement d’une toute nouvelle extension réalisée avec le moteur d’origine. Et là se pose déjà un premier problème. The African Kingdoms porte, de facto, les scories techniques d’AoE 2 HD. Forcément, on ne peut être qu’interloqué par ce choix pour le moins discutable. Pourquoi proposer une extension inédite mais avec des défauts malheureusement identiques à la version 2013 ? Toutes les bévues citées plus haut sont applicables à cet add-on vendu près de 9 euros tout de même. On ne s’attendait pas non plus à quelque chose de l’ordre du reboot, mais un tel statuquo, un tel immobilisme choque d’emblée. Quel dommage. Dans la même veine, la forme est spartiate, à la limite de l’absence totale : objectifs peu voire pas détaillés, narration sous forme de texte sur un parchemin… C’est très léger.
Lisbonne, Bamako, même combat
L’extension vous propose quatre nouvelles peuplades et leurs héros idoines, à savoir Les Maliens, les Éthiopiens, les Berbères et les Portugais. L’occasion de retrouver avec plaisir de nouvelles campagnes centrées sur le continent Africain et qui demeurent toujours aussi prenantes et bien exigeantes. Qu’on se le dise, ces campagnes s’adressent à un public averti qui connaît parfaitement la franchise et qui possède une solide expérience du jeu de base couplée à une connaissance pointue des unités et une routine de développement bien rodée.
Pour la plèbe, il s’agira de se remettre dans le bain avec le jeu de base sous peine d’encaisser de belles fessées d’entrée de jeu. C’est un bon point. Du côté des campagnes, on peut saluer les louables efforts des développeurs pour apporter un peu de variété à l’ensemble. Les missions sont longues et exigeantes, et proposent pas mal d’originalité en dehors des classiques : escorte, protection et construction. Certains objectifs vous demandent de chercher aux quatre coins de la carte des unités susceptibles de vous renforcer, telle autre mission propose de rallier des villages à votre quête, ou encore de réaliser des raids éclairs entre deux arrivées massives de troupes ennemies. Vous l’aurez compris, le fond n’est pas tant à blâmer que la forme. En effet, les développeurs sont partis du postulat que les joueurs intéressés par cette extension sont des fans purs et durs de la licence et sont donc susceptibles d’avoir retourné le jeu de base et les premières extensions. En découle quatre campagnes bien velues en terme de difficulté et qui apportent de la variété dans les objectifs de missions.
Pour autant, la forme interloque sérieusement et on se demande qui, en dehors des puristes, aura le courage d’enquiller des centaines d’heures sur African Kingdoms. Moteur éreinté, graphismes antédiluviens, UI d’époque, on est dans l’archéologie vidéoludique. On ne peut pas décemment conseiller ce titre à près de 10 euros auprès du joueur lambda. En revanche, si vous êtes un vieux briscard de la franchise, si vous avez redoublé vos années lycée au profit de LAN endiablés, si vous pensez que les conquistadors sont pétés, alors vous trouverez votre bonheur dans cette extension.
Mais que les choses soient claires, cette sortie est un anachronisme total, qui capitalise grandement sur vos souvenirs du bon vieux temps. À éviter donc à plein tarif. Vous êtes prévenus, la nostalgie est un puits du fond duquel on ne vous entendra pas crier.