En l’honneur de Philip K.Dick, ce grand romancier qui a bercé bien des gens avec ses histoires de planètes hurlantes et d’androïdes rêveurs, la chaîne de télévision ARTE se lance dans un projet Transmedia liant plusieurs documentaires à un jeu vidéo. Ce jeu, il se nomme Californium et vient de sortir sur Steam. Ne vous précipitez pas dessus, lisez ce test avant tout…
Psyché sans contexte
Vous écrivez votre roman actuel, avec ce plaisir d’entendre un bruit de machine à écrire lorsque vous tapotez sur les lettres de votre clavier, quand quelqu’un vient frapper à votre porte. Le temps de vous lever, vous voyez l’ombre partir et un mot se glisser sous l’entrée. Rapidement vous faites le tour de votre appartement jusqu’à découvrir qu’il s’y passe de drôle de choses. A commencer par cet écran de télévision qui vous indique des chiffres romains.
Autour de vous, un univers ensoleillé, une Californie d’antan qu’on aime découvrir. Des personnages stoïques, dessinés à la main et vous suivant du regard, tentent de vous amener un peu de contexte dans ce monde mais vous ressentez que tout est faux, que tout est né de votre imagination. Rapidement, l’étrange vient se mêler à la fête : des petits icônes apparaissent, que vous pouvez cliquer à la souris pour voir le monde se morceler et voir apparaître autre chose, un autre univers, un autre temps, vous n’en savez rien. Enfin, au début du jeu.
Le premier niveau est assez étonnant, car il promet énormément. Il nous laisse découvrir l’ambiance visuelle, les musiques, la puissant volonté des développeurs de coller aux univers fantasmés de Philip K.Dick et cela fonctionne un temps. Jusqu’à ce qu’on se retrouve à fouiller les zones de fond en comble pour trouver des indices qui peinent quelquefois à apparaitre. Il faudra parfois passer son curseur sur plusieurs objets qui disparaitront, laissant le symbole s’afficher à l’écran, ou bien rester le dos tourné à un endroit pour voir un certain éclairage divin faire la lumière sur votre objectif. Dans tous les cas, cette recherche d’objets cachés à la première personne n’a rien de vraiment trippante.
La foire aux références
Mais pour sauver le jeu, il y a son contexte. Un millier de références sur K.Dick, sa vie, son œuvre, son placées dans les décors, les discussions avec les quelques PNJ et globalement, le jeu dans son entièreté. Et c’est fatiguant pour plein de raisons, mais surtout parce que cela manque furieusement de contextualisation et que sous prétexte d’un voyage dans la psyché d’un auteur très populaire, les développeurs ont cru que tout le monde connaissait la page Wikipedia du monsieur par cœur. Si pour vous Philip K.Dick est un inconnu, passez votre chemin (et allez le lire !). Si vous n’en avez vu que des adaptations cinématographiques, même chose. Si vous en avez lu quelques romans, vous allez pointer du doigt quelques références en survolant toutes les autres. Pour apprécier Californium à la hauteur des espérances de ses créateurs, il faut tout connaître de K.Dick. Et bien sûr, aucune encyclopédie en jeu, aucune base de données ne viendra vous apprendre des choses. Vous ne savez pas ? Tant pis pour vous !
Alors oui, le jeu sort quelques semaines avant la diffusion de documentaires (très attendus) sur Arte. Et évidemment, il est créé pour être joué après le visionnage de ces documentaires. Si on peut déjà se poser la question de la date de sortie, antérieure à la diffusion, on peut aussi et surtout pointer le fait que le jeu ne semble pas capable de vivre sans l’entière création transmedia qui découle de ce projet. Pour les documentaires, eux, le jeu vidéo n’est absolument pas nécessaire. On tient le grand perdant.
Le travail des artistes sur Californium est à saluer, mille fois. Mais le jeu, lui, ne prend pas. Vous allez passer votre temps à voir et entendre des références aux mondes de K.Dick en fouillant les zones à la recherche du moindre pixel clignotant. Quand on voit un jeu narratif forcer son interactivité en proposant quelque chose d’aussi creux, on sait pourquoi les jeux contemplatifs à récits ont la côte ces derniers temps. Il se concentrent sur ce qu’ils savent faire et Californium aurait dû faire de même.