Pas facile de se faire une place au royaume des TCG (Trading Card Game, ces jeux de cartes à collectionner). Au milieu des mastodontes Hearthstone ou Magic : the Gathering, il n’est pas évident de se faire remarquer et d’innover afin d’attirer les joueurs déjà bien occupés. Spellweaver parvient-il à tirer son épingle du jeu ?
Spellweaver est un TGC
Comme beaucoup de ses concurrents, Spellweaver opte pour le modèle free to play, qui s’adapte bien au principe des jeux de cartes à collectionner : la profondeur du jeu se dévoile au fur et à mesure de l’acquisition de nouvelles cartes, dont les effets permettent de potentielles synergies. Si le jeu offre des quêtes à remplir (consistant généralement à enchaîner les parties avec telle ou telle faction), qui octroient de l’argent à dépenser in game, voire directement de nouvelles cartes, les plus accrocs n’hésiteront pas à accélérer le processus en acquérant des packs de cartes à l’aide de leur compte en banque. C’est là l’éternel polémique du genre : la profondeur de choix tactique est plus grande chez celui qui dispose du plus grand choix de cartes, autrement dit celui qui a pu se les payer (reste encore à les utiliser correctement). Spellweaver ne se montre pas particulièrement avare : les quêtes permettent d’obtenir des cartes régulièrement et un système de craft permet même d’échanger des cartes de base contre une carte identifiée (donc choisie par le joueur), ce qui est toujours intéressant lorsqu’on cherche une carte particulière pour rendre son deck létal. Ne reste plus qu’à construire ce-dernier, à travers une interface simple et pratique.
Une histoire de ressources
Mais venons-en au jeu proprement dit. A première vue, les bases sont classiques : il s’agit comme souvent d’invoquer des créatures et de lancer des sorts à l’aide de ressources pour attaquer les points de vie du joueur adverse. Spellweaver reprend des mécaniques qui ont fait leurs preuves et pioche du côté de ses deux plus gros concurrents pour se construire. Commençons par le nerf de la guerre : les ressources. Comme pour Magic, des cartes sont dédiées à leur production, ce qui peut laisser craindre les traditionnelles pénuries de mana. Première idée intéressante de Spellweaver : il est possible, si l’on n’a pas en main de shrine (ce sont les cartes productrices de ressource) et à condition de se défausser d’une carte, de consulter les cinq prochaines cartes de sa pioche et de prendre dans sa main une shrine ainsi révélée. Certes, cela ne garantit pas de piocher une shrine (et si ce n’est pas le cas, la carte défaussée est une perte sèche), mais permet d’atténuer le risque de pénurie. Il faut ensuite noter une seconde originalité dans la gestion des ressources : elles sont de deux types (tous deux produites par la shrine : lors de son utilisation, le joueur décide quelle sera la ressource produite). La première est le mana, qui fonctionne comme dans Hearthstone : une fois produit, il augmente le mana total disponible à chaque début de tour d’une unité. La seconde correspond aux couleurs de Magic : il s’agit de niveaux liés aux factions (qui sont également colorées ici). Concrètement, une carte (créature ou sort) dispose d’un coût en mana assorti d’une condition de niveau et il faudra par exemple payer 4 manas et posséder 2 niveaux bleus ainsi qu’un troisième niveau de couleur quelconque pour invoquer un Dust Titan.
Spellweaver se montre intéressant dans la façon dont il affecte les deux sortes de ressource à la même carte. Sur le plan ludique, cela confère un aspect stratégique aux shrines, puisque le joueur doit choisir si la carte sera utilisée pour produire un mana ou un niveau (elle est ensuite défaussée). C’est également intéressant dans la mesure où cela exploite le fait qu’il s’agit d’un jeu vidéo (la gestion mana/niveau à partir d’une même carte serait plus lourde « en vrai »). Notons enfin que certaines shrines particulières permettent, en plus de l’ajout d’un mana, de gagner une compétence…
A mi-chemin entre Magic et Hearthstone
En effet, comme dans Hearthstone, les joueurs s’affrontent en réalité par héros interposés et comme dans Heartstone, ces héros disposent de compétences. Ici, ils possèdent une compétence de base et peuvent en acquérir jusqu’à deux autres grâce à des shrines spécifiques. Ces compétences coûtent du mana, nécessitent un certain niveau de la couleur du héros pour pouvoir être activées et elles possèdent chacune un cooldown (là encore, Spellweaver exploite son statut de jeu vidéo). On voit donc là encore l’importance donnée aux shrines.
Autre idée que l’on retrouve dans Hearthstone, les créatures peuvent attaquer d’autres créatures directement (dans Magic, les créatures attaquent l’adversaire et jamais les créatures, c’est le défenseur qui choisit d’interposer ses créatures ou non). Mais Spellweaver introduit une nouvelle notion stratégique des plus intéressantes : la vitesse. Une créature possède en effet trois caractéristiques : la force et les points de vie (qui fonctionnent comme dans Magic : la force inflige des dégâts et les points de vie les absorbent, sachant que toute créature non détruite regagne tous ses points de vie à la fin d’un tour), mais également la vitesse. Cette dernière est notée sur 5 et détermine quelle créature peut être attaquée : une créature ne peut en effet attaquer ou bloquer qu’une créature qui n’est pas plus rapide qu’elle. C’est sans doute la plus grosse innovation de Spellweaver : en attribuant une troisième caractéristique de base aux créatures, elle ouvre un nouveau pan tactique et offre de nouvelles possibilités de diversification. Des créatures faibles mais rapides peuvent alors s’avérer particulièrement utiles, ne pouvant être bloquées par de puissantes créatures trop lentes (comme dans Magic, le défenseur peut assigner des bloqueurs).
De l’importance du placement
Mais Spellweaver ne se contente pas de lorgner sur les deux géants du secteur, il sait aussi regarder du côté de ceux qui ont moins bien fait leur trou. Ainsi, des jeux comme Scrolls ou Duel of Champions mettent en avant la notion de placement : la zone de jeu est clairement divisée en plusieurs sections, qu’il faut exploiter correctement. Sans aller aussi loin dans sa gestion du placement, Spellweaver divise son plateau en deux parties : la zone de combat normale (disons la zone classique où se trouvent la plupart des créatures invoquées) et la zone de support. La zone de support se trouve en retrait ; certaines créatures y sont invoquées, et il est ensuite toujours possible de déplacer une créature d’une zone à l’autre. L’intérêt ? Une créature se trouvant dans la zone de support ne peut être attaquée par une autre créature. En contrepartie, elle ne peut elle-même ni attaquer ni bloquer, à moins de disposer de la compétence Vol (qui ne fonctionne pas du tout comme dans Magic, donc). Voilà qui permet de protéger une créature conférant des bonus mais possédant une défense médiocre, par exemple. Ce principe de zone, tout simple, permet donc encore d’approfondir les possibilités tactiques.
Conclusion
On le voit, Spellweaver possède des arguments stratégiques intéressants, qui donnent son identité au jeu tout et le rendent très agréable à jouer. Et s’ils ne parviennent tout de même pas à faire oublier son statut de Magic-Hearthstone-like (le fond comme la forme diffère tout de même peu des champions de Blizzard et Wizards of the Coast, et on retrouve à la fois les même compétences et carrément les mêmes factions que dans Magic, avec les gobelins rouge, le contrôle bleu, les défausses noir – enfin, violet ici…), force est de constater qu’ils en font un très bon clone.