Pony Island… Avec un titre pareil, l’imagination fait forcément son œuvre : des poneys, des couleurs chatoyantes, des arcs-en-ciel, des étoiles dans les yeux et une atmosphère bon enfant de tous les instants. Perdu. Pony Island est plutôt une espèce d’exorcisme, parce qu’un démon vit dans une borne d’arcade.
It’s inside the computer
Imaginez que vous vouliez jouer à un jeu appelé Pony Island. Il a l’air exactement comme vous l’imaginez (poneys, chatoyants, etc…), et c’est un véritable bonheur ludique qui vous est promis. L’écran-titre s’affiche (bon, bien plus sombre que prévu, mais c’est peut-être juste un effet rétro), et vous cliquez sur le bouton « Jouer ». L’écran tremble, un bruit de type erreur accompagné d’un flash se fait entendre, et rien ne se passe. Vous cliquez à nouveau, et rebelote. Jusqu’à ce que « Jouer » soit remplacé par « Erreur ». Allons-bon. Vous cherchez quelques instants, et trouvez le moyen de lancer… l’écran de chargement du jeu. Qui plante une fois la barre de chargement à moitié pleine. Une icône apparaît alors, permettant d’accéder à une sorte de séquence de code informatique en erreur, qu’il vous faut réparer. Le puzzle n’est pas compliqué (il ne s’agit pas vraiment d’informatique, plutôt d’un puzzle logique avec gestion de déplacement), la barre de chargement est vite raccommodée. Enfin, Pony Island se lance ! Dans un tableau en noir et blanc, vous contrôlez un poney grossier. Il avance tout seul sur un plan en 2D. De temps en temps, une barrière approche. Vous sautez par-dessus d’un clic. Puis vous arrivez à la fin du niveau. Et du suivant. Vous commencez à vous demander ce que c’est que ce machin, quand un écran vous demande d’insérer votre âme pour passer à la suite. Pony Island est possédé par un démon.
Pony Island, le coding-game accessible
Le postulat narratif est délicieusement original et admirablement amené. L’ambiance (graphique comme auditive) se marie à merveille au concept, en réussissant simplement, par des sons angoissants et une esthétique grise, à installer une atmosphère maléfique et légèrement dérangeante. A partir de là, Pony Island multiplie tranquillement les idées et les gameplays. Une partie du jeu consiste à le réparer, en résolvant des puzzles qui mettent le coding game à la portée de tous. Ces énigmes se présentent sous la forme de boucle informatique qu’il faut orienter (elle peut se déplacer sur plusieurs niveaux), en s’en servant parfois pour incrémenter des variables. Si cela paraît complexe, la réalisation fait des merveilles en en faisant au contraire quelque chose de simple : le joueur doit « juste » placer des modules qui font passer d’un niveau à l’autre ou permettent à la boucle de continuer normalement. Le mécanisme est à la fois fondamentalement représentatif de l’exécution de code, et pourtant basé sur un principe de déplacement aisément compréhensible. Les énigmes ne seront jamais infernales, mais gagnent en complexité, et se montrent agréables à résoudre.
L’île de la variété
Mais Pony Island ne se limite pas au pseudo-coding-game. Il distille également (surprise !) des phases de poney. Si elles se présentent, au départ, comme un runner pauvre (mais c’est tout à fait volontaire, le jeu se montrant allègrement parodique), elles acquièrent rapidement quelques subtilités qui en font un véritable jeu d’adresse (à la souris et, comme le précise le jeu, mieux vaut éviter le touchpad). Il s’agit de jongler habilement entre sauter, planer, et tirer sur des ennemis à l’aide d’un laser que vomit le poney (rien que ça). Sans être réellement ébouriffantes, ces séquences sont distrayantes et bien construites. Après tout, elles correspondent à Pony Island (le jeu auquel on tente de jouer malgré le démon). Pony Island (le jeu auquel on joue effectivement – on s’y perdrait presque un peu, non ?) offre des moments de génie, lorsqu’il propose carrément une version 3D de ces séquences, ainsi qu’une version RPG et même une version en aventure textuelle !
Régulièrement, le joueur quitte le jeu et revient sur le bureau virtuel, où il a accès à quelques fichiers et une appli de messagerie. Il peut alors dialoguer avec le démon qui hante la machine, mais également avec un mystérieux allié, qui le guidera dans sa quête. L’occasion pour Pony Island de se muer en espèce d’enquête. Oh, une enquête assez simple, mais qui participe à la diversité du jeu, et insuffle une cohérence pertinente à la narration. Le joueur est en effet investi d’une mission : retrouver les trois fichiers-coeur du jeu, chacun étant infecté par un démon, qu’il faudra affronter dans une ambiance particulière (et le jeu pourrait bien franchir une étape supplémentaire dans sa dimension meta…).
Il faut bien insister sur un point : vous n’avez jamais joué à un jeu comme Pony Island. Son originalité est tout bonnement décapante, sa créativité étonne de bout en bout, et sa construction est une réussite globale. Même ses graphismes (qui peuvent paraître repoussant sur les captures) s’accordent tout à fait à l’ambiance générale. C’est bien simple, Pony Island est un petit bijou de jeu vidéo.
Lui, il va pas rester longtemps dans ma liste de souhaits. D’une, des jeux de codage originaux et bien construits, ça court pas les rues. Deux… Qui n’aurait pas envie, à « Tu as joué à quoi dernièrement ? », de répondre « Pony Island ! ». :3
Carrément, c’est le nom le plus classe du monde 🙂