Les aventures interactives de Dog Mendonça et Pizzaboy font suite à une bande-dessinée créée par Filipe Melo et illustrée par Juan Cavia et Santiago Villa, en nous proposant une nouvelle itération cette fois-ci digitale. Cet univers à part reste cependant inédit aux yeux de beaucoup de joueurs sous nos latitudes francophones puisque le comic book à son origine n’est jamais allé plus loin que sa publication portugaise et une édition américaine par Dark Horse (cette dernière étant trouvable en import ou numériquement sur Comixology.com).
Dog Mendonça, Pizzaboy et cie
Dog Mendonça est l’archétype même du privé, costaud mais empâté, fin limier mais pas toujours très fin lui-même dans ses relations avec autrui. Mais derrière son apparent classicisme de détective se cache un lourd secret puisque Monsieur est un loup-garou. Il vit à Lisbonne où la frontière entre la réalité et le fantastique s’est fait mince et où les monstres vivent parmi nous comme dans un semblant de normalité.
Dans ses aventures en phylactères et cadres faits à l’encre de Chine, une rencontre le mènera à un duo improbable avec un humain et livreur de pizza par dessus tout. Derrière son apparente inutilité, Eurico l’humain est néanmoins capable de faire preuve de matière grise. Éternel stagiaire impayé de Dog Mendonça, c’est ensemble qu’ils sauveront le monde quelques fois.
Néanmoins, si le titre ne semble faire état que de deux héros, cette bande de joyeux drilles en compte véritablement quatre. Pazuul est l’assistant(e) de Dog et se trouve être un démon vieux de plusieurs millénaires enfermé dans le corps d’une fillette. Il(elle) fume comme un pompier sans jamais ne mots cité, tout en faisant preuve d’une force incommensurable si nécessaire. Le dernier larron de la farce est la tête restante d’un corps de gargouille qui n’a pour principale fonction que le sarcasme.
C’est un casting qui se veut donc hétéroclite et qui a pour habitude d’enquêter dans les lieux les plus malfaisants de Lisbonne. Leurs aventures interactives se situent temporellement après leurs prédécesseurs de papier, nous plongeant dans une ambiance de film noir aux saveurs latines. On y retrouve d’emblée tous les clichés possibles du genre ce qui ne choque pas plus que de raison, sachant que Dog et cie ont l’habitude de se jouer des dits clichés.
Pâtée pour chien
Après une présentation succincte des aventures antérieures de nos héros, cette nouveauté dite interactive commence sur un prémisse convenu mais toujours efficace mettant Dog et Eurico dans une position peu confortable dont le trépas est présumé imminent. Comme souvent dans ce genre de situation, un retour en arrière va s’imposer pour nous expliquer le pourquoi du comment on est arrivé là.
Tout commença avec une jeune femme à la chevelure de jais qui affola autant les sens romantiques de Dog que la suspicion d’Eurico (et le silence de Pazuul), en leur demandant leur aide dans une affaire de malédiction gitane. On s’amusera quelques temps sur le fait qu’une telle malédiction puisse être considérée comme fantasque dans un monde sujet à l’occulte. D’un autre côté, on commencera à se poser des questions sur le jeu et sa capacité à mener son histoire jusqu’au bout en sachant ménager ses effets de rebondissements scénaristiques.
Le premier point qui pose problème – et sans doute le plus important – concerne la très faible qualité de son doublage en anglais. Le jeu vous proposera en tout et pour tout deux langues pour les voix, l’anglais et l’allemand, avec le français pour les sous-titres. Ces derniers étant à souligner car ils ne sont pas toujours disponibles dans ce type de jeu. Malheureusement pour les anglophones, le doublage dans la langue de Shakespeare souffre d’un manque d’investissement énorme.
Le jeu des acteurs est assez atroce de par leur incapacité à nous transmettre la moindre émotion. Ils se contentent la plupart du temps de réciter leur ligne de dialogues plutôt que de donner la moindre vie aux personnages qu’ils sont censés incarner à l’écran. Ce qui s’avère au final être un désastre de grande ampleur étant donné que le jeu finit par en souffrir en cassant tout investissement possible dans son histoire et auprès de ses protagonistes.
Il n’y a rien de pire que d’entendre un personnage déclamer sa ligne sans aucune conviction alors qu’il s’est fait attraper par l’ennemi et se trouve donc dans une situation demandant un brin de talent dramatique. Un peu plus de passion dans l’interprétation n’aurait donc pas été superflue. Le doublage allemand, pour le peu que je maîtrise ce dialecte, semble s’en sortir de façon plus honnête. Je laisserai le jugement final sur ce dernier à celles et ceux maîtrisant beaucoup mieux que moi la langue teutonne.
Un certain manque de souffle
Si le doublage y est pour beaucoup dans la déception que l’on peut finir par ressentir, le jeu a aussi parfois bien du mal à construire une narration qui tienne la route. Les énigmes s’enchaînent entre elles de façon très classique, peut-être un peu trop d’ailleurs, sans qu’aucune n’arrive à réellement nous marquer. La difficulté est assez peu élevée, la faute entre autres au peu de choses avec lesquelles il est possible d’intéragir dans des décors pourtant richement détaillés.
Il me semble après coup que le prototype du jeu, ayant servi de démo, offrait beaucoup plus d’interaction. La faute sans doute au doublage obligeant peut-être à des choix drastiques pour question de budget, et par ricochet écrémage du texte superflu. Certains y verront un plus, n’aimant certainement pas cette chasse du pixel de trop auquel le jeu d’aventure nous a habitué. Il en reste néanmoins un manque de consistance à l’expérience générale, qui s’est avérée peu gratifiante ou signifiante sur la longueur.
Dans le même état d’esprit d’occasions manquées, Pazuul et la gargouille ne sont là que pour faire de la figuration et ne sont jamais vraiment intégrés dans les énigmes ou l’histoire d’une quelconque façon. Et quand Dog Mendonça, un personnage pourtant capital, n’est pas non plus correctement exploité autre que comme un second rôle passant la moitié du temps à être disparu, bien que cela soit pour des raisons scénaristiques, c’est qu’il y a un souci. Ou un manque de temps ou de moyens qui nuisent au jeu dans son ensemble.
On y décèle malgré tout quelques qualités sous-jacentes. Les décors y sont très souvent magnifiques et les animations correctes bien que parcimonieusement présentes. La révélation finale de l’intrigue, prévisible en raison d’une mauvaise gestion du suspens et d’une mise en scène peu subtile, aurait pu être intéressante puisque traitant d’un sujet difficile et ayant une résonance dans notre monde réel.
Malheureusement, Les aventures interactives de Dog Mendonça et Pizzaboy, ou plutôt devrai-je dire les aventures interactives de Pizzaboy, vu qu’il est le seul réellement jouable, sont un peu trop pauvres à mon goût.
Ces aventures interactives disposaient d’un univers original au casting hétéroclite et intéressant. Il y avait de la matière pour en faire un jeu d’enquête disposant d’une base solide sur laquelle se reposer. A l’image des phases d’interrogatoire de Eurico qui sont malheureusement inratables peu importe les questions que l’on pose, jamais le jeu n’arrive à réellement à nous faire faire usage de nos méninges. Il en ressort également une certaine faiblesse scénaristique dans une intrigue dont on devine assez vite les tenants et les aboutissants, qui de toute manière n’arrive pas vraiment à ménager le moindre suspens sur la longueur. Il y a des qualités dans ce jeu, comme ses graphismes de bande-dessinée réussis, mais il ne se démarque pas suffisamment à cause d’un doublage anglais médiocre, d’un manque de consistance dans ses énigmes et de maîtrise dans sa narration.
Outch la jolie déception.