Ludovic Espérou, développeur sur cet Ecotone visuellement très attirant, se livre à nous concernant son projet désormais disponible en Early Access. En attendant de voir débarquer les prochaines mises à jour du projet, on en a profité pour poser des questions sur le développement, le jeu et le milieu du développement indépendant. Ecotone est le premier grand jeu distribué par l’équipe de Sundae Factory, autant dire que le stress du jugement doit être à son comble !
Bonjour Ludovic ! Comment est né Sundae Factory et combien de personnes travaillent sous ce nom ?
Sundae Factory est né du désir de finir « Ecotone ». Aujourd’hui, c’est une boîte composée d’un programmeur, Alain, et de moi même, mais d’autres personnes gravitent autour. Aleksi a par exemple donné sa touche musicale et Alexandre sa patte graphique. Par le passé, d’autres personnes comme Mérédith ont participé au projet sous différents angles (level design, com, etc…)
Vous avez déjà quelques jeux de distribués, avant Ecotone ?
Alors techniquement on a commis Damned Scouts lors de la LD29, ça compte ?
Bien sur que ça compte ! Que vous apporte de participer au Ludum Dare, concrètement ?
A travailler vite sans dormir :). C’était sympa et ça permet de vraiment se lâcher niveau projet, c’est assez grisant.
Pouvez-vous nous expliquer le concept d’Ecotone ?
C’est assez nébuleux, l’univers est né du choix de l’avatar par la communauté de NoFrag. Au début c’était un petit avatar complètement barré, dans un univers super coloré. Les gens ont finalement choisi le petit avatar sans bras et au masque mystérieux, ont est donc parti là dessus et du coup l’univers a du être adapté au personnage pour quelque chose de beaucoup plus « onirique ».
Le concept c’est de découvrir un univers et son petit avatar mystérieux, découvrir où on est et pourquoi. Pour ça, il y’a 45 niveaux à traverser avec un gameplay qui change sans cesse, faisant à la fois référence au niveau et à la vie de l’avatar. Par exemple, si la phrase dit « cette fille m’a retourné la tête », il y’a de fortes chances pour que la gravité s’inverse!
Choisi sur Nofrag ? (coucou à eux !) Est-ce que tu est partisan de ce genre d’échanges avec le public, en leur laissant le choix de certains aspects de ton jeu ?
Disons qu’au début, le projet, c’était surtout de faire un mini-jeu pour tester Stencyl (le logiciel utilisé pour Ecotone) et c’était cool d’avoir un retour de la communauté.
Une fois le perso choisi, par contre, Alex a su s’approprier le truc et créer son univers autour. Je pense qu’a un moment il faut que le « créateur » puisse garder sa vision sans trop la dénaturer par le choix des uns et des autres. Il ne faut pas trop s’éparpiller sinon, on a un projet patchworks. Mais là c’était au tout début, donc ça n’avait pas de conséquences sur le projet.
Quelles sont vos principales références, celles qui vous inspirent ?
Les jeux de platformes des années 90 pour moi, j’ai adoré les Earthworm Jim par exemple (il y a d’ailleurs un clin d’œil dans le jeu) et je me souviens que finir un niveau était souvent un exploit.
Je ne voulais pas qu’Ecotone soit « un petit platformer joli mais facile ». Dans Ecotone, ont en chie, on s’énerve, on râle et on est content quand on termine le niveau. Niveau histoire et univers j’ai été très touché par « Six Feet Under », il y’a beaucoup de références à cette série dans le jeu.
On peut donc s’attendre à une ambiance assez glauque. Un peu d’humour sera tout de même présent ?
C’est pas vraiment glauque, le dessin rond et coloré a un côté un peu enfantin on garde une touche très « jeux vidéo » mais en même temps ouais, la musique est pas super rassurante, puis il y a ces vers qui te regardent sans que tu ne saches pourquoi.
On a voulu créer un truc en mixant les deux, que le joueur pense « c’est mignon! » mais qu’en même temps, il sente bien qu’il y’a quelque chose qui cloche dans cet univers.
Le jeu est donc prévu pour être assez difficile. Comment se jauge la difficulté d’un jeu qui n’a pas encore de public ?
On l’a fait playtester ! Y’a pas vraiment de secret, mais c’est aussi à ça que va servir l’Early Access : tester, tester, tester.
L’Early Access a amené beaucoup de critiques. Un monde à purges pour les joueurs, un bon moyen d’améliorer un jeu pour les développeurs… Au delà de la courbe de difficulté, qu’attend tu de l’Early Access et des joueurs précisément ?
Des retours sur un peu tout. Mais même sans en être conscients, ça nous aide. On a regardé un ou deux let’s play et on a déjà noté des bugs que nous n’avions pas sur nos machines. C’est pour ça qu’on fait une Early Access aussi : éradiquer les bugs avec un parc de PC pour tester plus important que le notre. Sinon, je trouve certaines critiques de l’Early Access tout à fait pertinente, c’est pour ça qu’on y débarque pour polisher et non pour « construire » le jeu.
N’as tu pas peur du « futur du jeu indépendant » et de la place de ton jeu dans la masse, suite à tous ces Nostradamus qui nous annoncent (à tort ou à raison, aucune idée) une « Indiepocalypse » ?
Je sais pas, c’est de plus en plus facile de faire un jeu donc il y’a de plus en plus de jeux. D’un côté ça pousse à plus de qualité, c’est bien pour l’utilisateur, de l’autre ça veut aussi dire que faire un carton avec un jeu réalisé par deux mecs dans leur garage risque de devenir de plus en plus exceptionnel. Même pour les indés, avoir un éditeur (indé lui-aussi) est devenu la règle, les budgets augmentent, il faut être plus pros, si les jeux fonctionnent on va grossir, donc il faudra prendre moins de risques pour le prochain projet, etc. Jusqu’à ce que les joueurs se lassent et qu’une nouvelle vague arrive avec des petits jeux originaux ? 🙂
Il n’y a jamais eu autant d’article sur le jeu indépendant qu’aujourd’hui et pourtant, n’est-ce pas tout aussi dur de se faire connaître dans cette jungle médiatique ?
C’est même encore plus dur, en tout cas on le constate aujourd’hui entre la couverture qu’a pu avoir Ecotone alors que c’était qu’un petit jeu flash et aujourd’hui alors qu’il y’a eu une monté en qualité. On parle surtout du « gros » jeu indé du moment, car les joueurs veulent de ça, alors les Youtubers et les sites de JV vont se cristalliser sur ceux-ci quitte à en faire trop (comme à la sortie d’un triple A en fait). Et au final, le reste va passer à la trappe.
Quels seraient tes conseils pour de jeunes créateurs qui voudraient se lancer dans le milieu, histoire de leur éviter quelques déconvenues ?
Je me considère comme un « jeune » créateur donc je ne me permet pas de donner des conseils, il me reste encore trop à apprendre. Mais faites ! Des jeux, des Game Jams… Et créez vous un réseau. On en parle pas souvent, mais c’est vraiment super important.
Parlons des musiques. Qui est le compositeur et qu’est-ce que vous désiriez comme type d’accompagnement musical pour Ecotone ?
C’est Aleksi Aubry Carlson, il nous a contacté via le blog WeFrag. On lui a juste expliqué notre vision, que la musique devait trancher avec l’univers et apporter une note lourde. Il a tout de suite saisi et nous a fait un truc vraiment cool. Parfois c’est presque de la techno, des fois c’est quelques notes de piano, c’est très diversifié mais ça colle pas mal au final.
Jouera-t-on un seul personnage unique ou certains niveaux nous proposeront-t-ils quelques originalités ?
Comme le montre le trailer, parfois on peut être amené à diriger autre chose, comme un crabe ou une méduse qui ont leurs propres spécificités. D’autres fois on aura deux persos, il y’a même des niveaux qui demandent de jouer en coop. L’avatar a besoin d’un second intervenant pour passer le niveau et toi devant ton ordi tu as aussi besoin de quelqu’un pour t’aider. C’était assez risqué de passer en coop en plein milieu d’un jeu solo, mais on à pu se le permettre justement car on est indépendant.
Puisque le jeu se veut difficile sans être impossible, allez-vous y intégrer des options de Speedrun et des challenges ?
Le jeu n’est pas facile, on a pas voulu tomber dans le « cliché » du jeu indé poétique mais sans gameplay. Niveau speedrun et challenges pour le moment rien n’est prévu. Déjà parce que ça demande un temps de développement que l’on préfère utiliser ailleurs, mais aussi parce que ça colle pas trop à l’image du jeu. On a décidé dès le début, par exemple, de ne pas mettre de système de scoring, on voulait un truc le plus dépouillé possible et sans contraintes de temps ou de compétitif. Lorsqu’on veut mettre une dimension de temps limité on fait intervenir la fumée plutôt qu’un timer par exemple.
Trois mondes sont disponibles dans la version Early Access. Combien de mondes sont prévus au final et avec quelles inspirations particulières ?
Un monde bonus est en cours d’intégration, accessible pour ceux qui auront tous les masques. Il y’a donc 4 mondes. Le premier est assez classique : on est sur des îles, mais il fait sombre et il y a des vers bizarres. Dans le second, ça commence à devenir plus sombre, à manquer d’air, on s’enfonce d’un cran.
Le dernier c’est l’intérieur d’une bestiole, on a mis en avant la sensation d’enfermement avec des murs et plafonds partout, il fait sombre, on s’enfonce encore d’un niveau. Et le monde bonus… Il est très différent de tout ça, mais il faudra y jouer pour le découvrir.
Merci énormément pour ton temps et tes réponses ! On vous souhaite un maximum de polish et une sortie finale réussie !
Merci à toi et heureusement qu’il reste des sites comme GSS :).