Telle une Sandra Bullock face à l’immensité de l’univers, vous voilà dans la peau de l’astronaute Alex Oshima, commandante de la station spatiale de la société Handiman, se trouvant très mal en point puisqu’elle se retrouve projetée au milieu de cette dernière et de ses débris orbitant autour de notre planète bleue. Sans savoir pourquoi, nous voilà en train de vivre ses derniers moments dans le vide intersidéral, en quête d’une porte de salut sous la forme d’une nacelle de sauvetage qu’il va falloir en quelque sorte réparer. Le tout dans une aventure taillée sur mesure pour la réalité très virtuelle.
Perdue dans l’espace
ADR1FT se fait au commencement très avare sur les raisons qui ont conduites à cette situation catastrophique aux proportions dantesques. Tout ce que l’on sait après un rapide tutoriel sur les commandes du jeu, est que nous nous retrouvons projeté au milieu d’une station en ruine avec pour seul décor de fond les étoiles illuminant les ténèbres infinies d’un espace insondable. Ces circonstances peu enthousiasmantes serviront de toile de fond à ce qui devrait normalement être le théâtre idéal pour une expérience de réalité virtuelle.
Malheureusement pour nous, je ne possède (pas encore) de casque adapté pour ce type de jeu. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, la technologie est encore jeune et l’investissement lourd matériellement parlant. Que cela soit le coût du casque en lui-même ou de la machine pour faire tourner de façon optimale les jeux compatibles. Le plus compliqué à l’heure actuelle étant de savoir que choisir entre l’Oculus et le HTC Vive, qui de toute manière, sont introuvables pour le moment.
Sur ce, ayant déjà eu l’occasion de tester Elite Dangerous sur un Oculus DevKit 2, malgré une résolution inférieure au modèle définitif, je peux vous assurer que l’immersion y était totale. Reste à savoir si sur le long terme ce genre d’appareil sera capable d’aller au-delà du simple gadget. Cependant, toute ahurissante que puisse être une expérience avec de tels outils, cela ne peut occulter le plus important : c’est à dire de proposer derrière une aventure, des mécaniques de jeu rodées ou quelque chose de totalement inédit, mais se devant en définitive de fonctionner, d’amuser, d’émouvoir ou de nous transporter dans un ailleurs. Sur ces deux derniers points ADR1FT ne le réussit qu’à moitié.
Houston, on a un problème !
Techniquement irréprochable, ADR1FT utilise avec talent les qualités de la dernière version du moteur Unreal. Le design des restes de cette station spatiale témoigne d’un style sobre tout en étant moderne. La relative clarté des couleurs de son mobilier contraste avec le gouffre de noirceur d’un espace uniquement illuminé par les lointaines étoiles qui le peuplent. Il est néanmoins difficile d’idéalement retranscrire ce que l’on peut y ressentir. C’est sous le bruit de la respiration difficile d’Alex Oshima, et que d’un coup nous voilà obligé de nous propulser en utilisant le peu d’oxygène restant dans notre combinaison endommagée, alors que sous nos pieds se dessinent les traits de notre planète adorée.
Nos premiers pas, ou nos premiers flottements devrai-je plutôt dire, sont particulièrement magiques. Ensuite angoissants. On se sent inévitablement peu de chose face à tout cela. Dans un premier temps, on va devoir trouver de quoi respirer. Heureusement, un peu trop d’ailleurs, il se trouve des bonbonnes d’oxygènes idéalement placée tous le long d’un chemin en vérité très linéaire. Si la perspective de devoir se déplacer dans toutes les directions possibles à 360° peut être déconcertant au début, le radar de notre combinaison nous empêchera très vite de trop dériver.
Ces débuts moyennement réconfortants face à la détresse immédiate de notre héroïne auraient du nous mettre la puce à l’oreille. Puisqu’il s’agit dans les grandes lignes de la seule chose à y faire. On avance, on ramasse un peu d’oxygène pour pouvoir poursuivre notre route avec à l’occasion des ordinateurs renfermant les mails des collègues d’Alex, que l’on imagine sans doute déjà morts, et des enregistrements audio de ces mêmes personnes. Sans plus, ni moins d’originalité que la plupart des jeux voulant proposer une histoire de fond en plus de celle se déroulant en temps réel, ADR1FT nous fait le coup des morceaux de narration passifs qu’il nous appartiendra de ramasser ou non. Cette recette déjà éclusée maintes fois depuis Bioshock et cie n’est pas nouvelle. Il n’y aura cependant pas plus de nouveautés de ce côté-ci.
Autopsie d’un rendez-vous manqué
Ce système narratif a déjà fait ses preuves, mais comme d’autres titres avant lui ont essayé de le faire, ADR1FT se manque de peu en arrivant difficilement à créer quelque chose de réellement émouvant. Outre le déjà vu, c’est surtout la difficulté de se sentir concerné par la lecture de mails personnels, alors que l’urgence de notre situation devrait primer. Ce qui fait que l’on a du mal à s’intéresser à autre chose que l’immédiateté de ce que l’on y vit. Sauf que même du côté de la dite nécessité de survivre aux éléments, on a du mal à trouver quoi faire. Nos objectifs sont d’une simplicité enfantine puisqu’il s’agit de réparer quatre modules entourant les navettes de secours.
La première fois où l’on doit se rendre d’un point A à un point B en traversant ce qui reste de cette station orbitale, en passant par des moments littéralement majestueux dans le vide sidéral, ça passe. Mais reproduire à peu de choses près quatre fois la même rengaine avant de pouvoir en finir, le résultat est forcément bien moins positif. ADR1FT devient très vite affreusement répétitif. L’aspect survie est particulièrement surfait et son aspect narratif manque d’originalité malgré quelques tranches de vie parfois joliment écrites. Sur ce dernier point, il n’arrive pas à s’élever au-dessus d’autres jeux du genre comme Gone Home. Le tissu narratif n’est jamais très clair avant d’arriver à la fin. On dirait plus une accumulation d’anecdotes plutôt que la lente progression d’une véritable histoire..
Ne voulant malgré tout pas gâcher une quelconque révélation sur cette dernière, j’en resterai sur le fait que ce jeu ne brillera ni pour sa plume, ni pour son gameplay soporifique à la longue. En ayant voulu combiner de la survie à un fort aspect narratif, il n’arrive pas à s’élever au-delà de la simple expérience visuelle et sonore qu’il reste en définitive. Même sans casque de réalité virtuelle, il est l’un des jeux les plus immersif qui soit, capable de nous en mettre plein les mirettes sans trop se forcer. Mais une fois passé quelques heures en sa compagnie, la lassitude prendre le dessus envers et contre tout. A vouloir tout faire, il n’arrive pas vraiment à l’excellence qu’on lui attendait.
ADR1FT était attendu avec sa belle promesse d’une balade spatiale pas comme les autres. Le sentiment d’urgence qu’il arrive à installer en début de partie s’estompe malheureusement assez vite devant l’absence réelle de dangers pour le joueur dirigeant son héroïne, Alex Oshima. Le scénario reste de son côté aussi mince que celui de Gravity y ajoutant une couche plus profonde aux travers d’écrits et de documents audio ratant de peu d’être réellement intéressants. Il ne lui reste que ce semblant d’une expérience unique idéalement pensée pour la réalité virtuelle, qui n’arrive cependant pas à se hisser au-delà des attentes qu’il aura su généré en étant trop vite ennuyeux.