Concurrent albionais de Failbetter Games, Inkle se concentre sur la création de jeux textuels bien spéciaux. Tourné vers l’adaptation (Frankenstein, le tour du monde en 80 jours), les cambridgiens distillent depuis 2013 les formats mobiles du Sorcery, quadrilogie de Steve Jackson. En février, les deux premiers épisodes sortaient sur PC, suivi par le troisième en avril.
Jouer avec le texte
Comme avec 80 Days et contrairement à leur voisin de chez Failbetter, Inkle se fout un peu de l’originalité et de la profondeur de ses histoires. Ce qui importe c’est le jeu, c’est nous, déambulant dans des univers fantastiques, confrontés à des assassins téméraires, des géants, des félins invisibles ou des confréries secrètes de loups garous.
Tout ce que Sorcery pourrait nous opposer n’existe que pour nous emmerder/aider/tuer. En bon horloger, Inkle s’applique à placer scrupuleusement ses pions, pensant avant tout aux joueurs, à ses déplacements et actions. Nous nous trouvons typiquement dans une démarche ludique archi classique, appliquée par Nintendo depuis la nuit des temps.
Deux belles constructions, un intrus
Là où Inkle nous bluffe, c’est dans cette architecture soignée, spécifique à chaque épisode. Le premier file droit, étendant ses ramifications tout en contrôlant son issu, visant la préparation du second épisode. Le joueur découvre, trouve des trésors, voir, des alliés, erre mais ne se perd jamais. Sa route est toute tracée et donne à cette introduction un souffle épique.
Le second se plante. Nous ne sommes plus sur la route mais dans l’enceinte d’une cité tentaculaire. Paresseux, Sorcery achève cette seconde étape par un mauvais twist -comme sorti du placard de Shyamalan- nous repoussant vers l’intérieur de la ville. Cet aller retour barbe, brisant la sereine continuité du premier.
Le troisième semble avoir appris des erreurs du second en comprenant un objectif facultatif, évitant de nous barrer la route du quatrième épisode. Spirale centrifuge, cet épisode constitue le meilleur des trois, fusionnant les qualités des deux premiers, tout en se payant le luxe d’ajouter une mécanique, mur porteur de cet opus.
Flairer, deviner, rembobiner
Tout est aussi surprise et devinette dans Sorcery. Durant les combats, nous devons flairer les actions de l’adversaire, s’aider d’une gauge de puissance pour se défendre ou attaquer et outrepasser l’attaque de l’ennemi pour infliger un maximum de dégâts.
Hors des combats, des sorts peuvent être utilisés. Déterminés par notre position vis à vis des étoiles, nous pouvons former des mots et jeter des sortilèges pour lutter ou décoincer une situation. Je me plaisais souvent à tester toutes les combinaisons possibles, comme un alchimiste taré. Autre devinette, le mini jeu de dé où nous devons trouver une partie des dés de l’opposant.
Optimisant la douceur de l’expérience -sans rogner sur le challenge- Inkle inclut la possibilité de revenir dans le temps. Chaque décision peut être rembobinée, transformant la triche du format papier en agréable mécanique.
Sans égaler le génie de 80 Days, Sorcery fait figure de bon outsider. Ordonnant ses mécaniques autour d’une logique partagée entre indulgence, aventure et tromperie, Inkle délivre une trilogie plus que convenable. Vivement la suite.