Si je vous dis qu’une princesse a été enlevée, que vous incarnez un héros tout de rouge vêtu et que vous allez devoir traverser tout un tas de niveaux répartis en plusieurs mondes pour déjouer pièges et ennemis avant de sauver la belle, vous pensez à … Adventures of Pip évidemment ! Bon ok, on est dans la resucée classique du jeu de plateforme mais après tout, ces jeux n’ont pas vocation à briller par leur scénario. Le plateformer de Tic Toc Games en bon élève du jeu indé, a obtenu une mention à l’examen kickstarter en Octobre 2014 avant d’atterrir sur Steam en juin 2015. C’est à l’occasion de son arrivée sur PS4, Xbox One, iOS et WiiU que l’on vous propose ce test d’ailleurs issu de la plateforme de Nintendo.
Appellation d’Origine Pixélisée
Dans le monde merveilleux de Pixelonia, chaque pixel est à sa place et tout est pour le mieux. Les bourgeois fortunés étalent leurs richesses en ayant plus de pixels que les autres, quand dans le même temps, le bas peuple, la plèbe, que dis je la populace, se contente d’un unique pixel comme toute forme d’existence. Il va de soi que le joueur incarne Pip, pixel rouge sans le sou, mais bien décidé à prendre son destin en main et à voir dans son avenir une occasion de s’extirper d’une condition sociale pas toujours évidente. Adeline, la princesse du royaume a le pouvoir de créer des pixels à partir de rien, ce qui a le don d’agacer la pimbèche de service, la bien nommée reine DeRezzia qui décide, vice chevillé au corps, d’enlever la belle et fraiche princesse, et de transformer tout le monde connu en pixels uniques et d’absorber tous les pixels, l’avare.
Vous sentez venir la suite ? Vous décidez que trop c’est trop, et vous vous précipitez pour empêcher la mécréante de fuir avec Adeline entre ses griffes. Seulement comme vous êtes un gros pébron, il ne vous faudra guère plus de cinq mètres pour tomber dans le premier gouffre venu et ainsi justifier que l’on se tape une quarantaine de niveaux pour retrouver la princesse. Fort heureusement à malheur bonheur et demi (?), vous rencontrez l’esprit de l’ancien chevalier Elwyn qui va conférer à Pip le pouvoir du bitstream. Et ouais. Dans les faits, notre héros pourra absorber les pixels de certains ennemis pour évoluer vers des formes plus puissantes.
Pip my ride
Ces ennemis ressemblent peu ou prou à des crabes bleus qui tiendraient des pixels entre leurs pinces. Les vaincre vous permet de passer de votre forme de base, le pixel, vers le Pip 16 bits, puis le Pip 32 bits. Ces trois formes et les passages entre elles constituent l’idée de base du jeu. En effet, à chaque évolution, ces aptitudes. La forme de base, à savoir le pixel rouge, permet d’effectuer de grands sauts et de planer à la fin de ceux-ci. Cette forme permet également de rebondir plus haut sur les tremplins ou de flotter dans l’eau. Quand au Pip 16 bits, un petit bonhomme pixélisé, il vous autorise à courir plus vite mais saute moins loin et haut que le Pip 8 bits. Cela dit, il a la possibilité de s’accrocher aux murs et de rebondir sur ces derniers. Enfin, la transformation 32 bits donne accès à une épée bien pratique pour tataner les ennemis mais surtout est indispensable pour détruire certains blocs portant le signe de l’épée, indestructibles jusque là. Cette puissance de frappe accrue s’acquiert aux dépens d’une lourdeur plus marquée, d’une vitesse moindre et d’un saut plus court. Nous avons expliqué que pour évoluer, il s’agissait de tuer un type d’ennemi particulier mais sachez qu’il est possible de régresser d’état par la pression d’un simple bouton. Cette action, qui s’assimile à une petite explosion, va permettre à la fois de s’adapter au level-design des niveaux mais aussi de casser des blocs roses qui peuvent entraver votre progression.
Ainsi vous évoluez dans un jeu de plateforme/puzzle light où, passé les premiers niveaux qui font office d’introduction des mécaniques susnommées, vous n’aurez de cesse de switcher d’un état à l’autre pour assurer votre progression. Tantôt il faudra évoluer, tantôt il s’agira de régresser pour déjouer les pièges tendus par le jeu. A noter que les ennemis (qu’il s’agisse de ceux permettant d’évoluer ou des opposants « standards ») repopent à l’infini évitant ainsi d’être coincé. Les phases classiques de gameplay vous amène par exemple à effectuer un long saut seulement accessible sous forme de pixel rouge, pour rebondir sur un ennemi qui vous transforme en Pip 16 bits, vous autorisant à enchainer en rebonds entre ces deux murs resserrés avant de rebondir sur un autre ennemi donneur de pixels et ainsi casser les blocs qui entravent votre progression sous forme de Pip 32 bits. A noter qu’il y a peu voire pas d’inertie dans la maniabilité du personnage, ainsi lors d’un saut, si vous relâchez la direction votre personnage tombe tout droit.
Thug « low-rez » life
Et c’est parti pour 5 mondes (la forêt, les marais, les grottes, le monde de lave et le château) comprenant chacun environ 7 niveaux pour une durée de vie moyenne en-deçà des dix heures. (6h et des bananes au compteur pour votre serviteur). Les levels sont assez courts et possèdent des checkpoints qui vous redonnent toute votre vie. De plus, il n’y a pas de game over, vous avez littéralement des vies à l’infini. Au cas ou cela ne suffirait pas, il existe deux boutiques : la première permet de dépenser vos pièces dans des potions de soin ou de force, ou encore d’acheter des réceptacles de cœur supplémentaires et ainsi allonger votre barre de vie. La second marchand est un forgeron qui moyennant de rondelettes sommes, se fera un plaisir de vous proposer une meilleure épée ou des objets pétés qui absorbe la moitié des dégats, de quoi courir dans les pics en mode fakir. Autant d’aspects qui travaillent pour l’accessibilité du titre mais qui représentent surtout les symptômes du plus grand problème d’Adventures of Pip : sa difficulté trop faible.
Le jeu propose des niveaux courts et au level design solide mais vu et revu pour un joueur habitué. Il y a bien trois villageois cachés à sauver dans chaque niveau, un peu dans l’esprit des trois grandes pièces des Mario 2D. Seulement, votre premier essai vous octroiera bien souvent au moins deux villageois sur les trois. Il ne sera malheureusement pas nécessaire d’approfondir de manière intense les recherches pour tomber sur le reste du grisbi. Paradoxalement, ces checkpoints sont mal répartis et plutôt trop éloignés. Cela oblige le joueur à refaire de grandes portions de niveaux lors des rares décès du héros.
Ceci n’est pas une Pip
C’est vraiment dommage, car ce que fait le titre, il le fait plutôt bien, mais il manque clairement le moment fatidique où on lâche la main du joueur pour se jeter dans le grand bain et montrer le plein potentiel de l’idée de départ. Les boss qui viennent sanctionner chaque fin de monde subissent les mêmes défauts : vous repérez le pattern au premier essai et c’est gagné immédiatement voire à l’essai suivant max… Difficile de faire monter la pression et de rendre ces affrontements mémorables dans ce cas de figure. Ajoutez à cela une direction artistique moyenne (attention le néo retro, Shovel Knight est passé par là et a montré qu’on peut respecter ce style tout en étant très joli et inspiré) et vous obtenez un jeu un peu tristoune.
Si le jeu manque clairement de travail sur le level design, la DA et le défi proposé, il excelle néanmoins dans d’autres domaines. Ainsi vos cages à miel frétilleront à l’écoute de l’OST signé Jake Kaufman (Shantae, Shovel Knight, Silent Hill : book of memories). Le travail effectué est de grande qualité, comme bien souvent avec l’énergumène. l’ambiance générale du titre et le délire autour des pixels est sympathique à défaut d’être ultra original, on note également un humour qui fait mouche à base de « Puise la force nécessaire en toi, car c’est là que se trouve tes muscles » et autres répliques con-con bien senties.
Pour autant, cela ne suffit pas pour qu’Adventures of Pip s’impose dans le milieu très concurrentiel des platformers. On se retrouve face à un titre avec une idée de gameplay intéressante mais qui pèche par timidité et qui oublie de prendre son envol. Niveaux trop courts, challenge inexistant, checkpoints mal répartis, durée de vie faible, rejouabilité plus que moyenne… Adventures of Pip est un jeu honnête mais qui ne force pas son talent et en garde sous le pied. Il se paye même le luxe de ramouiller par moment sur Wii U… C’est dommage, car le matériau de base était là, il n’y avait qu’à approfondir.