Seasons after Fall est enfin là après tant d’années d’attente, et on peut dire que ça valait le coup de patienter ! Pour rappel, il aurait dû être le premier jeu du studio français Swing Swing Submarine, fondé en 2009 pour travailler dessus, qui a dû le mettre en pause en 2011. C’est fort de l’expérience de deux autres jeux, les excellents Blocks That Matter et Tetrobot & Co, que Swing Swing Submarine a repris le développement de Seasons after Fall en 2014 pour enfin le sortir cette année.
7 automnes plus tard…
Seasons after Fall est un jeu empreint d’une certaine nostalgie. À vrai dire, jouer au jeu m’a fait penser à toutes ces heures passées sur Donkey Kong Country, Crash Bandicoot ou Rayman Origins. En théorie, ils n’ont pas grand-chose à voir sur comment ils se jouent, ces derniers étant des jeux construits autour de phases de plateforme relativement linéaires et toutes tracées tandis que Seasons est beaucoup plus orienté puzzle et exploration que plateforme. Néanmoins, le jeu de Swing Swing Submarine m’a fait ressentir la même chose que Rayman Origins à sa sortie : une certaine nostalgie me rappelant toutes les heures passées sur des jeux tels que DKC et Crash plus petit. Et il m’a marqué de la même manière que le jeu d’Ubisoft le faisait : avec un univers et des niveaux mémorables passant principalement par une direction artistique particulièrement soignée et unique et un solide level design. Si l’ambiance de Seasons After Fall m’a fait ressentir la même chose que ces jeux désormais cultes – et parmi mes préférés – durant mon temps avec lui, il faut bien dire que le jeu s’en démarque énormément dans bien des aspects.
Comme son nom l’indique, le jeu est construit autour d’une idée relativement simple : le joueur peut changer les saisons à volonté. Cette mécanique est ainsi utilisée pour progresser dans la forêt où se déroule le jeu, résolvant divers puzzles en usant de celle-ci et de phases de plateformes en découlant. Là où cela devient particulièrement intéressant, c’est que le changement de saisons se fait à tous les niveaux du jeu, et n’est pas seulement un simple outil pour résoudre les puzzles. Le changement de saison se fait évidemment d’un point de vue visuel, chaque saison ayant son ambiance et ses couleurs facilement identifiables. De même, les musiques et le sound design suivent le changement de saison de sorte à parfaitement immerger le joueur dans telle ou telle saison, que ce soit les neiges de l’hiver ou le gros soleil de l’été. Cela a évidemment une incidence au niveau gameplay, chaque saison ayant des mécaniques propres que l’on retrouve tout le long du jeu. Là où le jeu brille vraiment en revanche, c’est dans son level design et sa narration, les deux étant ici assez indissociables. Par rapport aux saisons, cela se retrouve dans le fait qu’un même endroit pourra être approché de quatre façons différentes, chacune correspondant à une saison. D’une façon assez brillante, le level design est pensé tel qu’un changement de saison permettra d’atteindre de nouveaux endroits qui étaient initialement cachés dans le décor. Quelque chose que l’on n’aurait pas vu en arrivant à un endroit viendra, après l’obtention d’une nouvelle saison à utiliser, se découvrir tout naturellement. On ira jusqu’à se demander comment l’on avait pu rater un pan entier du niveau quand un simple changement de saison ouvrira de nouveaux chemins sans qu’on ait à un seul moment l’impression d’un ajout artificiel pour forcer l’utilisation de cette mécanique.
Le corps beau et le renard
Le talent des développeurs de chez Swing Swing Submarine est particulièrement visible dans les environnements du jeu. Non seulement ceux-ci sont sublimes, mais ils sont au cœur du jeu, presque plus que le renard incarné par le joueur. Seasons after Fall est en effet un jeu bâti sur des puzzles environnementaux. Ainsi, il y a très peu d’indices textuels à l’écran, tout se passe par une observation de l’environnement autour et des changements opérant dans celui-ci lorsque l’on passe d’une saison à l’autre. C’est ingénieux et passionnant autant au niveau du gameplay que de la narration. Dans les deux cas, ça pousse le joueur à explorer tous les recoins pour pouvoir résoudre les puzzles – pas si difficiles que ça – tout en profitant des merveilleux environnements du jeu. Tel le cycle des saisons, on passe son temps à passer d’un environnement à l’autre (il y a au total quatre zones, une pour chaque saison) tout en revenant sur chacun au fil de la progression dans le jeu. Si cela peut sembler comme des aller-retours laborieux pour peu que l’on accroche pas au rythme et à l’ambiance du jeu – plus proches de ceux d’un jeu contemplatif que d’un platformer « classique », l’ingéniosité du level design et de cette narration environnementale permettent de redécouvrir les zones à chaque fois qu’on y revient, de nouvelles routes s’ouvrant à chaque fois. Le jeu de Swing Swing Submarine se dote même d’une histoire relativement sympathique servant de prétexte à l’aventure à travers la forêt, qui a de l’intérêt surtout pour l’excellent doublage (en français !).
Seasons after Fall n’est peut-être pas exempt de défauts. Comme je viens de le dire, il peut paraître redondant de revenir dans les mêmes zones si l’on n’accroche pas au parti pris du jeu. Les phases de plateforme sont peut-être un peu molles ou basiques dans leur construction, ce qui est d’autant plus souligné par une certaine latence dans les sauts et déplacements. Il est relativement aisé de se perdre, autant à cause du manque de carte pour se repérer que de la nature du design des niveaux et puzzles. Il reste bien quelques bugs et problèmes techniques qui devraient ne plus exister d’ici quelques patches (si ce n’est déjà le cas avec ceux sortis entre le moment où j’ai joué au jeu et le moment où je rédige ceci). Le jeu est aussi peut-être un peu court – même si le fait que ça soit un défaut ou pas dépend hautement de chaque personne, avec une durée de vie qui tourne en moyenne autour des cinq ou six heures (même si j’en ai personnellement mis douze et je compte revenir dessus, mais j’ai conscience d’avoir beaucoup traîné, les 250 screenshots n’allaient pas se prendre tout seuls après tout). Mais tout cela relève du détail et m’a à peine gêné dans mon expérience avec le jeu. La latence peut être un peu pénible au début, mais à part peut-être un passage dans le jeu, la simplicité des phases de plateforme fait qu’elle n’est jamais vraiment dérangeante. L’absence de carte est pour moi une bonne idée plus qu’un défaut, tant elle handicaperait l’exploration et la découverte plus qu’autre chose. Le jeu ne s’encombre pas de menus et d’UI en tout genres, et ça sert parfaitement l’ambiance du jeu et le plaisir de gambader dans la forêt.
Seasons after Fall est une expérience qui m’a énormément marqué et que je n’oublierai pas de si tôt. J’étais parti avec pas mal d’attentes, ne serait-ce que pour la direction artistique qui donnait envie depuis des années mais aussi par les précédents jeux du studio, tous très bons. Le jeu n’est pas vraiment ce à quoi je m’attendais à vrai dire, c’est-à-dire un jeu de plateforme classique, avec des puzzles et le twist sur les saisons certes, mais en son cœur un jeu de plateforme. Celle-ci n’est présente qu’en tant qu’outil pour une aventure passionnante et assez unique. Les énigmes environnementales composant le jeu sont ingénieuses et toujours intéressantes, savamment rythmées par les passages de pure aventure et exploration – voire contemplation, eux-mêmes sublimés par la direction artistique du jeu. Ce n’est clairement pas un jeu pour tous, ni même pour tous ceux qui l’attendaient de pied ferme, mais c’en est un absolument nécessaire pour le jeu vidéo en général, tant il avance des idées de narration, gameplay et level design considérables. Le vrai coup de maître de Swing Swing Submarine, c’est d’en plus avoir une exécution et un enrobage impeccables ne rendant ces idées que plus passionnantes qu’elles ne l’étaient déjà en théorie. Et puis, on ne peut décemment pas passer à côté d’une telle bande-son.
Le studio Swing Swing Submarine nous a habitué à de bons jeux, et Seasons After Fall est pour moi le meilleur du lot
De même. Et pourtant, Blocks That Matter est probablement un de mes jeux récents préférés et Tetrobot & Co était très très chouette aussi.