Breached peut être défini comme étant une expérience à la fois littéraire et interactive. Derrière son aspect contemplatif se dessine les traits d’une aventure inscrite sous le signe de la survie d’un individu semblant parfois déconnecté de sa propre réalité. Tout en étant perdu dans les confins d’un monde désertique avec pour seule porte de salut la réparation de son vaisseau qui lui permettrait enfin de se sortir de ce pas presque inextricable.
Anesthésie locale
C’est sous l’apparence de l’interface d’un système d’exploitation inconnu que notre aventure démarre. Les informations qu’elle nous divulgue sont à la fois pertinente quant à l’état de notre situation, tout en étant parfaitement cryptique par endroit. Pourtant, elle n’est pas si compliquée à comprendre en apparence. Seulement parfois, elle se fait brumeuse, et plus spécialement quand il s’agira de synthétiser les ressources accumulées pour en tirer les éléments substantiels à notre survie.
Mais avant que la chasse aux minéraux ne démarre, c’est engoncé dans un texte prédominant et avare en épanchements que nous faisons face. Celui-ci nous relate les atermoiements d’un homme rationnel – peut-être un peu trop – qui finira peu à peu par se laisser envahir par l’angoisse. Enfin, il s’agit là plus d’une interprétation très personnelle, car les mots qui composent son journal quotidien semblent être sous anesthésie émotionnelle à cause de leur trop grande neutralité.
J’ai parfois eu le même sentiment de distanciation par rapport à cet individu que celle que j’ai pu ressentir devant la léthargie émotionnelle de « L’étranger » de Camus. Il m’a été par conséquent difficile de rentrer personnellement dans son histoire devant son avarice à se confier pleinement sur ses motivations ou ses intentions. Le texte y ayant pourtant une place prépondérante, j’en attendais éminemment plus de sa part.
Son relent de dépression n’était pourtant pas pour me déplaire, mais ces mots mêlés à des liens hypertextes se veulent synthétiques de ce que ressent cet homme en perdition. Mais derrière la décomposition de ses sentiments sous la forme épurée de hashtags et de html, il n’y a en définitive assez peu de choses sur lesquels construire notre intérêt. Son récit n’est guère passionnant et suffit à peine à motiver toute envie d’aller plus loin. Malgré sa tentative d’épaissir ses mystères à coup d’ambiguïté sur la réalité supposée de ce qui s’y passe.
L’attaque des drones
Breached reste donc la plupart du temps obscur, volontairement sans doute pour renforcer son impression de nous faire naviguer dans le grand inconnu et brouiller les pistes. On ne sait jamais véritablement s’il s’agit de la réalité ou non pour notre protagoniste. En raison de sa semi-nature de jeu de survie, il n’est pas complètement linéaire et se révélera à nous un peu plus à chaque nouvelle tentative d’en percer les mystères. Car il est effectivement conçu avec l’idée de vous y faire jouer plusieurs fois pour en lever le voile. Mais un voile bien lourd.
Il y a malheureusement chez lui un rapport assez soporifique avec le temps de jeu. Si lire du texte à foison sur un écran n’est jamais la chose la plus agréable qui soit, surtout dans un jeu où le contexte vidéo-ludique est censé mettre le dit joueur dans l’expectative de devoir faire quelque chose de ses dix doigts, celui de Breached n’est pas toujours des plus interpellant. On s’y retrouve obligé chaque jour dans le jeu à répéter inlassablement cette quête rébarbative de collecte de ressources.
C’est dans les terres arides de cette planète que l’on y dirigera un drone maladroitement malgré sa maniabilité ne se composant que de l’utilisation des deux clics de la souris. Il est difficilement contrôlable avec son incapacité à se déplacer latéralement et son accélération compliquée à doser correctement. Il arrive donc assez souvent que l’on tombe d’une falaise sur laquelle il fut pourtant compliqué d’accéder. Mais restons honnête deux secondes. Le problème se situe plutôt dans l’ennui d’une telle entreprise.
On ne peut alors tourner qu’à l’aide de la souris impliquant parfois des demi-tours aux larges amplitudes. Ce qui nous donne un cruel manque de précision dans un jeu s’amusant à nous mettre face à de pseudos ennemis sous la forme de boules énergétiques définies en tant qu’anomalies électro-magnétiques, signifiant la destruction immédiate de notre drone si nous devions croiser leur route. Or le temps dans Breached nous est précieux. Les activités que l’on peut mener dans une journée sont rares, autant que nos ressources. Perdre un drone, c’est ainsi garantir un destin funeste à notre bonhomme.
Breached est difficile d’accès à première vue. Il n’en est rien. Il s’agit principalement de lire du texte sur le ressenti d’un individu en perdition sur une planète inconnue, et de subir quelques tâches rébarbatives de récolte de ressources pour en assurer la survie. S’il est intéressant dans son aspect visuel et sonore, son manque de nous impliquer émotionnellement dans ce qu’est censé vivre son protagoniste principal, et l’ennui latent d’un jeu au rythme apathique aux tâches quotidiennes redondantes, font qu’il devient difficile de l’apprécier entièrement à la valeur qui aurait pu être la sienne.